Chapitre 61




Pour refluer le sillon de larmes, Arik se mit à retourner la cuisine à la recherche de quelque chose...mais quoi ? Il referma le placard et posa ses mains à plat sur le plan de travail. Il n'avait jamais pleuré...même pas à la mort de son père qui lui avait appris à toujours rester digne et froid.

" Détache-toi de tes sentiments " lui disait-il lorsqu'il était un jeune adolescent.

Il retira son arme et la posa sur le plan de travail. Combien de fois avait-il voulu l'utiliser pendant ce procès ? Combien de fois avait-il entendu dans la bouche de femmes perfides qu'il avait l'âme d'un barbare...

Secouant de la tête pour chasser ses sombres pensées, il se passa une main sur son visage fatigué et releva la tête pour découvrir sa femme mains derrière le dos, l'observant avec crainte.

- Tout va bien ?

Arik se redressa lentement.

- Un peu songeur...

Les yeux brillants, les cheveux ramenés en arrière, sa peau luisait sous la pleine lune.

- À propos du procès ?

- Essentiellement...

Savana s'approcha, remarquant ses traits tirés. Regardant l'arme sur le plan de travail, Savana leva sa main pour la toucher mais Arik prit son poignet avant qu'elle n'ait eu le temps de l'effleurer.

- Non...ce n'est pas bien Habiba.

- Je voulais juste la toucher.

Il retira le chargeur en soupirant et la lui donna. La première sensation qu'elle ressentit ce fut le poids. Elle était lourde et ses doigts arrivaient à peine à le tenir. L'instant suivant il la lui reprit et la rangea derrière son dos.

- Savana Dahazar, promettez-moi de plus jamais retoucher à une arme, murmura-t-il mi-figue mi-raisin.

Savana se pinça les lèvres et fit mine de réfléchir. Son expression faussement sévère ne tarda pas à déclencher en elle une vague de chaleur. L'ascenseur rompit ce moment.

Il se dirigea vers celui-ci où l'un de ses hommes l'attendaient avec un sac. Savana les laissa échanger quelques mots et regarda pensivement son alliance. Sa fille ou son fils choisit cet instant précis pour lui donner un petit coup. Ils étaient si petits...sans défenses et ils n'avaient pas la moindre idée à quel point elle avait besoin de les entendre se manifester. Tandis qu'il continuait d'échanger avec son garde, Savana se mordilla la lèvre et s'entoura de ses bras jusqu'au salon pour allumer la télé insérée dans le mur. Désespérément elle chercha un canal d'informations. L'affaire faisait les gros titres et elle ignorais toujours comment Arik avait réussi à tenir la presse à distance. Sa tête se mit à tourner devant ce flot d'informations. La seule question qui importait à ses yeux c'était de savoir si Max resterait en prison. Pour ce faire, la dernière journée de ce procès serait sans doute la plus angoissante. Et si jamais les jurés décidaient de réduire sa peine ? Et s'ils jugeaient que les charges étaient trop minces pour le condamner à une peine plus lourde ? Prise de nausées, elle coupa la télé en portant ses doigts à sa bouche. Elle résistait aux larmes qui lui brûlaient les yeux et se concentra sur Arik. Celui-ci n'avait pas manqué la scène et la commenta d'un sombre regard.

- Et s'il gagnait ? Lâcha-t-elle d'un souffle par peur de ne plus pouvoir le dire.

Impassible, il demeura silencieux comme si cette question lui avait déjà traversée l'esprit. Sa bouche forma un rictus. Il quitta son regard pour le baisser sur son ventre. Et la réponse fut aussi tranchante qu'une lame :

- Alors je le tuerais.

Oh elle le croyais sur parole. Mais une part d'elle refusait qu'il aille jusqu'à défier les lois pour elle.

- Nous sommes en Amérique, ajouta-t-il au loin tout en posant les sacs sur le comptoir ; Mais j'ai suffisamment de pouvoir pour l'extrader chez moi, là où je fixe mes lois.

Sa voix lui parut tout à coup inhumaine. Elle ressentit la présence du monstre qui sommeillait en lui.

- En te quittant au cottage, j'ai longuement hésité avant de faire des recherches sur toi, reprit-il en s'approchant mains dans les poches ; Pour moi Savana Stilling était une croqueuse de diamants qui me devait deux millions de dollars.

Dans la brève pause qu'il imposa, son index se glissa sur la base de son menton.

