Chapitre 3



Après s'être installée dans sa chambre majestueuse Liya s'empressa d'attraper le contrat de travail que lui avait laissé Hassan.

La première page était de loin la plus compliquée à décrypter. Liya avait l'impression d'être réellement prisonnière dans cet endroit pourtant si magnifique. Pas de contact extérieur, pas de sortie en dehors du palais, coups de téléphone contrôlés.

Liya préféra refermer le contrat et le jeta sur le grand lit à baldaquin. Inutile de poursuivre cette lecture qui pourrait la conduire à regretter son choix.

- Mademoiselle Gray ?

Liya sursauta avant de se tourner vers la femme qui venait de franchir l'entrée de sa chambre. Celle-ci arborait un sourire joyeux, comme si sa présence était précieuse.

- Je me nomme Jamila, je suis enchantée de faire votre connaissance.

Liya lui serra la main en affichant son plus beau sourire.

- Ravie de vous connaître.

Jamila ébaucha une grimace en tordant nerveusement ses doigts.

- Son altesse s'apprête à dîner.

Dîner ?

Et alors ? En quoi cela la concernait ?

- Oh mon dieu oui ! Je dois...y aller n'est-ce pas ?

Jamila acquiesça sans se départir de sa grimace. Liya tenta de l'ignorer et attrapa son châle pour l'entourer autour de ses épaules.

- Je vous suis Jamila, allons-y.

Déterminée Liya la suivit dans les dédales de couloirs jusqu'à ce qu'elle s'arrête devant deux grandes portes.

Cette fois-ci Liya ne put s'empêcher d'éprouver un peu de craintes.

- Bonne chance mademoiselle, murmura Jamila avant de s'enfuir.

Liya inspira profondément, résolue à pénétrer dans cette pièce sans savoir ce qui l'attendait. Elle se souvenait de son visage, de ses yeux d'un bleu profond, de ses cicatrices en relief qui sillonnaient son œil et de sa bouche tordue de rage.

Le cœur battant à tout rompre Liya poussa les portes sans plus attendre, mortifiée à l'idée d'affronter à nouveau la bête...

Elle poussa les deux portes lourdes puis celles-ci se refermèrent dans un bruit résonnant dans les tréfonds de la pièce. Liya le chercha alors des yeux, songeant déjà à partir avant de la découvrir au fond de cette grande salle ornée de fresques hypnotiques...

Là, assis dans ce fauteuil, près d'une cheminé en marbre laissant une légère odeur boisée s'en dégager.

- N'était-il pas curieux de faire un feu de cheminée sous cette chaleur ? Lança Liya dans l'espoir d'ouvrir une conversation conviviale.

Il tourna son fauteuil dans sa direction, laissant les flammes révéler son visage. Liya ne put s'empêcher de sursauter en reculant d'un pas avant de s'en vouloir.

- N'était-il pas impoli de ne pas s'annoncer auprès de moi avant d'ouvrir la bouche surtout quand celle-ci émet des absurdités ?

Liya inspira profondément pour rassembler ses esprits. Sa voix semblait naturellement rêche et sombre...Liya avait l'impression de ne plus pouvoir avancer.

- Veuillez m'excuser votre altesse j'ai encore beaucoup à apprendre.

- En effet ! Affirma-t-il d'une voix tranchante.

Liya ouvrit la bouche mais aucun son ne parvint à franchir le barrage de ses lèvres tremblantes.

Elle tenta de l'ignorer et tourna son regard vers la grande table garnie de nourritures appétissantes.

- Voulez-vous passer à table votre altesse ? Demanda-t-elle alors qu'il s'avançait vers celle-ci sans le moindre mal.

- Servez-moi je me débrouillerai pour le reste, lui répondit-il froidement.

D'un pas hésitant Liya s'approcha à son tour en essayant vainement de ne pas le regarder.

- Que voulez-vous votre altesse un peu de...de...

Liya examina la table en tentant de décrypter la nourritures qui s'y trouvait.

- De l'agneau peut-être ?

- Faudrait-il déjà que vous sachiez où il se trouve, dit-il en tordant sa bouche davantage.

Pour éviter d'attiser la colère qu'elle pouvait lire dans ses yeux, Liya s'appliqua à le servir.

- Je sais exactement où il se trouve.

Elle déposa l'assiette devant lui et se recula.

- Vous comptez vous servir ou me regarder manger ? S'enquit l'homme en relevant la tête.

