Chapitre 58



Écartelée par le désir d'en finir et l'envie que tout s'arrête Savana porta ses mains à ses oreilles en quittant le siège des témoins. Arik apparut plus imposant que jamais. Il la prit par la taille pour l'entraîner à l'extérieur de la salle sous les regards compatissant du public. Les questions étaient trop difficile et pénible d'y répondre sans replonger dans ce passé si douloureux et pénible. En dépit de la douleur qui lui martelait les tempes, Savana trouva du réconfort contre le torse de son mari. Voilà ce qu'elle n'arrêtait pas de se dire depuis trois heure...qu'elle était mariée à Arik.

- Savana ?

La brûlure dans sa voix lui fit quitter le monde dont elle était prisonnière et elle relève instantanément la tête vers son visage ciselé.

- J'ai juste besoin d'un verre d'eau, répondit-elle en s'installent sur le banc.

- Les questions vont durer longtemps ? S'informa son frère aussi tendu que l'était Arik.

- Probablement jusqu'à ce soir très tard.

Du mieux qu'elle le put, Savana contrôla sa respiration erratique et prit inconsciemment la main d'Hamid en fermant les yeux. Il fit pression sur sa paume avec un sourire tendre et rassurant. Savana quitta son regard pour trouver celui d'Arik qui revenait avec un gobelet d'eau.

- Merci...

Elle reposa le gobelet sur le banc et frotta son poing serré contre sa jambe. La suite serait éprouvante, Savana le savait. Dorénavant, elle serait incapable de se protéger des abîmes de la peur.

- Tu t'en sors très bien Savana, commenta Zakhar pour briser le silence épouvantable qui régnait autour d'eux.

Savana lui répondit d'un maigre sourire. Les lourds et terrifiants secrets qu'elle gardait enfouie en elle depuis des années quitteraient définitivement ses lèvres aujourd'hui. Continuer à révéler sa vie devant Arik devenait insupportable. Il restait impassible...du moins pour l'instant. Quand il insista pour qu'elle mange, Savana refusa, incapable d'avaler quoi que ce soit. Mais c'est sans compter sur la détermination de son amant qu'elle abdiqua en mordillant dans un sandwich qu'il était partit acheté dans la petite boulangerie d'en face. Assis l'un contre l'autre pendant deux heures sans bouger, Savana sentit ses paupières devenir lourde de fatigue. Un long frisson parcourut sa colonne vertébrale quand ses lèvres se posèrent sur sa tempe. Savana se passa une main sur ses yeux brûlants et se leva. Il était temps d'y retourner. Et en dépit de la peur qui noyait son âme Savana reprit place, le cœur battant. Un courant d'air froid se posa sur sa nuque lorsque la porte s'ouvrit sur son ex-mari. Sans jamais poser son regard sur lui, Savana canalisa toute son attention sur l'avocat Mayer qui allait reprendre ses questions. D'un soupir bruyant, elle se pinça les lèvres, prête à répondre aux questions qui elle le savait...seraient plus dure chaque minute.

- L'audience reprend !

Elle enroula le ruban entre ses doigts le regard fixé sur l'avocat Mayer qui rouvrit l'un de ses dossiers.

- Le 4 octobre 2015 les enquêteurs relèvent dans l'ordinateur de monsieur Stilling une inscription sur un forum de femmes victimes de violence ; Moins d'un quart d'heure plus tard vous vous êtes désinscrite du forum pourquoi ?

En dépit de ses paupières baissées, Savana sentait le regard du public posé sur elle.

- J'étais seule toute la journée, la veille avait été éprouvante pour moi, alors j'ai voulu trouver de l'aide sur internet, expliqua Savana en décidant de relever les yeux : Puis au moment d'expliquer ce qu'il me faisait subir aux autres femmes j'ai pris conscience que c'était son ordinateur et qu'il allait très certainement le consulter, j'ai senti que c'était un piège.

- Vous avez effacé l'historique ?

- Seulement les pages que j'avais consultées.

- Parlez-moi de votre quotidien lorsqu'il n'était pas là.

Savana inspira profondément.

- La nuit, je ne dormais pas, commença-t-elle la gorge nouée de sanglots.

- Vous aviez peur de quelque chose en particulier ? Demanda maître Mayer.

- De mourir, avoua-t-elle d'une voix enrouée.

- Il vous menaçait de vous tuer ?

- Quelques fois quand je lui disais que j'allais partir, mais c'était au début...ensuite je n'ai plus songé à le menacer par peur d'attiser sa colère un peu plus.

Maître Mayer l'invita à poursuivre avec un sourire encourageant.

- J'attendais qu'il parte au travail pour dormir deux ou trois heures, reprit-elle en serrant le ruban dans son poing ; Ensuite je faisais le ménage avec précision et j'exécutais toutes les tâches ménagères. Ensuite je prenais un peu de temps pour soigner mes bleus puis je lisais des livres que je gardais en sécurité.

- Il vous retiré le plaisir de lire ?

- Il disait que j'étais trop rêveuse, que les livres ne m'apprendraient pas à entretenir un foyer.

L'un des jurés s'agita sur son siège.

- Il vous les a retiré ?

- L'intégralité de mon carton, j'ai seulement réussi à garder deux d'entre eux que j'ai caché derrière ma table de nuit.

