Chapitre 8
Sa question cassante s'ensuivit d'un long silence. Le cheikh avait la tête inclinée sur le côté, le visage dépourvu de toutes émotions avant qu'un sourire cruel vienne relever ses hautes pommettes.
- Je n'en tire aucun plaisir mademoiselle Gray, finit-il par répondre ; J'ai toujours été ainsi, c'est à prendre ou à laisser.
Avait-elle le choix ? Songea-t-elle en lui servant une tasse de thé.
- Poursuivons notre conversation si vous le voulez bien, ajouta-t-il en glissant prudemment sa main vers la tasse.
- Hormis votre passion pour la lecture avez-vous des amis ? Un petit-ami ?
- Non enfin ! Je vous l'ai déjà dit ! Répondit-elle sur un ton qui suggérait qu'elle était surprise par cette question.
Elle le vit froncer légèrement des sourcils.
- Vous auriez très bien pu mentir, objecta l'homme sur un ton rêche.
- Je n'ai pas le temps pour avoir un petit-ami si vous voulez tout savoir.
Liya le fusilla du regard, ravie qu'il ne puisse pas voir à quel point elle était en colère contre lui.
- Vous vivez comme une nonne à vous entendre.
Piquée au vif, Liya fit au mieux pour ne pas lui envoyer sa tasse de thé dans la figure.
- Je mène une vie saine, tout à fait banale, je ne vois pas en quoi cela vous gêne.
- Cela ne me gêne pas, répondit le cheikh avec un sourire en coin ; Je trouve votre vie bien ennuyante.
- Ah parce que la vôtre ne l'est pas ?
Liya se maudit la seconde suivante. Quelle idiote...
Même s'il se montrait impitoyable elle n'avait aucun droit de lui parler de la sorte.
- Je suis navrée, mon comportement est...
- Ma vie n'était pas ennuyante avant l'accident, la coupa-t-il le visage aussi dur que de la pierre.
- Je n'en doute pas un seul instant, lui dit-elle dans l'espoir de se rattraper.
Il pouffa. Pour la première fois depuis qu'elle le connaissait elle lut dans ses yeux de la peine.
- J'avais tout ce que je désirais, murmura-t-il d'une voix ruisselante de haine.
Liya scella ses lèvres. Que pouvait-elle répondre à cela ?
Il avait beau être monstrueux avec elle, Liya ne pouvait ignorer les douleurs inscrites sur son visage. Sa vie ne serait plus jamais comme avant. Pourtant elle se surprit à espérer qu'un jour cet homme trouve le bonheur.
- J'ai espoirs qu'un jour vous...
- N'ayez pas d'espoirs pour moi miss Gray, la coupa-t-il durement ; Je n'en vaut pas la peine. Tout ce que je vous demande c'est d'être à mes côtés chaque fois que je le voudrais.
Liya le dévisagea avec prudence et inquiétude mêlées. Que voulait-il dire par-là ?
- Je ne comprends pas votre altesse.
Le cheikh souleva sa tasse de thé et la porta à ses lèvres avant de la reposer délicatement.
- Pour une raison qui m'échappe je trouve votre compagnie divertissante.
Divertissante ?
Liya sentit son cœur redoubler d'allure. Ses mains devinrent moites.
- Divertissante pour quelle raison ? Parce que je débite des absurdités à la minute ?
Le cheikh leva un sourcil amusé.
- Vous en êtes consciente en plus ? S'enquit l'homme avec sarcasme.
- N'est-ce pas ce que vous pensez de moi ?
Liya hoqueta, offusquée par le sourire moqueur qu'il arborait.
- Vous êtes très drôle votre altesse !
Liya se leva d'un bond pour arpenter le salon nerveusement.
- Cessez de marcher comme une hystérique.
- Comment pouvez-vous savoir que je marche comme une hystérique ? S'enquit Liya d'une voix sèche.
- Il se trouve que mon ouïe s'est aiguisée, je perçois les sons différemment.
Liya cessa de marcher alors que son corps n'était plus qu'une effluve de lave bouillonnante.
- Allons, venez vous assoir que l'on puisse discuter.
Ce n'était pas une invitation mais un ordre auquel elle se plia sans attendre.
- Vous êtes la seule femme encore capable de me supporter, déclara l'homme comme un aveu difficile à confier.
- Hormis mes soins quotidiens j'aimerai vous avoir avec moi pour la lecture et divers loisirs qui m'aident à faire passer le temps.
Liya était loin de s'attendre à une telle demande. Elle fut tentée de protester mais le roi ne lui en donna pas l'occasion.
- Je ferais en sorte que le journal soit dans votre langue bien entendu.
- Je peine à comprendre pourquoi vous désirez tant ma présence votre altesse, il y a deux jours vous aviez qu'un seul désir, me chasser.
Son entêtement n'était pas sans conséquences car le cheikh poussa un long soupir d'impatience.
- Je vous l'ai déjà dit miss Gray nous n'avons pas le choix ! S'agaça-t-il.
Ce n'est pas ce qu'elle pensait. On avait toujours le choix dans la vie, songea-t-elle en se mordant la lèvre sous son regard terrifiant. Après tout il était le roi et malgré l'entêtement d'Hassan, le cheikh avait le pouvoir de la renvoyer.
