Consciente que sa bravade allait lui attirer des ennuis Liya but une gorgée de vin et faillit s'étouffer avec alors que l'homme en bout de table demeurait infranchissable.

- Ça y est ? Vous êtes calmée ?

- Non ! Pas tout à fait votre altesse, avoua-t-elle en se redressant sur la chaise ; Je peine à comprendre votre froideur à mon égard.

- Je ne suis pas froid miss Gray, je..

- Miss Gray ? Répéta Liya de plus en plus blessée ; Je vois que nous revenons aux formalités du début.

- Cessez vos enfantillages ! Gronda-t-il en tournant son regard dans sa direction sans se douter qu'il avait les yeux braqués dans les siens ; Bien-sûr que votre départ me fait de la peine mais je ne fais pas dans les sentiments ! Je suis navré de vous décevoir Liya mais ne vous attendez pas à me voir pleurer.

Blessée, Liya avait l'impression de recevoir un coup au cœur. Mais à quoi devait-elle s'attendre ?

Zhayar Al Elhazar était froid, insensible quand il le voulait. Pourquoi diable avait-elle pu penser qu'elle aurait une petite place dans sa vie ? Un souvenir....

- Je ne suis pas déçue, seulement blessée, murmura-t-elle d'une voix qu'elle espérait neutre.

- Ne le soyez pas, c'est une perte de temps, répondit-il d'une voix ferme et claquante ; Vous saviez que tôt ou tard votre séjour ici prendrait fin.

- J'en suis heureuse, répliqua Liya froidement.

Une lueur de mécontentement passa dans le regard du cheikh...un signe que releva Liya comme une preuve qu'il n'était pas aussi insensible qu'il voulait laisser croire.

- Parfait !

- Bien ! Répliqua Liya en se passant une main dans les cheveux pour tenter de se calmer.

Un lourd silence s'installa entre eux.

- Ce dîner a pour but de vous laissez un bon souvenir de cet endroit, s'il vous plaît Liya, ne gâchons pas tout...

Avant qu'elle puisse comprendre l'impact de cette phrase le cheikh avait posé sa main sur la sienne. Elle s'aperçut que sa voix était plus amène, riche de promesses.

Un frisson parcourut sa nuque. Une sorte de paralysie prit possession de son corps. Comment l'expliquer ? Liya l'ignorait et préféra baisser les yeux sur la table.

- Jusqu'ici c'est vous qui avez tout gâché votre altesse, lui fit-elle remarquer en ôtant sa main de la sienne.

Il serra furtivement les mâchoires.

- Ma fin de journée s'est avérée extrêmement difficile, vous n'y êtes pour rien.

Liya s'empressa de relever les yeux vers lui, intriguée par cette révélation. Son départ précipité avait-il un lien quelconque avec la réunion tenue plus tôt dans la journée ?

- Avez-vous eu de mauvaises nouvelles ? S'enquit-elle dans l'espoir qu'il lui en dise plus.

- Rien qui puisse vous alarmer ou gâcher la soirée, répondit-il d'une voix ferme.

Liya se mordit la lèvre pour ne pas insister.

- Parlons plutôt de vos futurs projets, poursuivit-il en tournant légèrement sa tête dans sa direction.

Surprise et un peu prise au dépourvue Liya bafouilla quelques mots à peine perceptible.

- Je ne comprend pas, quels projets ?

Le cheikh leva lentement un sourcil étonné.

- Eh bien une fois de retour à Seattle, que comptez-vous faire Liya ?

À vrai dire elle n'avait pas prit le temps d'y songer. Elle n'avait aucun projet hormis celui de retrouver son père et organiser un rendez-vous à la banque afin de combler les dettes accumulées. Pour le reste...Liya savait déjà ce qu'elle prévoyait pour son avenir. Cumuler les petits boulots par-ci par-là afin d'en finir avec leurs soucis financiers.

Cette image de l'avenir la rendit soudain morose, son cœur se serra d'une violente douleur au point qu'elle sentit sa respiration faiblir peu à peu.

- Retrouver mon père pour commencer.

- Je vous admire Liya, vos liens avec votre père semblent indéfectibles.

- Ils le sont votre altesse, mon père est tout ce que j'ai dans ma vie.

- C'est faux, murmura-t-il d'une voix qui lui parut douce et rauque; Vous êtes promise à de grandes choses.

- Je ne veux pas de grandes choses, je veux simplement être heureuse.

Cette confidence eut bon de faire sourciller le roi.

- Vous n'avez pas l'impression d'être heureuse ?

Liya se massa nerveusement la nuque avant de répondre.