- Qu'a-t-il fait des autres ?

- Au feu.

- C'est faux ! S'écria le concerné.

Un soubresaut accompagna son hoquet de peur.

- Monsieur Stilling....s'ils ne sont pas brûlé alors où sont-ils ? Interrogea maître Mayer en avançant jusqu'au box.

Arik ne quittait plus ce monstre des yeux, voyant clairement qu'il commençait à s'agacer sans jamais quitter Savana du regard. Ses yeux passaient de la rage à la possession...la froideur....aucune lueur de regret passait dans son regard. Il avait d'ailleurs remarqué qu'il serrait ses mains avec une pression qui ne laissait aucun doute quant à son envie de bondir sur elle à tout moment.

- Je ne sais pas !

- Vous ne savez pas ? Répéta-t-elle avec un air faussement étonné ; Moi je pense que votre réaction est due à la frustration que ce petit détail ait échappé à votre contrôle.

Max riva son regard noir dans le sien.

- Ah oui ? Murmura-t-il d'une voix sombre.

- Oh que oui ! Ça vous met en rage de savoir qu'elle a réussi à cacher ces livres et qu'elle soit parvenue à trouver un moyen de tenir en s'accrochant à son imagination.

Mayer s'éloigna avec un petit sourire en coin puis reprit :

- Et quand il rentrait ? Monsieur était satisfait de la tenue du foyer ? Demanda-t-elle pince-sans-rire.

- Oui, dès qu'il rentrait, il n'avait plus qu'à se mettre à table.

Savana ferma brièvement les yeux. Son regard était sur elle...plus intense que la veille, elle le sentait.

- Vous mangiez avec lui ?

- Non, c'est quand il le décidait, parfois je devais attendre des heures avant de pouvoir entamer le moindre...

- On est pas dans un procès pour une tentative de meurtre sur conjoint mais pour esclavage ! S'écria un homme dans la salle avec indignation et colère ; c'est la chaise électrique qu'il lui faut !

L'homme quitta la salle d'audience en refermant brutalement la porte.

Savana chercha le regard d'Arik qui comme tout le monde avait suivi cet homme des yeux. Quelques chuchotements se mirent à souffler dans la salle. Égarée par cette brusque interruption, Savana serra convulsivement ses mains l'une contre l'autre en grimaçant.

- Un peu de silence s'il vous plaît !

- Je n'ai plus de questions je laisse maître Jemena poursuivre.

- Savana ?

- Oui.

- Parlez-nous de la période de votre grossesse, demanda-t-elle les mains à plat sur la table ; Comment a-t-il réagi à cette annonce ?

- Il y a eu deux sentiments, commença-t-elle en relevant la tête ; Pour l'annoncer, j'ai attendu que ma mère passe nous rendre visite. Je savais qu'en présence de ma mère il saurait feindre un sentiment de joie et j'avais besoin de ça pour aviser la suite.

- C'est-à-dire ?

- Quand ma mère est repartie il m'a dit que j'avais neuf mois pour parfaire mon rôle de femme sinon je ne parviendrais jamais à devenir mère.

- Est-ce que cette grossesse a-t-elle changé quelques choses à sa violence quotidienne ?

- Au début oui, il se contentait de violences verbales.

- Mais ensuite son envie de vous battre pour apaiser cette frustration est devenu plus forte, conclut-elle avec un moue de dégoût.

Savana hocha de la tête pour confirmer.

- Pas de visite chez un gynécologue ?

- Aucune, murmura-t-elle la gorge gonflée de sanglots qui manquaient de sortir.

- C'est en regardant mon corps que j'ai compris pourquoi, ajouta-t-elle en baissant les yeux.

- Donc vous surveilliez seule votre grossesse ?

- Oui.

- Est-ce qu'il vous frappait au ventre ?

Savana se frotta les yeux avant de répondre. La nuit terrible qui avait mis un terme à sa grossesse refit surface dans sa mémoire.

- Le soir où j'ai perdu mon fils oui, parvint-elle à dire entre deux respirations ; J'étais dans le salon en train de remettre les coussins et il est arrivé comme un fou en m'accusant d'avoir touché à son ordinateur. Je n'ai pas eu le temps de me défendre qu'il m'a fait tomber par terre et il a commencé à me donner des coups au ventre.

Savana leva sa main en l'air pour l'avertir qu'elle n'irait pas plus loin dans les détails. Le reste...avait été raconté par l'infirmière.

- Quand décide-t-il de vous emmener à l'hôpital ?

- Tard dans la soirée, après supplications...

- Et lors de votre seconde fausse-couche vous êtes seule ?

- Oui, il est resté dans la voiture.

Louane referma son dossier sèchement.

- Je n'ai plus de questions, déclara-t-elle en se rasseyant.

Savana espérait que ce soit la fin, mais avant d'avoir pu puiser un souffle dans ses dernières réserves, maitre Mayer se leva. D'une main tremblante elle prit le gobelet posé devant elle et but une gorgée pour s'humidifier la gorge et ses lèvres gercées.

- Savana, si vous le voulez bien, je vais profiter que vous soyez face à la salle pour montrer les photos qui ont été prise après vos opérations, là où l'on a pu déterminer que vous aviez été battue avant d'être défenestrée.

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