Chapitre 44



Arik fut forcé de quitter l'île pour affaires urgentes. Il n'avait pas prévu de s'en aller si vite. Savana n'avait rien dit au contraire...tout ce qui l'inquiétait c'était qu'il la renvoie chez elle. Il en était incapable. Se sentir loin d'elle était comme une déchirure. C'était encore plus douloureux que les blessures qui avaient entaillées son visage. Mais Arik redoutait qu'elle puisse lire plus profondément en lui. Qu'elle puisse lire cette fureur qui habitait son corps et son esprit. Qu'elle puisse sentir ses plaies. Et par-dessus tout ses désires. Comment parvenait-elle à lui laver les mains de ce sang qui coulaient encore dessus ? Comment faisait-elle pour échapper à ces regards presque assassin qu'il posait vers ces invités lorsqu'ils s'épanchaient sur elle ? Il la soupçonnait de les ignorer délibérément pour ne pas voir cette cruauté qui vibrait en lui. Appuyé sur la rambarde du balcon, Arik contempla l'horizon en exhalant un soupir. Il y a bien longtemps qu'il n'avait pas senti de telles émotions l'assaillirent si fort. Depuis qu'il avait forcé la porte de ce cottage Arik avait l'impression d'avoir libéré un part de soi qui l'effrayait.

Agrippant le granite de marbre les mains crispées, Arik se retourna quand Hamid entra doucement dans son bureau, le visage blême. Aussitôt il comprit qu'il y avait un problème.

- Parle Immédiatement.

- Savana est partie dans l'après-midi avec votre chauffeur, les gardes qui l'accompagnaient ont perdu sa trace.

Arik bondit du balcon les yeux insondables tant sa colère ruisselait dans ses veines.

- Perdu sa trace ! Répéta-t-il d'un sifflement.

Hamid acquiesça l'air sombre.

Arik contourna son bureau poings serrés, alors qu'une vive inquiétude marquait ses traits à mesure qu'il marchait dans le couloir. À l'idée qu'elle se soit perdue dans la ville accrut son angoisse. Il tenta de l'appeler sans succès.

- Trace son portable ! Ordonna-t-il en dévalant les escaliers à toute vitesse.

Avait-elle réalisé qu'il fallait le fuir ? Était-elle partie ? Son visage se creusa, défiguré davantage par la douleur à la seule pensée qu'elle ait compris bien trop vite qu'il fallait fuir Dahazar et tous les hommes de sang royal.

Arik traversa l'allée au pas de course, le visage blême.

Savana inspira péniblement. En allant se promener, elle n'avait pas prévu de se perdre. Heureusement elle avait trouvé refuge dans une église. La paix et le silence furent suffisant pour atténuer l'angoisse qui l'avait submergée. Peut-être que le destin avait prévu de la diriger vers cette église, songea-t-elle en baissant les yeux lorsqu'un fidèle murmura quelque chose avec un air approbateur dans le regard. Savana avait prit le soin d'utiliser son châle noir pour se couvrir les cheveux, pour ressembler aux femmes qui étaient rentrer dans l'église un peu plus tôt. Il retombait sur ses épaules, il caressait ses cheveux. Des mèches indisciplinées tombaient contre ses joues, attirant l'admiration des femmes qui chuchotaient entre elles. Timidement, elle alluma un cierge, priant pour que le cheikh aux yeux noirs la retrouve vite. Depuis Capri, Savana n'avait plus jamais reparlé de son âme. Mais elle brûlait d'envie d'essayer de lui faire entendre raison. Dans ses bras, elle puisait un sentiment de réconfort, d'une protection absolue. Les sentiments qu'elle ressentait pour lui étaient forts. Rien de comparable à ce qu'elle avait ressentie en épousant Max. D'ailleurs elle n'avait pas le souvenir d'avoir éprouvé quelque chose d'aussi puissant au début de son mariage. Max avait littéralement changé de comportement une semaine après leur mariage. Elle se souvenait encore de la première gifle qu'elle avait reçu la veille de noël. Cette image lui arracha un cri silencieux et douloureux. Elle n'était qu'une gamine, songea-t-elle en essuyant une larme qui roulait sur sa joue. Max un gamin impétueux et violent. Un monstre. Un véritable monstre. Arik lui, au-delà de son âge, avait l'élégance, l'agilité, l'autorité, un mental d'acier, le désir impérieux de la protéger. Son regard rude et parfois énigmatique ne l'effrayait pas, au contraire...il la poussait inexplicablement dans ses bras. Il ne la considérait pas comme objet mais comme quelque chose de précieux. Son cœur se mit à battre contre ses tempes. Elle avait une furieuse envie qu'il lui fasse à nouveau l'amour. Depuis leur étreinte passionnée, il ne l'avait pas retouché. Savana voyait bien qu'il se battait contre ses pulsions. Elle n'avait qu'un désir, renouvelé cette expérience encore et encore. Bon sang ! Voilà qu'elle fantasmait dans une église ! Le feu lui monta aux joues.