Liya eut l'impression qu'il avait capté son regard avant qu'il se mette à le chercher. Un frisson parcourut son échine alors qu'elle s'installait à l'extrémité de la table. Liya releva ses yeux vers lui et l'observa attentivement. Ses joues se mirent à rougir de peur quand ses yeux se plantèrent inconsciemment dans les siens. Liya réprima un hoquet et détourna les yeux sur le tapis persans. Son visage était de loin le plus effrayant qu'elle avait vu jusqu'ici. Ce n'était pas tant à cause de ses balafres mais à cause de l'histoire que celui-ci racontait. Une haine vorace pouvait se lire sur ses traits ciselés. Ses mâchoires massives lui faisaient penser à celles d'un lion, quant à sa carrure...Liya se sentait terriblement honteuse de se sentir en sécurité en le sachant incapable de se lever.

- Vos appartements vous plaisent-ils ?

Déroutée Liya releva la tête.

- Oh...ils sont merveilleux.

- Profitez alors, c'est une question de temps avant de vous voir déguerpir d'ici.

Liya aurait dû s'en douter. Zhayar al Elhazar désirait son départ imminent.

- Je pense le contraire votre altesse, se risqua-t-elle de dire en fermant ses mains en poings.

Le cheikh interrompit tout geste et inspira brutalement par le nez.

- Si vous êtes ici c'est uniquement parce que Hassan l'a voulu, or moi, je n'ai nullement besoin d'aide.

- Certes je le conçois mais je suis ici alors autant servir à quelque chose, rétorqua Liya en se levant pour lui servir un verre.

- Qu'est-ce que vous faites ?

- Je vous sers un verre, ensuite je retournerais à ma place, déclara-t-elle d'une voix qu'elle espérait moins tremblante.

Elle reposa le pichet délicatement puis retourna à sa place.

- Vous semblez à la fois tenace et terrifiée, remarqua-t-il d'une voix grave ; Je n'ai pas confiance en vous.

- Je suis ici pour faire mon travail et rien d'autre, répondit-elle d'un murmure ; Je vous l'ai dit, seul l'argent me motive.

Liya releva son regard dans le sien qui était perdu sur la table.

- Hassan vous a-t-il parlé des inconvénients ? Êtes-vous informé qu'à cet instant vous avez des restrictions ?

- Oui, j'en suis informée, je lui ai d'ailleurs donné mon téléphone.

Un rire sans joie transperça le silence.

- Vous êtes docile, nota-t-il en cherchant son verre sur la table.

Offusquée, Liya préféra ne pas répondre à l'attaque encore moins intervenir pour le guider dans la direction de son verre. Il le trouva enfin, le portant à ses lèvres. Dans les lueurs de lumière, Liya décela les cicatrices dissimulées par sa barbe épaisse et noire. L'une d'entres elle barrait la courbe de sa mâchoire pour venir s'arrêter à la base de son menton.

- Comment est-ce possible qu'une inconnue s'aventure dans mon pays sans savoir les dangers qu'elle risque ? Êtes-vous stupide ou seulement naïve ? Bien que les deux hypothèses finissent par se rejoindre.

Liya déglutit péniblement.

- Je suis peut-être naïve ou bien stupide mais vous en revanche vous êtes détestable.

Liya se figea d'horreur, le regard perdu sur la table. Mon dieu qu'avait-elle fait !

- Je prends ça pour un compliment, finit-il par répondre en reposant son verre sur la table ; Avez-vous d'autres ressentiments à mon égard ? De la pitié par-exemple ?

Liya secoua de la tête comme s'il pouvait la voir le faire.

- Pas de pitié votre altesse.

- Du dégoût alors ?

- Non plus...

Il jura en arabe avant de d'abattre son poings sur la table.

- Me prenez-vous pour un idiot ! Gronda-t-il si fort qu'elle sursauta en agrippant les rebords de la table.

- No...non...je...

Liya n'eut guère le temps de s'expliquer que la table fut renverser à la seul force de ses deux mains. Elle évita de peu celle-ci en retenant sa respiration. Tous les plats se brisèrent, assiettes et verres n'étaient plus que des éclats.

Apeurée Liya dévisagea le cheikh qui avait les dents serrées.

- Que s'est-il passé ? S'écria Hassan en accourant vers son roi.

- Sortez ! Ordonna-t-il.

Malgré les secousses de son corps Liya s'agenouilla pour ramasser ce qui était encore possible de sauver.

- J'ai dit sortez ! Hurla le cheikh.

Hassan l'obligea à se relever avant que la situation devienne pire. Cachant sa main blessée Liya prit la direction de la sortie, songeant à quitter les lieux au plus vite.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top