Chapitre 38



Zhayar la sentit tressaillir lorsqu'il frôla sa main d'un léger baiser. Pour une raison encore méconnue Zhayar prenait plaisir à rendre cette jeune femme mal à l'aise. Peut-être parce qu'elle était la seule qui avait été présente dans sa vie depuis son accident. Mais devait-il en profiter pour autant ?

Il libéra sa main, gardant tout de même la douceur de sa peau comme un souvenir qu'il garderait d'elle.

Demain matin elle quitterait ce palais laissant derrière elle quelques souvenirs qu'il se promit de ne jamais oublier. Forcé de l'admettre, Liya Gray l'avait aidé à surmonter ses douleurs, elle l'avait inconsciemment poussé à réapprendre à marcher parce qu'il s'était refusé à entendre sa pitié. Il s'était également refusé de paraître faible aux yeux de cette jeune fille qui malgré ses multiples crises de colère avait su faire preuve d'une ténacité qui l'avait laissé sans voix. Mais Zhayar était bien trop conscient qu'il l'avait de nombreuses fois effrayée. Comment oublier ses hoquets de peur, ses petits sanglots répétés dans sa voix. Pour la première fois de sa vie Zhayar regrettait amèrement d'avoir été si dur et monstrueux.

- Quel souvenir allez-vous garder de moi Liya ?

Zhayar patienta dans le silence et dans le noir. L'attente devint subitement insupportable. Il l'entendit se racler la gorge avant de lui répondre :

- Celui d'un grand roi, d'un homme autoritaire mais qui parfois s'est montré d'une grande générosité.

Il la sentit sincère, presque timide.

- Vous êtes un battant, cela ne fait aucun doute votre altesse, ajouta-t-elle faiblement.

Combien de fois avait-il entendu ça dans sa vie ? Avant ou après son accident ? Probablement des milliers de fois.

Mais venant de sa bouche, Zhayar avait l'impression d'être revigoré d'une énergie indescriptible. Il avait la sensation d'être puissant, riche de déterminations.

- C'est un compliment qui me laisse sans voix, chuchota-t-il en inclinant légèrement sa tête.

La jeune femme émit un rire nerveux.

- Je le pense sincèrement votre majesté et je suis sûre que je ne suis pas la seule à vous le dire.

- Non, admit-il d'une voix songeuse ; Mais venant de votre part c'est bien plus plaisant à entendre.

Il savait ou du moins imaginait son visage se colorer généreusement d'un rouge vif.

- E...et vous ? Quel souvenir vous allez garder de moi ?

Bien trop hélas. Cette jeune femme lui donnait envie de la protéger, de la couver généreusement et ce constat lui rappela à quel point l'absence d'une petite-soeur au sein de sa famille était regrettable.

- Celui d'une jeune femme à la fois naïve et forte, j'ai pour ainsi dire l'impression d'avoir une petite-sœur intrépide avec moi quand je suis avec vous Liya.

À peine eut-il prononcé ces mots absurde qu'il jura intérieurement.

- Mon dieu ! S'exclama la jeune femme avec un petit rire nerveux ; Heureusement que ce n'est pas le cas vous auriez été un grand-frère exécrable.

Zhayar préféra en rire que de se sentir blessé par cette réplique. Le dîner se poursuivit et il sentit la jeune femme plus détendue. Pendant un moment Zhayar cessa de parler et l'écouta, savourant la douceur remarquable de sa voix. Il tenta en vain d'imaginer son visage marqué d'innocence avant que le visage de Mustapha ne vienne entacher l'esquisse...lui faisant réaliser à quel point Liya était en grand danger.

- C'était le meilleur repas de toute ma vie.

S'arrachant de justesse de sa torpeur Zhayar se redressa un peu trop sèchement.

Il était temps pour elle de regagner sa chambre, songea-t-il en se levant.

- J'en suis heureux Liya, lui dit-il en dépliant sa canne ; Il est temps pour vous d'allez vous coucher il se fait tard et demain un long vol vous attend.

Déstabilisée par la rapidité de ces adieux Liya se leva maladroitement. Pour une raison qu'elle ignorait elle aurait voulu poursuivre la soirée quelque minutes de plus mais il n'avait pas tort.

- Venez, murmura-t-il en allongeant son bras.

Liya le suivit, ouvrant la porte avant de jeter un dernier regard à cette pièce qui avait été le théâtre de nombreux souvenirs bons comme mauvais. Très vite elle remarqua que le cheikh avait prit possession de sa main emprisonnée dans la sienne, allongeant le couloir de ses longues jambes musclées.

