Chapitre 63
Ne tirant rien de son client, son avocat lui ordonna de quitter la barre. Savana riva ses yeux dans ceux d'Arik lorsque celui-ci lui adressa un sourire chargé de mystère. La défense de Max était certes pitoyable mais peut-être capable de le faire passer pour fou. Même si deux spécialistes dont le Dr West l'avaient jugés totalement conscient de ses actes, elle demeurait sur ses gardes. Max arrivait facilement à manipuler comme il l'avait fait avec elle. Dans les bourdonnements qui assaillaient ses oreilles, Savana entendit son nom. Lentement elle se redressa. L'avocat Carozo espérait tout de même qu'elle retourne à la barre ?
Elle lança un regard autour d'elle et principalement sur Louane. Elle aussi fronçait des sourcils, le regard tourné vers Arik...qui se leva.
Quoi ?
Le cœur battant à tout rompre elle lui adressa un regard chargé de questions auxquelles il lui répondit d'un sourire neutre puis s'avança dans l'allée.
- Sois sans craintes, murmura son frère.
Arik avait-il demandé de témoigner ? Se demanda Savana en craignant que l'audience dérape. Était-ce le dernier coup de poker de la défense ?
Savana crut s'évanouir lorsqu'il prit place à la barre avec décontraction. Savana aurait voulu crier mais l'expression impérieuse qu'arborait Arik la réduisit au silence...un long silence qui avait prit possession de la salle d'audience. Mais alors que tout portait à croire que c'était maître Carozo qui avait exigé le témoignage d'Arik ce fut maître Mayer qui s'approcha à la barre.
- Merci monsieur Dahazar d'avoir accepté de témoigner, commença-t-elle en s'écartant légèrement pour que le public puisse le voir.
- Comment était Savana lors de votre première rencontre ?
Arik ne répondit pas toute suite, portant son regard sur sa femme qui le regardait les yeux brillants.
- Apeurée, déclare Arik plongé dans ses souvenirs de cette nuit où sa vie à basculer ; Je l'a cherché mais pas pour les raisons qui m'ont ensuite poussé à la revoir.
- Pour l'argent que vous devez monsieur Stilling.
- Exactement, affirma-t-il en plongeant son regard sombre dans le sien ; Il m'avait volé deux millions de dollars il y a des années lors d'un voyage d'affaire dans mon pays ; Mon but était de les récupérer mais l'image que je m'étais forgée dans mon esprit n'était pas celle qui m'attendait derrière cette porte.
- A-t-elle eu peur de vous ?
- Elle m'a regardé droit dans les yeux, elle m'a regardé comme personne ne l'avait fait auparavant et elle brandissait un tisonnier dans ses mains, ajouta-t-il en souriant dans sa barbe.
Cette petite anecdote fit rire l'assemblée. Pensivement, Arik perdit son sourire, frottant sa barbe l'un air songeur.
- Certains pourraient vous reprocher d'avoir été trop vite, questionna-t-elle en déviant son regard vers les jurés.
- Moi-même j'ignorais que les choses se passeraient si vite, avoua-t-il en la regardant avec une lueur énigmatique dans le regard ; Quand elle a accepté de venir dans mon pays pour y séjourner j'avais pour but de lui montrer des choses différentes, de lui faire comprendre que ce n'était pas à elle de rester dans le noir.
Il marqua une pause pour secouer la tête, les traits tourmentés.
- Rien ne laissait supposer qu'elle changerait ma vie. En réalité, c'est moi qui avait besoin d'elle...
- Certaines personnes pourraient s'étonner de voir un homme tel que vous tomber en amour pour une jeune femme fragile mentalement et si différente...
- Un homme tel que moi ne doit rien laisser paraître de ses émotions même les plus personnelles ; J'ai vécu la guère, la souffrance, la solitude, j'ai connu des femmes qui n'aspiraient qu'à l'opulence que reflète ma vie mais Savana elle....a réussi à me montrer que l'amour existait. Que le bien matériel n'avait aucune importance à ses yeux. Avant de la rencontrer j'étais un homme enfermé dans la colère, la rage, le regret. Elle m'a sauvé. Et d'ailleurs, je ne me sens pas tout à fait satisfait aujourd'hui.
