Chapitre 30



Le repas touchait presque à sa fin et Zhayar n'avait plus qu'un seul souhait...

Chasser Chléo de son pays au plus vite. Ses conversations inutiles et lassantes ne lui avaient pas manqué. Cela renforçait sa conviction que les femmes de sa condition serait un enfer à côtoyer chaque jour pendant des années voire toute sa vie ! Hélas celle-ci venait de lui rappeler inconsciemment qu'un jour, tôt ou tard il devrait se marier pour assurer la stabilité du pays. Malgré son apparence différente, il savait au fond de lui que n'importe quelle femme avide de pouvoir serait intéressée pour assurer ce rôle d'épouse. Une vie assurée, des bijoux, des robes, de l'argent...quelle femme repousserait une telle offre ?

Certainement pas celle attablée à ses côtés, songea-t-il en se redressant sur sa chaise.

- Votre altesse ? Désirez-vous un café ? Un thé ?

La tonalité douce de cette voix le ramena très vite à la réalité.

- Un café s'il vous plaît...

La chaise se recula précipitamment, puis il entendit la jeune femme quitter le salon.

Toute la soirée, ses pensées furent toutes tournées vers la jeune fille. Sensible et touché par ses nombreuses attentions, Zhayar s'était vite pris de remords par la façon dont il l'avait fustigés de reproches. Lorsque Chléo s'était penchée pour tenter une approche celle-ci avait bousculé ses couverts ainsi que son verre. Zhayar s'était très vite senti perdu, arraché de toutes ses habitudes qui l'aidaient dans son quotidien. Et alors qu'il avait senti une colère affluer dans ses veines, la jeune femme s'était appliquée à tout remettre en place, glissant sa main dans la sienne afin de lui donner sa fourchette. D'abord surpris voire stupéfait Zhayar avait ressenti un étrange sentiment lui serrer le cœur. Voilà plus de deux mois qu'elle travaillait pour lui, visiblement attentive à toutes ses habitudes la jeune femme le surprenait jour après jour. Il inspira profondément, agrippant les accoudoirs de sa chaise pour les serrer. Liya était une source de surprises auxquelles il ne s'attendait pas. C'était bien la première fois qu'une femme parvenait à le surprendre de cette façon.

Il connaissait le visage de Chléo, ainsi quand elle parlait, il savait l'imaginer avec ses cheveux brun coupés au carré, ses longs gestes exagérés lorsqu'elle s'exprimait avec ce ton presque théâtral. En revanche, il ne connaissait pas le visage de la jeune femme. Il ne le verrait jamais et devait se raccrocher aux quelques brides qu'il avait imaginé en touchant son visage. Des traits fins, une peau douce, nez légèrement courbé en trompette et une bouche charnue. Il avait beau tenté de la dessiner dans son esprit Zhayar ne parvenait pas à mettre un visage officiel à cette jeune femme. L'agacement prit le pas sur la colère, mais au-delà de tous ses sentiments qui l'empêchaient de faire le tri dans son esprit, Zhayar définissait Liya Gray comme une bonne leçon. Depuis qu'il était devenu le roi et bien avant, Zhayar avait toujours regardé une femme pour son physique, s'arrêtant sur cette image car pour lui il n'était pas nécessaire d'en savoir plus sur ce genre créatures sophistiquées à la démarche aisée, ponctuée d'une grâce mimée, afin d'attirer les regards sur elles. Avec Liya, il découvrait la beauté intérieure, il avait l'impression de pouvoir creuser son âme pour y découvrir une pureté sans égale. Elle était pour lui comme une leçon inestimable. Elle n'était pas de son monde, jamais il ne l'avait entendu se plaindre ni même commenter l'opulence qui l'entourait. Elle donnait l'impression que derrière son côté rêveur, elle avait les pieds sur terre, consciente que tout ceci n'était qu'une infime partie de sa vie qui bientôt prendrait fin.

Oui, Liya Gray était une leçon.

Elle le défiait avec innocence comme si elle n'avait aucune idée de la dangerosité d'une telle audace.

- Votre café...

Zhayar quitta sa torpeur et tourna la tête vers cette voix douce, la mine fermé.

Pendant une seconde il crut percevoir de la tristesse dans sa voix ou peut-être de l'épuisement. En l'obligeant à tenir parole Zhayar s'était mis en tête de la punir pour l'avoir défier mais encore une fois la jeune femme l'avait surpris. Le dîner avait été un pur délice, ses talents étaient indéniables et elle avait su tenir bon devant la méprise de son ancienne maîtresse qui n'avait pas manqué de l'humilier. Avait-il été trop dur avec elle ? Encore une fois ?

