Chapitre 14



Incapable de détacher son regard du sien Liya avait passé deux jours à ruminer ses paroles sévères.

" - Vous vous occuperez de moi aussi longtemps que je le désire. "

Liya avait d'abord cru à une plaisanterie de la part du cheikh mais ce dernier était resté de marbre. Aujourd'hui, elle se trouvait sur le tapis, livre à la main alors que l'homme discutait avec Hassan en arabe et le sujet semblait sensible. Se pinçant les lèvres jusqu'à les faire changer de couleur Liya tourna la page de son livre non sans éprouver le besoin de s'agiter pour réprimer un frisson glacé. Ses pensées se mélangeaient, en proie au chaos.

- Où êtes-vous mademoiselle Gray ?

Liya sursauta en entendant sa voix pénétrer ses songes. Depuis combien de temps songeait-elle au point de ne pas voir Hassan quitter le salon ?

- Je suis toujours au même endroit.

Le cheikh tourna son fauteuil dans sa direction lui dévoilant son visage cicatrisé.

- Je vous trouve bien silencieuse.

- Je ne voulais pas vous déranger, se justifia-t-elle en laissant son regard tomber sur son livre ; J'ai cru comprendre que l'affaire était urgente.

- En effet elle l'est, affirma-t-il en se rapprochant bien trop près...si près qu'elle dut poser sa main sa la roue de son fauteuil pour le stopper.

Il baissa les yeux vers le tapis.

- Pourquoi êtes-vous par terre ? Il y a pourtant des fauteuils dans cette pièce, lança-t-il comme un reproche.

Liya inspira profondément avant de lui répondre.

- J'aime bien être par terre, le tapis est confortable.

Affreusement mal à l'aise Liya préféra baisser de nouveau son regard sur les pages de son livre. Elle devait se l'avouer. La présence du cheikh l'oppressait, la rendait fébrile et tendue. Pire encore, elle ressentait une chaleur très désagréable lui nouer l'estomac.

- Hassan m'a laissé entendre que vous étiez bien curieuse quant au sort de mon....demi-frère.

Liya cilla et bien qu'elle soit assise elle eut l'impression que la pièce tournait.

- Pas curieuse votre altesse juste en proie à quelques questions.

Il émit un rire sans joie et presque amer.

- Hassan n'aurait jamais dû vous parlez de lui pour commencer.

- C'est de ma faute, je me suis montrée très insistante.

- Et est-ce que ses réponses vous ont éclairées miss Gray ? S'enquit l'homme d'une voix doucereuse.

- Non, elles m'ont aidé à me tenir à distance.

- Mustapha est un criminel, ne l'oubliait jamais.

Il pivota son fauteuil pour se diriger vers cette fameuse cheminée qui l'aidait à se sentir moins seul. Liya se mordit la lèvre.

N'était-il pas lui aussi un criminel ? Comment réagirait-il en apprenant qu'elle avait profité de sa permission pour faire des recherches sur lui ?

Impitoyable, le cheikh avait commis lui aussi des exactions assez terrifiantes.

- Et vous ? En êtes-vous un ?

Liya avait parlé tout haut sans prendre conscience des conséquences qu'elle devrait affronter. Il ne mit pas longtemps à pivoter son fauteuil dans sa direction et Liya avait l'impression que ses jambes refusaient de bouger.

- Je vous demande pardon ? S'enquit le cheikh dents serrées.

Tétanisée, Liya bredouilla quelques mots inaudibles pour sa défense.

- Oh je vois que vous avez profité de votre sortie pour naviguer sur internet, lâcha-t-il avec froideur.

- Je...

- Laissez-moi vous éclairer quant au fond de cette histoire qui a tant choqué votre pays, poursuivit-il avec sarcasme.

Tandis qu'il s'approchait, le regard fou de colère Liya accusa le coup et resta immobile sur le tapis.

- L'un de mes hommes était marié à cette femme lorsque cet homme l'a assassiné sans pitié juste après avoir abusé d'elle.

Liya hoqueta, les yeux brûlants comme si des larmes de honte menaçaient de rouler sur ses joues.

