LE TUNNEL

Essoufflée, à la fois par l'effort et le rire, la petite fille avance à quatre pattes, aussi vite que possible, dans le long tunnel au bout duquel l'appelle la lumière du jour. Autour et au-dessus d'elle, le treillis circulaire est serti de myosotis, ses fleurs préférées.

« Attention, j'arrive ! Je vais t'attraper ! », crie son père qui gagne du terrain, juste derrière elle. Ces jeux de course-poursuite, dont il était très friand lui-même enfant, lui signalent maintenant par de discrets messages au dos, aux genoux et aux épaules qu'il commence doucement à vieillir. Il a cependant l'avantage de jambes et de bras plus grands, ce qui lui permet de saisir au vol la petite cheville juste devant lui.

« Non ! Arrête, Papa ! », s'écrie-t-elle dans un gloussement en agitant le pied jusqu'à le libérer, inconsciente d'y être parvenue surtout parce qu'il a desserré son étreinte. Elle repart de plus belle vers l'extrémité du tunnel, où l'attend la pagode magique, qui lui servira de refuge. Si elle réussit à l'atteindre, elle aura gagné.

Il lui laisse un peu d'avance, puis s'élance de nouveau après elle. Le tunnel n'est pas très long, mais pour elle, il doit sembler interminable.

Quand elle arrive enfin à la sortie, elle se redresse face à la pagode. Sans perdre un instant, elle s'y précipite et s'y enferme. Sans même reprendre son souffle, elle traverse en toute hâte un petit salon garni de mobilier conçu à sa mesure, monte l'échelle qui mène à l'étage et sort sur le balcon, triomphante. En contrebas, elle voit son père qui s'extrait à son tour du tunnel et se relève maladroitement, une main sur les reins.

« Tu as triché ! Je t'avais attrapée !

— Non ! J'ai été plus rapide, j'ai gagné ! »

La pagode miniature est juste un peu plus grande que son père, mais pour elle, c'est un palais majestueux qui donne une vue splendide sur tout le jardin.

« Désolée de vous déranger, mais c'est l'heure, la réunion avec les ministres va commencer, annonce derrière lui la voix de son épouse.

— Vraiment ? Je croyais que c'était cet après-midi, soupire-t-il en lui jetant un regard las.

— C'est déjà l'après-midi, très cher », sourit-elle.

Il voit sa fille passer devant lui en courant : déjà, elle a quitté la pagode et retourne à l'entrée du tunnel pour une nouvelle course.

« Veuillez annoncer aux ministres que l'Empereur aura du retard », dit-il à son épouse, et il retourne jouer.

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