- Mon enfant...

Le feu jusqu'à la pointe de ses orteils, Savana regardait le père Ahmed qui l'avait accueilli s'avançait vers elle avait un homme vêtu d'une dishdash.

- Voici Omar Halhir, l'imam de la mosquée.

Savana déglutit péniblement. Allons bon ! Toutes les communautés n'allaient tout de même pas se réunir pour si peu !

Elle s'inclina respectueusement devant l'homme en tenant son cierge dans sa main comme une arme de protection. Les lèvres de l'imam tressaillirent comme s'il cherchait à retenir à éclat de rire. Évidement ! Elle tenait ce cierge comme si elle allait le frapper avec.

- Je vous ai reconnu sur les photos qui ont été prises il y a peu, déclara-t-il d'une voix douce : Sa majesté ne devrait pas tarder.

Savana exhala un soupir de soulagement. Mais une question demeurait à présent ?

- Comment l'avez-vous senti au téléphone ? Furieux ?

L'imam prit un air un peu tendu.

- Je dirais plutôt inquiet mademoiselle.

L'instant d'après, une silhouette sombre émergea de la grande entrée. La porte lourde se referma, faisant écho...jusqu'à faire trembler les vitraux.

Les deux hommes s'éclipsèrent bien trop vite à son goût. Les fidèles avaient disparu. Il n'y avait plus qu'eux.

Et dieu.

Les traits durement tendus, il incarnait désormais le souverain autoritaire et obéi de tous.

- Je me suis perdue, se justifia-t-elle hâtivement comme il avançait dans l'allée central avec ses bottes de cavalier, arme ceinturée à la taille.

Il était si ténébreux qu'elle sentit ses lèvres s'assécher.

- Au risque de passer pour un macho, je vais tout de même le dire, murmura-t-il d'une voix doucereuse ; Ne pars plus jamais sans que j'en sois informé !

- C'était stupide, admit-elle en posant ses mains sur son ventre.

Le cierge roula à terre jusqu'à lui. Il le stoppa avec sa botte et le ramassa pour le secouer dans sa direction.

- J'étais fou d'inquiétude ! S'emporta Arik les narines frémissantes sans parvenir à savoir si sa colère était due à sa disparition ou la beauté sidérante de la jeune femme.

Un châle noir dissimulait maladroitement ses cheveux. Ses mèches couleur miel tombaient en cascade contre ses épaules. Arik mourrait d'envie de l'attirer contre lui.

- Moi aussi je l'étais, rétorqua-t-elle en se retournant vers l'autel ; Je ne voulais pas te déranger pendant ton travail.

- Je t'ai déjà dit que mon travail ne serait jamais un obstacle, contrat-il en s'approchant d'elle.

Elle haussa des épaules et alluma un autre cierge en glissant un billet dans l'urne.

- Tu en as allumé combien ? S'informa-t-il abasourdi par le nombre de cierges qui flambaient.

- Sept et là c'est le huitième, répondit-elle avec une moue boudeuse.

Arik avait bien du mal à contenir son rire qui menaçait d'éclater.

Elle frissonna.

- Et à quoi penses-tu ?

Elle souffla sur la tige et se tourna lentement.

- Au risque de faire mugir la colère qui gronde en toi, je prie pour...

- Mon âme ?

Elle baissa la tête vers les flammes qui dansaient sans un mot.

Arik ferma les yeux une fraction de seconde.

- Savana, tu devrais arrêter de te torturer avec ça.

- Et toi tu devrais arrêter de te torturer avec cette histoire de malédiction.

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