Chapitre 35



Une fois le déjeuner achevé, le cheikh s'empressa de la congédier dans sa chambre sans aménité dans la voix. Blessée par ce changement brutal d'humeur Liya préféra ne pas y prêter attention et s'enferma dans sa chambre. Curieuse, lorsqu'elle entendit des bruits de moteur Liya alla jusqu'à sa fenêtre pour tirer discrètement le rideau. Une dizaine d'hommes quittèrent des véhicules blindées et pénétrèrent dans le palais. Liya poussa un profond soupir et laissa retomber le rideau, le dos plaqué contre le mur. Elle ignorait combien de temps elle devrait rester ici alors elle décida de prendre un livre au hasard pour passer le temps.

Zhayar tourna légèrement la tête dans la direction des voix qui portaient à l'entrée de ses appartements. Il n'avait ressenti aucune appréhension pour cette réunion, conscient pourtant que son visage était tout autre.

- Votre altesse, c'est un honneur pour nous de vous revoir enfin.

Les voix respectueuses de ses conseillers lui rappelèrent alors qu'en dépit de sa cécité, Zhayar était encore leur souverain, que rien n'avait changé.

- Vous êtes tous les bienvenus en ces lieux, déclara Zhayar en tendant l'oreille dans l'espoir de connaître leurs réactions quant à l'apparence qu'il porterait à jamais ; Je regrette de ne pas pouvoir vous accueillir dans le bureau principal.

- Ça ne fait rien votre altesse, c'est parfait.

Zhayar se passa une main dans sa barbe parfaitement taillée.

- J'espère que vous m'apportez de bonnes nouvelles.

- Hélas très peu votre altesse, il y a des urgences qui doivent être traitées sur-le-champ.

Zhayar se redressa, déviant sa tête sur le côté pour adresser un regard interrogateur en direction d'Hassan qu'il savait à sa gauche.

- Dites-moi lesquelles que je puisse y remédier, déclara-t-il d'une voix sérieuse.

Il entendit des bruits de chuchotements avant que l'un d'entre eux prenne enfin la parole.

- C'est au sujet de votre demi-frère votre altesse, commença-t-il en se raclant plusieurs fois la gorge.

- Je vous écoute, allez-y.

Zhayar prit une grande inspiration craignant de très mauvaises nouvelles.

- Mustapha a été repéré près des montages situées au nord, il lui reste encore quelques hommes, nous avons réussi à en arrêter onze depuis l'accident.

Zhayar inspira imperceptiblement sans trop savoir s'il devait se réjouir de cette nouvelle.

- Pourquoi ai-je l'impression que la suite ne sera pas réjouissante ?

- Parce qu'elle ne l'est pas votre altesse, admit Hassan qui semblait au courant de la suite.

Zhayar se raccrocha au ton sérieux de son ami pour se mettre en condition. Il posa ses mains sur les accoudoirs de son fauteuil, prêt à écouter la suite.

- D'après les rapports qui nous ont été donné par la police, Mustapha à l'intention de venir jusqu'au palais, l'approche est imminente votre altesse.

Rien, pas même la crainte ne vint l'affoler. Zhayar resta de marbre devant cette annonce. En fait, voilà plusieurs mois qu'il attendait ça avec impatience. Cet homme qu'il avait crû son ami, son frère, avait réduit son existence à néant. Il lui avait arraché sa vie et il avait bien l'intention de lui arracher la sienne.

- Liya est en danger votre altesse, intervint Hassan d'une voix inquiète.

- Je sais Hassan, dit-il d'une voix sèche là où ruisselait une colère qu'il peinait à maîtriser.

- L'un de ses hommes est parvenu à nous infiltré, poursuivit Hassan.

Zhayar cessa soudain de respirer, tournant violemment sa tête dans sa direction.

- Il fait partie des onze hommes arrêtés, reprit-il d'une voix emplie d'inquiétudes ; Il a dû voir mademoiselle Gray lorsqu'elle est sortie faire du cheval. Mustapha a pour projet de l'enlever.

Zhayar serra convulsivement les mâchoires, les muscles tendus. Tout ce qu'il redoutait était en train de s'écrire et il avait l'impression d'être impuissant. Devait-il blâmer la jeune femme de s'être montrée si imprudente ?

Non, il n'avait pas le droit.

Le seul fautif dans cette histoire c'était lui.

Il avait failli à son devoir de la protéger. Si jamais Mustapha parvenait à l'enlever...