- Liya pouvez-vous nous laisser ? Exigea Zhayar d'une voix qu'il espérait plus amène.

- Oui votre Altesse...

Une fois la porte de la cuisine refermée Zhayar entendit son ancienne maîtresse pousser un profond soupir.

- J'ai cru qu'elle ne partirait jamais ! Dieu qu'elle est ennuyeuse ! Se lamenta Chléo.

Zhayar inspira imperceptiblement pour endiguer la colère qui l'habitait. Il fallait à tout prix qu'il se débarrasse d'elle.

- Est-ce que c'est Hassan qui a eu cette idée de l'embaucher ?

- En effet oui, et je lui fais entièrement confiance.

- Eh bien, je la trouve négligée elle ne s'accorde pas au décor du tout.

Zhayar tendit l'oreille, gardant le silence pour déterminer si Liya n'avait pas entendue les paroles blessantes de Chléo. Il n'entendit rien, seulement du bruit de vaisselle.

- Peu m'importe si elle est négligée ou peu attrayante, elle est ici pour veiller à mes besoins et je t'interdis à l'avenir de critiquer mon personnel, articula Zhayar d'une voix si froide et menaçante qu'elle bafouilla.

- Mais je...

- Il faut que tu partes à présent, la coupa-t-il sèchement.

Puis très vite il comprit que ce n'était pas la bonne méthode pour se débarrasser d'elle.

- Tu dois retourner aux Etats-Unis c'est trop dangereux ici, du moins pour l'instant.

En lui laissant croire qu'il veillait à sa sécurité il savait sans l'ombre d'un doute qu'elle tomberait dans le piège la tête la première.

- Oh Zhayar ! Alors si c'est ce que tu souhaites pour ma sécurité je retournerais chez-moi jusqu'à ce que tes problèmes ensuite...

- Mon chauffeur va te conduire à l'aéroport le plus rapidement possible et quand mes problèmes seront totalement réglés alors je t'appellerais.

Zhayar fit en sorte d'être le plus concis possible. Leurs adieux furent brefs et c'est avec un grand soulagement qu'il accueillit le silence qui s'ensuivit. Elle avait tenté de l'embrasser, Zhayar lui avait offert le coin de ses lèvres avant d'ordonner au garde de l'escorter. Il n'avait rien ressentit, pas même une pulsion primitif l'éteindre et qui aurait pu le conduire à reconsidérer son choix de la congédier par le mensonge.

Etait-ce le souvenir de ses cris horrifiés qui le rebutaient à ce point ?

Zhayar préféra ne pas y songer, rictus aux lèvres et termina son café d'un seul trait.

Sa priorité était de savoir si la jeune femme allait bien. Il déplia sa canne et se dirigea vers la cuisine. Une fois la porte ouvert il perçut qu'elle reniflait fort et cela lui confirma ses doutes.

Elle avait entendu les insultes de Chléo...

Furieux contre lui-même de ne pas s'être précipité plus tôt dans cette cuisine Zhayar fit acte de présence en refermant la porte sans délicatesse. Elle sursauta et un bruit de hâte lui indiqua qu'elle s'empressait peut-être d'essuyer ses larmes.

Comme s'il pouvait la voir.

- Votre altesse ? Avez-vous besoin de...

- Oui, séchez vos larmes pour commencer.

Il s'approcha, s'aidant du plan te travail.

- Je ne pleure pas.

- Inutile de mentir, contrat-il en s'arrêtant lorsque l'odeur de rose fut suffisante à son odorat pour lui indiquer qu'elle était proche ; Le comportement de Chléo était intolérable.

Liya avait trop peur d'entendre sa propre voix trembler. C'est sur un hasard qu'elle avait entendu cette femme se montrer odieuse envers elle au point de juger son physique négligé. C'en fut trop pour elle. Liya avait très vite cédé aux larmes pour évacuer toute colère tout frustration.

- Je vais m'en remettre, ce n'est rien, finit-elle par répondre d'une voix qu'elle espérait calme.

Elle plongea ses mains dans l'évier pour finir la vaisselle.

- Laissez ça, quelqu'un va s'en charger demain matin.

- Je peux...

- J'ai dit, laissez ça, répéta-t-il plus fermement.

Liya inspira profondément et s'exécuta.

- Quelle heure est-il ?

- Presque minuit, répondit-elle en essuyant ses mains dans le torchon ; Je crois qu'il est temps pour moi d'aller me coucher votre majesté.

Liya fit mine de bailler bruyamment.

- Attendez, j'aimerais boire une dernière coupe de champagne.

Liya sentit ses joues s'enflammer ridiculement. Son esprit lui commandait de refuser.

- Vous l'avez mérité miss Gray, venez avec moi près de la cheminée...

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