Chapitre 23



Il ne fallut pas plus de quelques minutes pour que la jeune femme faiblisse et sombre dans un profond sommeil. Avec une grande prudence Zhayar glissa sa main sur le matelas jusqu'à la jeune femme et lorsqu'il heurta sa hanche il chercha délicatement le livre pour le lui prendre. Il le referma doucement et le posa à terre, écoutant la respiration apaisée de la jeune femme. Où était-elle et dans quelle position ? Avait-elle froid ?

Toutes ces questions lui rappelaient avec peine qu'il était soumis aux ténèbres et le resterait à jamais. Comment pourrait-il prendre une épouse capable d'accepter une telle charge. Malgré sa volonté de se battre Zhayar ne put s'empêcher d'avoir des doutes sur son avenir. Pire encore, qu'adviendrait-il de son héritier, de son enfant s'il était incapable de s'en occuper ?

Zhayar exhala un soupir et tenta vainement de chasser les doutes qui l'assaillaient. Il avait bien d'autre soucis et de tailles à régler avant de songer à sa vie personnelle.

Il tourna sa tête vers la jeune femme endormie à l'autre extrémité du lit ne sachant pas quoi faire. La laisser dormir ici au risque d'être accusé à tort de profiter d'elle ou la réveiller sans plus tarder afin qu'elle rejoigne sa chambre ?

Zhayar décida de choisir la plus raisonnable décision et tenta de la réveiller. Il l'entendit remuer et sa main accrocha la sienne.

- Votre majesté ? Demanda-t-elle d'une voix ensommeillée.

Vivement stupéfait par la finesse de sa main Zhayar ne répondit pas tout de suite.

- Allez dans votre chambre miss Gray, vous serez bien mieux dans votre lit.

Précipitamment elle ôta sa main de la sienne.

Zhayar tenta de chasser la chaleur opportune qui venait de la saisir et détourna la tête.

- Bonne nuit votre altesse, je suis vraiment désolé de vous avoir réveillé.

Il entendit ses pas s'éloigner rapidement et lorsque la porte se referma il jura en arabe, se maudissant d'avoir osé laisser cette chaleur l'envahir de la sorte.

Liya Gray était peut-être la seule présence féminine qu'il avait à ce jour mais il n'avait aucun droit de l'utiliser comme un substitut à son malheur de ne pas pouvoir ressentir de nouveau les joies d'avoir une femme à ses côtés.

D'ailleurs qui voudrait d'un monstre pareil ?

Il serait probablement obligé de sortir une grosse sommes d'argents pour les soudoyer.

C'est avec les mâchoires convulsivement serrées qu'il tenta de se rendormir en vain..

Dès l'aube il reçut la visite d'Hassan.

- Bonjour votre altesse, comment allez-vous ce matin ?

- J'ai peu dormi à cause de notre délicate Américaine.

La réaction de son plus fidèle ami ne se fit pas attendre ;

- Que s'est-il passé ?

- Elle voulait s'excuser pour le comportement qu'elle a tenu à mon égard.

Hassan émit un petit rire.

- Cette jeune femme est décidemment pleine de surprises !

Zhayar se leva et tâtonna le sol à l'aide de sa canne.

- En effet et c'est pour cette raison que je te demande d'être extrêmement vigilant. Elle pourrait être tentée de franchir les grilles du palais.

- Bien évidemment, répondit Hassan en retrouvant son sérieux.

Zhayar se dirigea vers la table de salon et chercha une chaise sur laquelle s'asseoir. Son bureau royal lui manquait énormément. Il avait l'impression d'être privé de ses droits, de son travail. Toutes les réunions importantes se tenaient dans cette pièce qui lui faisait office de chambre et de salon.

- Il va être temps pour nous de lancer un communiqué officiel sur mon état de santé et je pense avec certitude que c'est la chose que Mustapha attend.

Hassan demeura un temps silencieux dans lequel Zhayar devinait aisément l'expression inquiète sur son visage.

- Est-ce que vous êtes sûr que c'est une bonne idée ?

- Je pense que nous n'avons plus le choix, répondit-il avec fermeté ; Les tribus commencent à s'inquiéter, le peuple aussi, je ne peux pas rester indéfiniment ici, terré dans l'ombre à attendre la vieillesse et la mort. Je suis le roi et mes responsabilités me manquent.

Zhayar marque une pause et reprit.

- Il existe de nombreux moyens d'interagir avec le monde extérieur, je peux équiper mon téléphone et mon ordinateur de commandes vocales qui m'aideront. Quant aux restes, nous agirons en temps venu.

