Chapitre 57
Le lendemain, Savana inspira profondément en enfilant son collant. Dans moins d'une heure elle serait à la barre pour raconter son histoire. La partie la plus difficile serait sans doute le moment où l'avocat de Max viendrait la déstabiliser avec des questions qu'elle avait anticipée depuis si longtemps...
À ce souvenir une nausée la gagna. Son fils ou sa fille se manifesta. Poussant un hoquet de surprise, elle posa une main sur sa bouche pour l'étouffer.
Pas maintenant ! Pas aujourd'hui !
Savana ravala cette terrible envie de bondir et de crier à Arik de venir toucher son ventre. S'il y a bien quelque chose qu'elle s'interdirait de faire aujourd'hui c'est de placer dans le cœur d'Arik, de l'espoir. Tant qu'elle ne serait pas sortie de ce tribunal, Savana scellerait sa bouche, garantissant la sûreté d'un secret qu'elle partagerait après son combat.
Une fois prête, ses jambes sur mirent à flageoler lorsqu'elle le retrouva dans le salon, en train de charger son arme...la glissant autour de sa taille, dissimulée sous son long manteau noir.
Nul besoin de voir son arme pour savoir qu'il était dangereux. Une seule question demeurait :
L'avait-il sur lui depuis le début du procès ?
La naissance de ses doigts devint gelé. Tout en avançant jusqu'à lui, elle inspira imperceptiblement et esquissa un sourire qu'elle voulait rassurant.
- Tu es prête ? S'informa-t-il en lui prenant la main.
- Je pense que oui, répondit-elle en le suivant à l'extérieur de la suite.
Devant l'hôtel, une marée de journalistes attendait devant l'entrée pour l'assaillir de questions. Pire, l'un d'entre eux leur demanda ce qu'ils étaient partis faire à l'hôpital après cette longue journée à l'audience. Savana ne répondit pas sous les conseils très précieux de son mari...habitué à cette foule de questions qui même dans la voiture, continuait d'assaillir ses oreilles d'un bourdonnement persistant.
En rejoignant son frère, Hamid et Louane, ce fut à cet instant qu'elle comprit qu'il n'y avait plus de marche-arrière possible.
- Est-ce qu'il y a un risque que je le confronte ? Demanda-t-elle en tortillant ses mains.
- Pas directement, assura Louane en posant ses mains sur son épaule.
Arik scruta le box dans lequel se tenait Max. Quand la salle fut bondée de monde, Arik décida qu'il était temps d'offrir son cadeau à Savana.
- C'est pour toi Habiba.
Perdue dans l'obscurité qui l'attendait, sa femme contempla le ruban épais qu'il lui tendait et le prit entre ses doigts.
- Cela t'aidera peut-être, suggéra-t-il en cachant péniblement sa frustration de ne pas pouvoir faire plus.
- Merci infiniment, murmura-t-elle au bord des larmes.
Savana commençait déjà à le faire glisser entre ses doigts pour canaliser son angoisse.
- Madame Dahazar est appelé à la barre.
Lorsque le juge l'appela, Savana ferma les yeux avant de se lever. Chaque fois qu'elle faisait un pas, l'autre lui paraissait insurmontable puis le suivant....
Le silence ne l'aidait pas. Un soupir tremblant quitta ses lèvres en montant sur l'estrade. Elle jura les yeux rivés sur Arik qui maintenant lui parut très loin. Si loin qu'une panique l'envahit à l'idée que...
- Savana, pouvez-vous me raconter comment vous avez raconter Max ?
Savana quitta ses sombres songes et cligna des yeux quelques secondes.
- Au lycée, il était en dernière année et moi en deuxième, j'étais plutôt une fille réservé et toujours à la bibliothèque et lui capitaine de l'équipe de football.
- Au début tout allez bien ? Demanda Louane.
- Comme deux lycéens qui s'aiment...du moins c'est ce que je pensais.
Savana marqua une pause pour inspirer profondément.
- Quand j'ai quitté le lycée, Max à hérité de l'entreprise de son père, une semaine plus tard, il me demandait en mariage.
- Il prend les commandes d'une entreprise sans passer par des études ? Questionna Louane en prenant un air surpris.
- Son père lui a tout appris.
- Vous vous rappelez de la première fois où il a levé sa main sur vous ?
Savana jeta un coup d'œil circulaire dans la salle et baissa les yeux sur le ruban que lui avait donné Arik. Elle l'enroula entre ses doigts et le déroula nerveusement.
- Prenez votre temps, dit le juge placé au-dessus d'elle.