- Pour quelle raison ?
- Vous avez tous parlé de son passé, de ce qu'elle a subie pendant dans années, commença-t-il de sa voix rocailleuse qui arrivait encore et toujours à les faires frissonner ; Mais a aucun moment vous avez mentionné la souffrance physique qui ne la quitte pas et qui ne la quittera sans doute jamais. En plus de lui avoir arraché son cœur, ses rêves, sa vie, dégradé son mental en la persuadant qu'elle était la seule responsable de ce qu'il lui est arrivé, Savana souffre au quotidien.
Cette fois-ci le regard d'Arik devint aussi noir que les ténèbres.
- Il ne faut pas oublier qu'elle a dû réapprendre à marcher, qu'elle est restée dans un fauteuil roulant pendant des mois.
Cette petite remarque ne passa pas inaperçue auprès des jurés et du public. Il est vrai que personne n'avait parlé de sa souffrance physique. De ces douleurs qu'elle avait choisie de combattre à nouveau pour le bien de ses bébés à naître.
- Une nuit, je l'ai trouvé dans une souffrance incommensurable, le front en sueur, tremblante, se tenant les jambes, retenant ses cris de douleurs comme si elle s'interdisait de montrer à quel point elle souffrait, expliqua Arik d'une voix si sombre que Mayer recula tête baissée.
- J'ai dû la piquer comme on pique un animal en fin de vie reprit-il avec haine et dégoût ; Chaque soir, pendant des mois j'ai dû piquer ses jambes pour qu'elle ne ressente pas cette douleur insupportable.
Il marqua une pause pour foudroyer Max d'un regard assassin.
- À sa première consultation chez l'obstétricien, sa première question c'était de savoir si le traitement pouvait faire du mal à son bébé, il lui a répondu que les risques étaient très mince, pourtant...elle a décidé d'arrêter tout. Elle a décidé de souffrir par peur de faire du mal à son enfant...nos enfants ! Rectifia-t-il rictus aux lèvres.
Louane, son frère et Hamid tournèrent leurs regards vers elle, les yeux écarquillés de surprise.
- Savana...s'exclama Hamid sous le choc de la nouvelle qui venait de s'abattre dans la salle.
Timidement elle baissa les yeux sur son ventre.
- Je désirais soulever ce point, reprit-il d'une voix plus amène ; Savana a souffert et souffrira toujours, elle ne pourra plus jamais courir ni marcher comme elle le voudrait. Elle a fait le choix de souffrir encore pour ses enfants et j'ai juré de la protéger farouchement, jusqu'à ma mort...
Les larmes aux yeux, Savana se tint le cœur comme si celui-ci venait de bondir hors de sa poitrine.
- Je suis ici à cette barre pour que l'on oublie pas que chaque jour, Savana lutte, et que derrière ce regard bienveillant creusé par la peur, se cache une femme qui depuis trois jours affronte l'impossible et qui m'a montré que derrière cette apparence fébrile, il y a une autre femme....celle qui se bat.
Suspendus aux lèvres de son mari, certains affichaient des mines émues.
- Je n'ai plus rien d'autre à ajouter, seulement que je l'aime suffisamment pour songer à mourir pour elle et vous voyez très clairement où je veux en venir.
D'un regard appuyé vers l'accusé, Arik se leva sous un murmure de remerciement de la part de Mayer qui peinait à dissimuler son émotion.
La vision brouillée, Savana sentit sa gorge se nouer d'émotions. Elle lui prit la main, yeux baissés sur leurs doigts enlacés. Il planta un baiser sur le sommet de sa tête.
- Place aux plaidoiries à présent, annonça le juge après s'être raclé la gorge ; je précise que le verdict sera rendu à 14h.
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