- Vous m'avez l'air drôlement pressé, lui fit-elle remarquer alors qu'il l'entraînait dans sa course folle avant de s'arrêter à hauteur de sa chambre.

Sans un mot ni même un sourire il ouvrit celle-ci, gardant le contrôle total de la situation. Si elle n'avait pas passé une belle soirée en sa compagnie malgré un début houleux Liya aurait juré qu'il voulait se débarrasser d'elle.

- La nuit va vous paraître courte, dit-il enfin, le regard perdu au-dessus d'elle.

- Elle l'est déjà, avoua-t-elle en se mordant la lèvre nerveusement tandis qu'il s'approchait d'elle lentement.

Il lâcha sa canne, la laissant tomber à ses pieds puis leva ses mains vers elle. Liya réprima un sursaut quand ses grands mains se mirent à explorer son visage.

- Ne bougez pas, ordonna-t-il d'une voix ferme ; J'aimerais imprimer votre visage dans mon esprit une dernière fois.

Sensible à sa demande Liya se laissa faire et ferma les yeux pour se plonger dans l'univers de cet homme. Dans la pénombre elle avait l'impression d'être terriblement seule, mais les mains du cheikh lui rappelèrent qu'elle ne l'était pas à l'inverse de lui...

Il glissa ses mains jusqu'à sa gorge puis remonta jusqu'à ses joues, ses lèvres avant d'emprisonner son visage, l'obligeant alors à rejeter sa tête en arrière.

Liya hoqueta, le souffle soudain court, reculant d'un pas, alors que le cheikh, mâchoires serrées, se penchait vers elle afin de lui donner un chaste baiser sur son front.

Liya cilla lorsqu'il la relâcha subitement, un vague sourire aux lèvres. Il s'abaissa pour récupérer sa canne puis inclina respectueusement sa tête.

- Bonne nuit Liya, tâchez de vous reposer.

Liya battit des cils et s'empressa de déclarer ;

- Vous ne serez pas là demain ?

Il s'arrêta, main sur la poignée.

- Voilà la raison de mon baiser d'adieu, je l'ignore, nous verrons ça demain.

Sur ce, le cheikh quitta sa chambre, laissant la brûlure de ses lèvres sur son front moite. Les mains chaudes Liya les posa sur ses joues exhalant un soupir tremblant. Seule dans un profond silence elle se laissa tomber sur le lit, les genoux repliés jusqu'au menton. Un sentiment inexplicable lui comprima le coeur. En son for intérieur Liya savait que ce sentiment ressemblait plutôt à de la peur. La peur de revenir dans le monde réel et de devoir le côtoyer. Ici, sans moyen de sortir sans être poursuivie par une horde de gardes Liya avait l'impression d'être coupé du monde, comme s'il s'était arrêté. Cette solitude dans laquelle elle était plongée depuis quatre mois lui avait donné l'impression d'être en sécurité.

Une fois à Seattle elle allait devoir affronter la vie qu'elle avait laissée derrière elle et cette perceptive la terrifiait bien plus qu'elle ne l'aurait crû.

Les lèvres pincées, Liya se redressa puis alla jusqu'à la fenêtre pour contempler une dernière fois la vue splendide du pays. De ce ciel étoilé et de cette chaleur écrasante à laquelle elle s'était habituée.

Absolument tout allait lui manquer...

Quand le soleil se leva, Hassan ne lui laissa guère le temps pour se préparer. L'avion devait partir dans moins d'une heure ce qui lui laissait seulement le temps de s'habiller à la hâte, embrassant la joue de Jamila en guise d'adieux alors que celle-ci n'avait pas pu retenir son chagrin de ne plus jamais la revoir.

Puis elle remarqua l'absence du cheikh. Elle avait beau le chercher dans l'immense hall Liya ne vit qu'un armada de personnels qui s'inclinait respectueusement à son passage. Le fait qu'il ne soit pas là suffit à la blesser. Elle aurait voulu le revoir une dernière fois pour le remercier malgré les sombres moments passé ensemble.

- Montez dans la voiture miss Gray...

Liya s'exécuta et se glissa sur la banquette arrière sans quitter des yeux la façade immaculé du palais.

- Vous devriez boucler votre ceinture, on est jamais assez prudent, déclara une voix qu'elle aurait reconnue entre mille.

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