- C'était un peu près un mois après notre mariage, commença Savana avec difficulté ; Il devait recevoir des clients que son père lui avait envoyé. Je m'étais démenée dans la cuisine toute l'après-midi. En milieu de soirée il est arrivé dans la cuisine et m'a dit soit belle et tait-toi.
L'un des jurés se racla la gorge.
- Ensuite ? Qu'avez-vous ressentie ?
- J'ai supposé qu'il ne le pensait pas, que c'était à cause du stress, répondit-elle en reprenant son souffle ; Mais quand ils sont partis, j'étais en train de ressembler les assiettes pour les ramener dans la cuisine, il s'est approché de moi sans un mot et m'a giflé.
La bouche pâteuse, Savana décida de poursuivre au gré de la douleur qui la transperçait.
- Il n'a rien dit ? Lança Louane sèchement en direction de l'accusé ; Il vous a simplement giflé et s'en est allé sans un mot ?
- Il est partit, pendant trois heures. Je n'avais rien fait de mal, enfin je crois...
Louane marqua une longue pause le temps qu'elle puisse accuser la suite.
- Puis ? Il s'excusait ?
- Au début, sans cesse, il me frappait puis me demandait de lui pardonner.
- Au début ? Répéta Louane.
- Après il est devenu plus violent et détaché de ce qu'il pouvait me faire subir, murmura-t-elle en tirant sur le ruban.
- Pourquoi vous êtes resté Savana ? Pourquoi ne pas avoir appelé la police ? Lança l'avocat de Max en se levant.
- Objection le témoin n'a pas fini de répondre à mes questions !
Arik se redressa, poings serrés.
- Oh mais je peux répondre, intervint Savana en levant la tête vers le président.
- Maître Jemena, laissez votre cliente répondre si elle le veut.
Foudroyant son adversaire du regard Louane l'invita à répondre.
- Je me suis poser cette question un million de fois, répondit Savana en fixant cet homme dans les yeux ; J'ai demandé l'aide à mes parents et ils ne m'ont pas aidé, il leur versait tout les mois une somme d'argent de mille sept-cent dollars, ma mère a pratiquement rejeté la faute sur moi. Quant à la police, chaque fois qu'il me battait il me menaçait, me disait que je ne pouvais pas gagner contre lui et qu'il avait des amis dans la police.
Savana s'interrompit une seconde pour déglutir.
- Chaque fois que j'avais mon frère au téléphone il était derrière moi, prêt à me faire regretter le moindre mot de travers.
- Et quand il était absent ? Rétorqua l'avocat en prenant un air faussement incrédule ; Vous auriez pu appeler votre frère non ?
Pauvre homme, songea Savana avec un goût amer dans la bouche.
- Dans son dressing, il avait un coffre avec un code et mon portable était scellé toute la journée, téléphone fixe et ma carte d'identité.
Des exclamations dans la salle suscita l'intervention du juge pour inviter au silence.
L'avocat se racla la gorge avec un sourire crispé.
- Au début j'avais le droit de sortir, puis au fil du temps il réduisait mon temps à l'extérieur puis un jour il a fait installer un système d'alarme, je n'avais pas le code ainsi si j'avais le malheur de la déclencher il le savait.
- Vous l'avez fait ?
- Une fois, avoua-t-elle en refoulant les larmes qui lui brûlaient les yeux ; Je suis partie demander de l'aide en frappant à des portes closes, personne ne m'a ouvert et quand il est rentré...
Elle ne parvenait pas à finir sa phrase, sa gorge la brûlait. Sa vision se mit à se brouiller.
Se basculant d'avant en arrière en portant ses doigts à ses tempes elle reprit.
- Son emprise était telle que je finissais par croire que tout était de ma faute.
L'avocat Mayer s'approcha de la barre, lentement. Son ventre se noua.
- C'était tout les jours ?
- Oui, puis à la fin, j'avais des moments de répit lorsqu'il s'endormait à cause de l'alcool.
- Sa consommation était fréquente ?
- Au début de temps en temps puis après c'était tous les soirs.
Arik changeait de position toutes les cinq minutes. L'entendre parler de son passé lui fendait l'âme.
Les questions s'enchainaient, plus dure chaque seconde. Arik ne la quitter pas des yeux, accusant les révélations qu'elle donnait avec douleur et rage mêlées. Zakhar s'agitait, Hamid demeura impassible mains croisées sur ses genoux.
Savana sentait un bourdonnement dans ses oreilles. Maître Mayer suspendit brutalement ses questions.
- Je demande une suspension d'audience, je précise que le témoin est enceinte.
- Je suspend l'audience, déclara le juge après avoir jugé son état ; Reprise à treize heure trente.
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