- Vous pensez réellement que Mustapha attend d'être sûr que vous soyez vivant avant d'attaquer ?

- Sans l'ombre d'un doute, affirma-t-il en se passant une main dans la barbe ; Tous ceux qui l'ont abandonnés dans sa bataille ont été formel Hassan. Mon demi-frère attend une preuve que je suis en vie pour attaquer. Tu comprends l'importance de garder miss Gray éloignée des grilles.

- Elle ne sort jamais votre Altesse, confirma Hassan.

- Certes, mais j'ai cru comprendre que notre jeune Ousmane est vivement intéressé par elle et nous ne sommes pas à l'abri qu'il veuille lui faire visiter la ville voisine sans nous avertir, Hassan ça serait une catastrophe !

- Je ne pense pas que Mademoiselle soit intéressée, elle est d'une grande réserve et sait pourquoi elle est ici.

Zhayar s'en était douté. La jeune femme était bien plus attirée par les livres que par Ousmane, or il se voulait prudent.

- J'ai cru comprendre qu'elle était d'une grande timidité, cependant nous savons tous les deux qu'elle se montre très curieuse et cela pourrait la conduire à dépasser les portes du palais, son esprit rêveur me laisse entendre qu'elle serait capable de se mettre en danger sans même s'en apercevoir.

Zhayar se voulait ferme, en espérant qu'il soit écouté de son ami qui avait tendance à laisser son côté paternaliste prendre le dessus sur la raison.

- Mon esprit rêveur ne vous fera aucun défaut votre altesse.

A cette voix, Zhayar ne prit pas la peine de se tourner, il se contenta d'esquisser un sourire.

Hassan se racla la gorge visiblement mal à l'aise.

- Mademoiselle Gray est ici, votre Altesse, annonça Hassan un peu trop tard.

- J'ai cru comprendre...laisse-nous s'il te plaît.

Lorsque la porte se referma il eut espoir qu'elle ne se soit pas enfuie. Sa priorité n'était pas la blesser mais qu'elle rentre à Seattle en vie.

- Vous écoutez aux portes maintenant ?

- Je venais déjeuner avec vous, je pensais que le dîner n'était pas votre seule exigence.

Zhayar en fut subjugué. Elle était dotée d'une intelligence qui parfois le laissait sans voix. Et sa manière de s'exprimer était d'une délicatesse saisissante.

- En effet vous avez vu juste mademoiselle Gray.

Il l'entendit tirer la chaise à sa droite et cette délicate odeur de rose lui monta au nez...

Liya dévisagea la table quand deux serviteurs apportèrent un plateau en argent sur lequel le café et le thé côtoyaient des pâtisseries orientales.

Dans sa djellaba immaculé qui épousait ses muscles, le cheikh portait une expression indéchiffrable. Soudain des souvenirs de la veille lui revinrent en mémoire. Comment oublier qu'elle s'était endormie à ses côtés ?

- Voulez-vous un peu de thé ou du café ?

- Du café, ma journée s'annonce mouvementée.

Liya le servit non sans trembler. Elle était loin de s'attendre à surprendre une conversation qui laissait supposer qu'entre elle et Ousmane une liaison était sur le point de conclure.

- J'ai conscience des dangers Votre altesse et je n'ai pas l'intention de sortir du palais.

Il se contenta de boire une gorgée de café puis inclina sa tête en guise de réponse.

- Quant à Ousmane bien qu'il soit un garçon d'une extrême gentillesse, je n'ai pas l'intention d'avoir des rapports au-delà d'une amitié. Je suis ici pour travailler et non pour batifoler avec votre personnel.

- Je n'ai jamais pensé une telle chose de vous, dit-il d'une voix étrangement rauque ; Je veux seulement assurer votre sécurité.

- Je sais et je suis sensible à vos inquiétudes mais je suis amplement consciente des dangers que je risque.

Zhayar ne sut dire si c'était de la colère ou de la tristesse qu'il avait perçu dans sa voix. L'avait-il blessée à ce point en laissant entendre qu'elle pourrait se jeter dans les bras d'Ousmane ? Était-elle à ce point innocente au point de refuser d'être approchée ? Bien que passable comme le laissait entendre Hassan il refusait de croire qu'elle pouvait être laide au point de rebuter les hommes. Impossible !

- Vous ai-je blessée Liya ?

- N..non, balbutia la jeune femme ; Je tenais juste à rectifier certains points.

Zhayar acquiesça, décidé à mettre un terme à cette discussion, même si au fond de lui, il mourrait d'envie de percer les secrets de cette mystérieuse jeune femme.

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