- Je n'avais qu'une idée en tête retrouver la jeune inconnue du cottage, murmura-t-il en la contemplant comme s'il la voyait pour la première fois ; J'ai failli commettre une grave erreur lorsque j'ai décidé qu'il fallait mieux te laisser tranquille et t'oublier.

Il secoua de la tête pensivement, comme s'il se remémorait cet instant.

- Mais ton visage me hantait...et c'est sans doute cette image qui m'a poussé à regarder ce dossier pour qu'il me révèle que tu étais Savana.

Ses yeux s'embuèrent de larmes. Son palpitant allait exploser. Il passa son pouce sur ses lèvres entrouvertes et enlaça sa taille.

- Tu m'as sauvé, je t'aime et je t'ai aimé à l'instant même où j'ai posé mon regard sur toi.

- Arik...

Trop émue pour en dire plus, Savana frissonna entièrement lorsqu'il posa sa main sur sa nuque. Il n'y avait aucune place au doute dans son regard. À vrai dire, c'est comme si cette déclaration était un soulagement pour lui.

- Alors oui Savana, articula-t-il d'une voix éteinte mais chargée de promesses : Si je dois en arriver là pour te sauver, je n'hésiterais pas une seule seconde.

Elle le croyait sur parole. Seulement, elle ne désirait pas voir son mari puiser dans cette part sombre qui l'habitait...au risque de ne plus pouvoir se contrôler. La photo qu'elle avait trouvée de lui, agenouillé, les traits tirés par une sombre rage...n'était pas l'image qu'elle voulait voir de lui. De plus, Savana était persuadé qu'il en avait terriblement souffert...au point d'avoir la certitude d'être un monstre. Alors pour l'apaiser, Savana posa ses mains sur son torse avec un sourire rassurant au bord des lèvres.

- Je suis sûre que tout ira bien, murmura-t-elle en s'efforçant d'être convaincante.

Un masque de fer...impassible chassa l'expression de douleur qui avait pris forme sur son visage.

Il l'embrassa avec fougue, posant son front contre le sien. Cet instant dura de longues minutes dans lesquelles Savana fit en sorte d'apaiser les tensions qui habitaient son mari.

Plus tard, après s'être rassasiée, Savana s'endormie au creux de son bras, sous lequel un homme avait trouvé la mort. Le ventre noué, elle ferma les yeux, alors qu'il avait crispé le bout de ses doigts sur son ventre rond. Son torse se gonfler de respirations bruyantes. En percevant son regard dans la nuit, Savana découvrit ses yeux grands ouverts, fixant le plafond...

Elle posa sa main sur sa joue ombrée de barbe. Lentement il tourna son visage vers le sien. Savana ramena les couvertures sur son torse à nu et cala sa tête contre son épaule. Sa prise son ventre se détendit peu à peu. Il ferma les yeux, tendu. Savana ferma les yeux à son tour, gardant espoir pour demain.

Après une courte nuit, Savana se prépara, les yeux brûlants de fatigue. Elle prit soin de prendre ses vitamines et d'avaler un croissant chaud. La peur était là, autour d'elle. Savana pouvait la sentir. En direction du tribunal, elle se concentra sur la route. Arik lui avait passé sa matinée au téléphone, pour aviser toutes les situations possibles. Une foule de journalistes attendait devant les marches, micros levés vers eux lorsque la voiture s'arrêta à leur hauteur. Crispant un juron entre ses dents Arik entraîna Savana dans le tribunal en prenant soin de la protéger.

Louane et son frère étaient déjà dans la salle, acheminant les derniers détails de cet ultime combat. Maitre Mayer l'arrêta devant l'entrée, les saluant d'un signe de tête.

- C'est la dernière ligne droite Savana, déclara-t-elle d'une voix ferme ; Attendez-vous à des réactions violentes de sa part, la prévint-elle doucement.

Savana souleva un haut-le-cœur qui se coinça dans sa gorge serrée.

- Il le faut, avoua-t-elle le visage peiné de devoir l'avertir de ce qui pourrait arriver dans cette salle ; Je dois le faire craquer.

Sur ce, elle entra dans la salle, d'une démarche déterminé.

- Ça va aller, déclara-t-elle en levant son regard sur Arik qui avait les yeux plantés sur Max qui venait de faire son entrée dans la salle ; J'en suis capable.

- Je sais...dit-il en plantant un baiser sur le sommet de son front ; Je t'ai sous-estimé, tu m'as prouvé que tu étais capable.

D'une respiration brutale, elle entra dans la salle, et pour la première fois depuis le début de ce procès, Savana regarda son ex-mari.

Droit dans les yeux.

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