Chapitre 43



Arik fit demi-tour après avoir compris qu'aucun bateau touristique attendait la petite famille. En évaluant la distance qui les séparait de Capri, Arik en avait conclu que ce père de famille avait pris le risque de partir seul en mer dans des conditions difficiles et imprudentes. Rien ne laissait supposer que le vent deviendrait subitement violent. Mais quand bien même...

Peu importe le temps, Arik ne laisserait pas cette famille au milieu de la mer.

- Cette famille est venu seule, dans un petit bateau qui ne tiendra pas le choc, il faut qu'on aille les chercher.

- Oh mon dieu !

Arik reprit le chemin de la grotte en ignorant délibérément le coup de tonnerre qui venait de foudroyer le ciel.

- Si une tempête se lève, ils mourront noyés, expliqua-t-il en serrant les mâchoires.

La jeune femme s'approcha de lui pour enrouler ses doigts sur son bras.

- Il ne faut pas blâmer ce père, murmura-t-elle dans souffle tremblant.

- Je ne le blâme pas, assura-t-il en plantant son regard dans le sien ; il a voulu faire plaisir à sa femme en ignorant les risques et il a beaucoup de chance d'être tombé sur nous.

Son regard s'illumina, elle lui vouait une confiance qu'il pouvait lire dans ses yeux azur. Savana dévia son regard sur l'entrée de la grotte qui se gorgeait d'eau à mesure que le vent se levait. Une petite fille se trouvait à l'intérieur. Savana n'avait pas le droit de céder à l'inquiétude. Car quand ils pénétrèrent dans la grotte, la petite fille pleurait déjà.

- Venez, sortez de là, ordonna Arik en s'avançant vers le bateau ; Le vent se lève, votre bateau ne tiendra pas le choc.

Le père de famille blêmit. Sa femme serrait sa petite fille comme si c'était sa propre vie.

- John ? Appela-t-elle le visage inquiet.

- Ne t'inquiète pas ma chérie.

À hauteur du bateau gonflable, Arik agrippa le rebord sous le regard terrifié de la jeune femme qui tenait son bébé sans jamais cesser de la bercer.

- Savana, ouvre la trappe sous tes pieds.

Elle s'exécuta en ravalant ses larmes et y trouva des gilets de sauvetages.

- Pourquoi vous n'avez pas prit un bateau touristique ? Questionna Arik en direction de l'homme qui s'en voulait énormément et ne s'en cachait pas.

- Ils n'ont pas voulu nous prendre, répondit sa femme en secouant désespérément de la tête ; Mon mari n'avait pas assez pour trois places. Nous leur avons dit que je porterais ma fille mais ils ont refusé.

Arik jura entre ses dents serrées.

- Donnez moi votre fille.

Comme elle hésitait, Arik lui adressa un sourire rassurant.

- Je suis là pour vous sortir d'ici madame pas pour vous faire du mal.

Son hésitation disparut. Elle lui tendit son enfant. Arik la passa à Savana. L'instinct maternelle de la jeune femme répondit immédiatement à la requête.

- Viens ici mon ange.

- À votre tour maintenant.

Avec l'aide de son mari, elle enjamba les deux bateaux en tremblant si fort qu'elle faillit perdre l'équilibre.

- Les gilets, tout de suite, ordonna-t-il d'une inflexion grave.

Il ne pouvait pas se permettre de perdre du temps. L'autorité était la seule évidence au vue de la situation.

- Toi aussi habibti, ajouta Arik d'une voix plus amène.

Elle s'exécuta sans le quitter des yeux. Une fois tous à bord, Arik abandonna le bateau gonflable dans la grotte et fonça vers son voilier. Avec un peu de chance il parviendrait à rejoindre la côte avant d'être au cœur de la tempête, songea-t-il en regardant le ciel se noircir davantage. Les coups de tonnerre faisaient réagir la petite fille qui poussait des cris de terreur.

- Je regrette tant ! S'écria la maman.

- Allons, chut...vous n'y êtes pour rien, murmura Savana en lui frottant les épaules.

- C'est moi l'idiot, compléta son mari.

Une vague fit tanguer le bateau, submergeant la coque. Savana agrippa le gilet de sauvetage de la mère avant qu'elle ne tombe à l'eau. La pluie l'empêchait d'y voir clair. La seule chose qu'elle vit ce fut le visage dure de son compagnon.

Arik leva la tête vers son voilier et s'empressa de faire monter la petite famille ainsi que sa belle qu'il ne quittait pas des yeux lorsqu'il en avait l'occasion. Pour l'instant, elle maîtrisait parfaitement la situation. Elle emmena la mère et la fillette dans la cabine sans qu'il ne lui demande.

John quant à lui, l'aida pour défaire les cordes et hisser les voiles. Plus de dix minutes passèrent et Savana se refusait de marquer son visage d'une expression mortifiée. Arik tenait la barre du voilier sous des pluies torrentielles et faisait fasse aux bourrasques de vent. Le bateau tanguait. John avait eu pour ordre de rester avec eux. Savana n'avait qu'une envie.

Aller le rejoindre pour être sûre qu'il allait bien.