- Elle était enceinte, elle était d'une incroyable douceur et il lui a arraché la vie et celle de son enfant. Salim ne l'a pas supporté et s'est donné la mort.

Il combla l'espace qui les séparait alors qu'elle avait baissé les yeux incapable de supporté la colère palpable qu'elle lisait dans ses yeux...terrifiée par l'intensité monstrueuse qu'avait pris ses cicatrices.

- J'ai juré de retrouver ce monstre qui n'en était pas à son premier crime et je l'ai tué sans le moindre remords. Comme Mustapha n'a eut aucun remords à vouloir me tuer.

Il marqua une pause, la respiration erratique, comme s'il luttait pour ne pas se jeter sur elle.

- Il a tué plusieurs de mes hommes laissant leurs familles dévastées. Il a ravagé le village de Fharat et s'en est pris à la tribu des bédouins en laissant derrière lui d'autres victimes. Alors je n'aurais aucune pitié comme il n'en aura aucune pour moi.

Son discours avait été froid, sévère, implacable. Liya ne parvenait pas à rétorquer quoi que ce soit qui ait suffisamment de poids pour le contrer. Et qu'aurait-elle bien pu répondre à cela ?

Il venait de lui dépeindre l'horreur.

- Il serait peut-être temps pour vous de sortir la tête de vos livres à l'eau de rose afin de découvrir le monde tel qu'il est mademoiselle Gray, poursuivit le cheikh sèchement ; Cruel et sans pitié !

Liya sursauta avant de refermer son livre la bouche sèche. Blessée elle se leva sans un mot et récupéra son châle laissé sur le tapis.

- Où allez-vous comme ça ?

- Allez en enfer !

Zhayar inspira bruyamment par le nez lorsque la porte se referma sèchement.

- J'y suis déjà, murmura-t-il sans se départir de sa colère.

Comment avait-elle pu l'insulter de criminel sans le connaître ! Songea-t-il en serrant violemment les mâchoires.

Liya ressentait à la fois de la honte d'avoir osé l'insulter de criminel sans connaître toute l'histoire et du chagrin qu'il puisse se montrer si odieux avec elle.

Essuyant d'un revers de main ses joues mouillés elle s'enfonça dans le couloir pour rejoindre sa chambre et s'y enferma avant que Jamila puisse entrer.

Très vite elle céda au flux de larmes qu'elle avait trop longtemps retenu puis laissa le temps défiler en songeant aux terribles révélations du cheikh.

Malgré la méprise avec laquelle il l'avait traitée Liya devait admettre l'avoir jugé trop vite mais peu lui importé à présent. Le cheikh était une âme perdue et il ne désirait pas être sauvé. Elle s'était surprise à vouloir lui montrer que sa vie n'était pas totalement perdue et qu'il fallait garder espoirs. Refusant de laisser cet homme remporter la bataille Liya se leva et quitta sa chambre puis se dirigea vers les jardins. La chaleur était supportable car le vent s'était légèrement levé mais elle fut très vite désespérée par le lourd et pesant silence qui régnait dans cette immensité. Le palais n'avait plus de vie et ceux qui habitaient encore les lieux vivaient jour après jour en se raccrochant à l'ultime espoir qu'un jour le roi redevienne l'homme d'autrefois.

- Miss Gray ?

Liya battit des cils et se retourna vivement.

Un jeune homme se tenait derrière elle, vêtu de bottes et d'une tenue de travail qui laissait penser qu'il venait des écuries..

- Bonjour ! Je suis Ousmane, enchanté de vous connaître.

Les joues rouges elle accepta sa main puis se recula légèrement. Le jeune homme avait l'air nerveux au point de se racler la gorge avant de poursuivre.

- Je m'occupe des chevaux du palais, est-ce que vous avez envie de les voir ?

Cette proposition tombait à pic et Liya s'empressa d'accepter non sans rougir. Après tout cette invitation n'engageait rien de méchant ou d'interdit. De plus le jeune homme avait l'air très chaleureux et son sourire timide lui donnait l'impression qu'il était son double au masculin.

- J'en serais ravie Ousmane...

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