Il jura, le poing serré alors qu'il essayait d'esquisser dans son esprit le visage de la jeune femme.

- Organise immédiatement son départ définitif pour demain matin.

À peine son ordre déclaré Zhayar ressentit un étrange sentiment lui comprimer la poitrine. Dès lors qu'elle quitterait son palais, cette jeune femme ferait partie de son passé. Ainsi voilà comment il fonctionnait...et bien que cette décision était ferme, Zhayar ressentait beaucoup de peine de devoir se séparer d'elle si vite. Forcé de l'admettre, la jeune Liya avait été pour lui une source d'énergie qui l'avait aidé à surmonter ses douleurs, ses accès de rage. Savoir à présent qu'elle était la cible privilégiée de Mustapha éveilla en lui une poussée de rage. Il fallait à tout prix qu'il la protège et le seul moyen pour ça se résumait à lui rendre sa liberté.

Une liberté que la jeune femme espérait un jour retrouver.

Quelle sera sa réaction quand celle-ci apprendra que son contrat prenait fin dès aujourd'hui ?

Serait-elle triste ou soulager ?

Zhayar sentit un étau lui serrer le cœur.

- Vous êtes sûr votre altesse ?

- Absolument certain, articula-t-il les dents serrés par peur de changer d'avis.

Tous gardèrent le silence. Cette décision irrévocable le rendait fou de rage et il ignorait pourquoi. Cette situation aussi inattendue soit-elle le mettait dans un état que même Hassan eut peine à comprendre. La fin de la réunion prit fin après un rapide mouvement de main suivi de remerciements à peine audibles.

- Votre altesse, qu'est-ce qui vous prend ? Lança Hassan une fois la porte fermée.

Zhayar se leva en dépliant sa canne, ayant l'impression que tout était terne et sans saveur.

- Le départ précipité de Liya a beaucoup de mal à passer, avoua-t-il d'une voix sombre.

- Il le sera pour nous tous, répondit Hassan ; cette jeune femme nous à tous donné un petit bout d'elle.

Hassan marqua une pause avant de poursuivre ;

- Mais nous ne pouvions pas la garder éternellement ici, surtout si Mustapha prévoit de la kidnapper.

Et pourtant c'est ainsi qu'il avait vu l'avenir, songea-t-il poings serrés. C'était peut-être égoïste de sa part mais quelque part au fond de lui, un sentiment inexplicable l'aurait sans doute poussé à retarder son départ. Seulement, ce n'est pas ce que la jeune femme souhaitait. Elle voulait retrouver son père et sa liberté.

- Demande aux cuisiniers de préparer un bon dîner pour ce soir, j'aimerais que sa dernière soirée soit des plus agréable. Je ne veux pas qu'elle parte d'ici avec le désagréable souvenir d'un séjour extrêmement difficile.

- Bien votre altesse...

Quand il fut seul, Zhayar se sentit vidé de tout sentiment. Et c'était mieux ainsi. S'il voulait combattre Mustapha il fallait se défaire de toutes émotions susceptibles de le rendre faible. Il s'élança alors dans le couloir, chassant rapidement le garde qui surveillait l'entrée de sa chambre puis pénétra à l'intérieur sans s'annoncer. C'était la première fois depuis son installation qu'il osait défier l'intimité de la jeune femme. Immédiatement les effluves de son parfum vinrent chatouiller ses narines.

Il émit son nom à plusieurs reprises sans réponses de sa part avant qu'une lente respiration lui indique qu'elle s'était sans doute assoupie. Connaissant la chambre dans les moindres détails, Zhayar s'approcha du lit à l'aide de sa canne et s'installa au bord, survolant ce dernier jusqu'à ce que sa main effleure son bras nu.

Zhayar glissa ses doigts jusqu'à son épaule et parvint à toucher sa joue.

Liya sortit de son rêve à la seconde où elle avait senti une main frôler sa joue. Le front en sueur elle se redressa alors que le cheikh se tenait près d'elle, les yeux levés sur le mur, sa main près de sa joue.

- Oh...je...

- Je suis désolé de vous réveiller Liya, déclara-t-il de sa belle voix grave.

Étourdie, Liya se redressa un peu plus, une main posée sur son cou, le cœur battant à la chamade.

- Que se passe-t-il votre altesse ?

Le regard du cheikh était fermé.

- J'ai une bonne nouvelle pour vous Liya.

Il marqua une pause avant de déclarer ;

- Votre contrat qui vous lie à moi prendra fin dès ce soir, vous êtes libre...

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