- Si...bien-sûr que si mais peut-être pas autant que je le voudrais.

- Un tel sentiment ne peut exister Liya, personne ne peut être totalement heureux, gardez ceci en tête.

Elle roula des yeux, excédée par cette fâcheuse tendance qu'il avait de tout noircir. Mais peut-être qu'il avait raison. Est-ce que le bonheur total existait ?

- Peut-être que si, osa-t-elle rétorquer en piquant un morceau d'agneau dans le plat ; Je veux y croire.

- Alors qu'il en soit ainsi Liya, que vos livres puissent vous aider dans cette quête impossible, dit-il sarcastique.

- Vous êtes bien défaitiste votre altesse, répliqua Liya sans se démonter.

Il haussa simplement des épaules avec indifférence.

- Je dirais plutôt réaliste, rectifia-t-il avec un sourire cynique ; Du moins pour moi...

Liya ouvrit la bouche puis la referma. Cette discussion ? Elle l'avait déjà eue dans le passé.

Le cheikh ne voulait pas entendre parler d'amour. Pour lui ce sentiment était inutile, une perte de temps.

- Je vous souhaite un jour de réaliser que vous vous êtes trompé.

Une lueur indéchiffrable baigna ses yeux bleus puis un sourire dangereux rehaussa les courbes sensuelles de ses lèvres.

- Je ne me trompe jamais miss Gray.

Il se redressa et se mit à manger avec une lenteur délibérée peut-être satisfait d'avoir eu le dernier mot.

- Et vous ? Avez-vous des projets ?

- Quelques uns en effet, répondit-il à sa plus grande surprise.

- Vraiment ? Puis-je savoir lesquels ?

Il se renfonça dans son fauteuil royal, les yeux plissés.

- Vous êtes bien trop curieuse miss Gray.

- Pas autant que vous l'êtes, rétorqua Liya en levant le menton comme s'il pouvait la voir ; Je suis curieuse certes mais vous m'avez posé de nombreuses questions auxquelles j'ai répondu, c'est à votre tour maintenant.

Le cheikh étouffa un rire, gardant volontairement le silence. Parfois elle oubliait à quel point cet homme aimait garder le contrôle des événements, gardant toujours une longueur d'avance pour piéger son adversaire. Alors Liya comprit assez vite qu'il songeait à un moyen stratégique de détourner la conversation.

- Je suis au regret de vous annoncer que j'ai certains privilèges à être roi.

Bingo !

- Vous détournez volontairement la conversation, commenta-t-elle en saisissant son verre.

Il inspira brutalement, passant lentement son pouce sur ses lèvres.

- J'ai pour projet de tuer Mustapha pour commencer.

Liya réprima de justesse un hoquet. C'était de la pure folie !

- Mais c'est trop dangereux !

- En effet, ça sera dangereux pour lui, dit-il d'une voix ruisselante de dangereuses promesses ; Vous n'avez rien à craindre, je suis suffisamment préparé pour ce jour tant attendu.

Liya, effrayée par les sombres lueurs qui prenaient possession de son visage détourna un instant les yeux, consciente que jamais elle ne pourrait le regarder sans le craindre. Au-delà de ses balafres, quelque chose en cet homme la poussait instinctivement à se protéger.

- J'espère que vous saurez vous montrer toutefois prudent.

- Je saurais tenir cette promesse, conclut-il d'une voix soudainement chaude.

Liya inspira imperceptiblement et trouva la force pour le regarder dans les yeux. Elle ne voulait plus parler ni même songer à cet homme cruel.

- Ensuite ? Quel autre projet avez-vous en tête ? Oh non attendez laissez-moi deviner !

Il étouffa un rire, appuyant son coude sur l'accoudoir de façon à s'incliner dans sa direction.

- Un mariage peut-être ? Eluda Liya en plissant des yeux.

- Peut-être en effet, répondit-il les yeux braqués dans les siens.

Sans trop savoir pourquoi son cœur se mit à battre à la chamade.

- J'espère que vous n'avez pas pour projet d'épouser Chléo ? S'exclama-t-elle en feignant d'être indignée.

Il se mit à rire...un rire grave et chaud avant que soudain son regard devienne glacial.

- Assez parlé de moi Liya, je veux me concentrer sur vous ce soir.

Il marqua une pause tendant sa main dans sa direction. Liya savait qu'il était dangereux de lui donner la sienne mais elle le fit pourtant, lèvres pincées.

Cette fois-ci elle réprima la fuite lorsqu'il s'amusa à lui baiser la main, sourire aux lèvres.

- Uniquement sur vous...