- Si vous le souhaitez je peux augmenter votre salaire, ajouta-t-il d'une voix impatiente.
Cette fois-ci Liya se sentit terriblement blessée. Bien que sa première motivation fût l'argent elle n'avait pas l'intention de quémander une augmentation à chacune de ses demandes. Elle ne marchait pas au chantage, elle faisait les choses de bonté de cœur même si elle avait devant elle l'homme le plus impitoyable de tous les temps.
- Même si je vous ai donné cette impression, je ne suis pas une femme qui aspire à l'argent, répondit-elle doucement ; Je serais ravie de vous tenir compagnie votre majesté.
Il parut surpris, au point qu'il releva sa tête en la cherchant du regard. Peinée, Liya décida de l'aider à se donner l'impression qu'il avait le regard braqué sur elle.
- Ne bougez plus les yeux, vous êtes en train de me regarder, murmura-t-elle comme un ordre au moment où ses yeux s'étaient glissés sur les siens.
Zhayar sentit sa respiration devenir fébrile et pour la première fois de sa vie se laissa guider par une femme. Il avait cessé de bouger ses yeux, lui offrant sa confiance. Une atroce douleur vint se ficher au creux de ses reins.
- Vous êtes en train de penser n'est-ce pas ?
Il l'entendit émettre un petit halètement comme s'il venait de rompre le cours de ses pensées.
- Je me disais que....enfin c'est étrange de vous voir enfin me regarder dans les yeux, bredouilla-t-elle d'une voix à peine audible.
Zhayar ne la voulait pas à ses côtés pour ses absurdités mais plutôt parce qu'elle possédait une franchise maladroite qu'il avait besoin d'entendre. Son avis ne comptait pas tant à ses yeux...mais il avait besoin de lui poser la question :
- A quoi je ressemble mademoiselle Gray, soyez franche avec moi, ordonna-t-il sur un ton qu'il voulait posé.
Un silence assourdissant se mit à naître. Il pouvait déceler sa respiration lente puis parfois erratique.
- Hassan et mes hommes me l'ont décrit mais je peine à les croire sur parole, quant aux femmes qui travaillent ici, elles ont toutes plus ou moins poussées un cri de terreur...
- Votre visage demeure inchangé que sur le portrait que j'ai pu apercevoir dans le couloir, dur, impitoyable, froid.
Zhayar avait eu beaucoup de mal à la lancer, alors il se garda de commenter la portrait qu'elle venait de lui dépeindre.
N'était-ce pas la vérité ?
Il ne pouvait le nier.
- Vous avez cinq cicatrices sur la partie gauche de votre visage, la plus atroce est celle qui barre votre œil.
Zhayar inspira profondément, sans jamais bouger les yeux.
- Quant à votre corps, la brûlure sur votre flanc doit faire à peu près vingt centimètres.
- Quelle couleur ?
- Elle se nuance à votre peau hâlée, murmura-t-elle après s'être raclée la gorge ; Je dirais qu'elle est de couleur crème.
Zhayar fut tenté de l'interroger sur ses jambes mais se rappela in-extrémis qu'elle ne les avait jamais vu.
Au moins elle s'était montrée sincère mais peut-être pas assez.
- Je suis hideux n'est-ce pas ?
- Non ! S'écria-t-elle si vite qu'il plissa son front.
Liya posa sa main sur sa bouche, les joues en feu. Elle ne pouvait pas le laisser croire une telle chose. Malgré ces affreuses cicatrices, Liya avait devant elle, un homme d'une beauté à couper le souffle. Un mâle viril au charisme implacable. Fauteuil roulant ou non, le cheikh était à l'image de son titre. Et à force de scruter ses cicatrices elle finissait même par les trouver terriblement séduisantes. Les joues brulantes de honte, Liya secoua violemment sa tête pour revenir à la raison.
- Vous êtes de loin l'homme le plus terrifiant que j'ai jamais rencontré de ma vie avec ou sans cicatrices.
Fin ! Songea-t-elle en lui volant sa tasse de thé afin de s'humecter ses lèvres sèches.
- C'est de loin le plus agréable compliment que j'ai reçu jusqu'ici mademoiselle Gray.
- Ah oui ? S'enquit-elle en feignant d'être décontractée.
Un lent et mystérieux sourire releva le coin de ses lèvres.
- Je vous remercie pour votre franchise, à présent je serais tenté de vous entendre lire.
Ecarquillant les yeux, Liya déglutit péniblement.
- Où est mon thé ?
Désorientée, Liya se rendit compte trop tard qu'elle le tenait encore dans sa main et s'empressa de lui tendre.
- Lire ? Que voulez-vous que je vous lise ?
Il termina son thé d'un seul trait avant de froncer des sourcils, une lueur amusée au fond du regard.
- Mon thé a soudain un gout sucré et une légère odeur fruitée, auriez-vous bu dedans miss Gray ?
Mince son baume à lèvres !
- Il se pourrait bien que oui, je suis démasquée, il va falloir que je surveille mes moindres faits et gestes votre altesse, votre odorat et votre ouïe me semblent bien plus dangereux que vous.
Liya s'attendait à tout sauf à l'impensable.
Le cheikh se mit rire...
Un rire vibrant et rauque...
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