Une heure passa sans qu'elle ne sache s'il allait bien. Elle ne sentait plus son cœur battre. Elle luttait contre un torrent de larmes. Elle résistait aux tremblements qui parcouraient son corps. C'est seulement en voyant le soleil brillait de nouveau qu'elle retrouva l'espoir de le voir apparaître. Il émergea dans l'ombre de la cabine complément trempé, ruisselant de gouttes de pluie. Son regard coula vers elle.

- Nous sommes arrivés, annonça-t-il tout simplement en faisant gonfler son torse d'une respiration bruyante.

Beth et John poussèrent un souffle de soulagement en serrant la jeune Elisabeth dans leurs bras. Savana ferma les yeux, soulagée. Elle aurait voulu se réfugier au creux de son épaule mais désirait sortir d'ici au plus vite. Entre eux se mit à naître quelque chose d'inexplicable. Son regard n'était plus pénétrant mais littéralement profond. Il tendit sa main vers elle. Savana se leva pour la saisir sur l'instant. Elle était chaude.

- Merci ! S'exclama Beth en larmes ; vous nous avez sauvé la vie !

Arik eut dû mal à avaler les remerciements. Pour lui, c'était naturel et percé d'évidence. Inutile de le remercier.

- Oui merci monsieur ! Enchaîna John, sans vous nous serions morts.

Arik s'efforça de garder ses impulsions de natures diverses et dangereuses. Il détestait recevoir de tels compliments pour si peu. Cela lui rappelait ce moment où des centaines de personnes s'étaient agenouillés devant lui en le remerciant d'avoir libéré le pays des mains de son cousin.

Il grommela quelques mots qui avaient pour but de les enjoindre à cesser mais la petite fille prit le relais en lui agrippant la main. Ses grands yeux n'inspiraient plus la crainte mais la douceur d'une enfant innocente. Comment résister ?

Il avait beau chercher un moyen pour fuir les compliments il ne pouvait pas rester impossible devant cette image.

Il la souleva dans ses bras et son cœur se mit à battre rapidement. La chaleur humaine qui se dégageait d'elle était aussi pure que l'était celle de Savana. Il se figea lorsqu'il croisa cette image dans le miroir. Savana se tenait près de lui en souriant tendrement. Cette image parfaite n'était pas pour lui. Il ne l'aurait jamais. Une douleur lui brûla la gorge.

- Allons-y, dit-il précipitamment en redonnant la petite à ses parents.

Une fois à quai, comme convenu, Diego attendait avec la berline noire.

- Emmène cette famille chercher leurs affaires et conduis-les à l'hôtel, ordonna-t-il à son chauffeur ; le reste de votre séjour sera à mes frais, reprit-il en direction de John qui avait les yeux écarquillés ; plus d'imprudence compris ?

Pour sceller sa demande il serra la main de l'homme en se montrant ferme.

Il pinça gentiment le bout du nez de la petite fille et s'écarta de la voiture pour la regarder s'éloigner.

- Ce que tu as fait aujourd'hui c'était...

- ...normal ? Coupa-t-il rapidement.

- Héroïque, rectifia Savana en peinant à comprendre son refus catégorique à accepter les compliments.

Pourquoi persistait-il à se voir comme un monstre ?

- Ce n'était rien, marmonna-t-il en se grattant l'arrière de la tête.

Il soupira en fermant brièvement les yeux et attrapa son poignet pour l'attirer à lui.

- Je ne suis pas un héro bella mia, déclara l'homme en posant un baiser sur son front.

- Pourquoi fuis-tu ce que tu es ? Osa-t-elle demander en levant la tête vers lui.

Il tiqua, visiblement embarrassé par la question.

- C'est évident non...répondit-il d'une voix dangereusement calme sans jamais la regarder dans les yeux.

- Tu te trompes Arik, insista-t-elle doucement : peu d'hommes auraient eu ton courage aujourd'hui et même bien avant.

Il prit son visage entre ses mains, les lèvres retroussées comme s'il cherchait à contenir une colère rugissante.

- J'ai fait des choses horribles Savana, je refuse d'être qualifié de héro, articula-t-il d'une voix ferme et inflexible.

Malgré qu'elle tremblait du menton, Savana ne s'avouait pas vaincue et retira ses mains de son visage.

- Tes ennemis s'apprêtaient à faire pire Arik, rétorqua-t-elle en redressant les épaules ; tu t'es battu pour sauver des innocents pas pour les tuer.

Elle se détourna de lui et ferma les yeux en priant pour qu'il ne se mette pas en colère.

- Ne te retourne plus jamais quand tu me confrontes, déclara l'homme simplement en posant ses mains sur ses épaules.

- Je n'essaye pas de te confronter Arik, j'essaye de comprendre pourquoi tu te rebute chaque fois que...

- Allons, coupa-t-il en l'obligeant à se retourner ; je peine à accepter mes crimes de guerre, cela ne te concerne en rien, je refuse que cela t'affecte, répliqua-t-il sur un ton protecteur.

Savana décida de conclure cette petite dispute en hochant de la tête, fermement décidée à ne pas laisser cette affaire ainsi. Elle finirait bien par lui montrer qu'il n'était pas un monstre.

Il captura ses lèvres furtivement en prenant son menton entre ses doigts fermes.

- Regarde-moi habibti.

Elle plongea son regard dans le sien.

- N'essaye pas de sauver mon âme Savana, je n'en vaut pas la peine.

Son ton résolu lui brisa le cœur. Ce qui renforcé sa détermination à la sauver coûte que coûte...

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