Elle lui tendit son assiette en ignorant son regard incrédule. Peut-être qu'il n'avait pas l'habitude de servir, pensa-t-elle en attendant patiemment qu'il la serve. Le but était de s'éviter de compter devant lui au risque qu'il la prenne pour une folle.

- Merci infiniment, dit-elle quand il eut fini de la servir.

Lorsque ses yeux tombèrent sur son assiette, Savana sentit son cœur s'emballer. La portion qu'il venait de lui servir était généreuse.

- Bonne appétit mademoiselle Hood.

Savana quitta sa torpeur et esquissa un léger sourire aimable.

- Bonne appétit votre altesse.

Au moment d'entamer son repas elle fut tenter de lui révéler sa véritable identité...espérant trouver derrière cette apparence d'homme impitoyable quelqu'un de bon. Elle se ravisa en regardant ses cicatrices.

- Que faites-vous dans la vie ? Lui demanda-t-il pour briser le silence.

Savana aurait bien voulu lui mentir en s'inventant une vie parfaite mais à quoi cela lui aurait servi ?

- Rien, murmura-t-elle tristement.

- Rien ? Répéta-t-il étonné par sa réponse : Vous ne faites pas d'étude ?

Elle retint un rire étouffé.

- J'ai arrêté mes études et non je n'ai pas envie d'en parler, dit-elle en reposant sa fourchette : Et vous ? Que faites-vous dans la vie ?

Il reposa sa fourchette à son tour et se carra contre le dossier de sa chaise.

- Je contrôle tout un pays.

- Oh...Ça ne doit pas être facile tous les jours.

Amusé par sa réponse Arik sourit et se frotta le menton. C'était la première fois qu'on lui répondait avec une telle simplicité.

- C'est compliqué mais il y a des bons côtés à cette responsabilité unique.

Arik se redressa lentement quand enfin ses yeux s'agrandirent d'intérêt.

- Comme quoi ? Demanda-t-elle en avalant une minuscule bouchée de pomme de terre.

Arik l'observa manger son morceau et demeura silencieux le temps qu'elle l'avale. Bonté divine ! Qu'avait-elle ? Était-elle malade ?

- Il y a un magnifique paysage, l'océan, des monuments à visiter, un vaste désert.

- Quelle chance ! Vous devez être dépaysé ici avec toute cette neige.

- Je m'y fait, c'est agréable.

- Et donc vous êtes ici uniquement pour Savana ou pour profiter de New-York ? Questionna-t-elle en plissant son front.

- Les deux, avoua-t-il d'une voix sombre.

- Pourquoi ne pas tout simplement aller voir son ex-mari ?

Arik se retint de rire. Car il l'avait déjà fait. Et c'est ce dernier en personne dans sa tenue orange qui lui avait recommandé d'aller voir son ex-femme.

- C'est déjà fait.

Savana fut saisi d'un tremblement si visible qu'il se redressa vivement.

- Tout va bien ? Vous êtes sûre que vous allez bien ?

Elle posa ses mains sur ses genoux pour les serrer.

- O...ui je suis juste un peu fatiguée, répondit-elle d'une voix tremblante : Et donc vous disiez avoir été le voir en prison ?

- C'était bref et concis, il s'est montré désagréable et très curieux de savoir qu'est devenu sa femme, je n'ai pas eu les réponses que j'attendais.

La seule chose qu'avait retenue Savana était que Max avait tenté de savoir ce qu'elle devenait. Voir plus. Elle se retint de hoqueter en portant la naissance de ses doigts sur sa tempe.

- Je trouve ça malhonnête de sa part, parvint-elle à dire en cherchant à maîtriser l'angoisse qui lui montait à la gorge.

- Et si nous parlions d'autre chose, proposa-t-il de sa voix grave : Vous n'êtes pas concernée par cette histoire.

C'est ce qu'il croyait...

Arik la trouvait trop émotive. Une qualité qu'il ne connaissait pas et qu'aucune femme ne lui avait montré à ce jour. Pourtant, il s'efforçait de ne pas se montrer inhumain. Les mois de guerre qu'il avait subi sans jamais se départir de sa détermination avait fini par payer. Arik était conscient des traces qu'elle avait laissée sur son visage et dans son esprit. En passant cette porte, il avait immédiatement pris conscience qu'il n'avait pas en face de lui une femme espérant conquérir la couronne mais une jeune femme dont la beauté était pour lui encore un mystère. Alors Arik avait rangé cette expression inhumaine de son visage pour ne pas l'effrayer en vain...

Elle tremblait comme une feuille.

- Vous n'avez plus faim ?

Elle secoua de la tête négativement les traits percés d'une vive et incontrôlable angoisse.

- Si vous êtes épuisée nous devrions monter, suggéra Arik en se levant impérieusement, peinant difficilement à cacher sa frustration de la voir si effrayée.

Elle ne protesta pas au contraire. Elle vida les assiettes dans le récipient et les mit dans l'évier.

- Je vais vous montrer votre chambre, annonça-t-elle en grimpant les marches en se tenant à la rambarde.

Arik évita les bassines sans même les regarder, trop occupé à observer la démarche de la jeune américaine qui crispait ses doigts sur sa hanche.

- Et voilà, j'espère qu'elle vous conviendra.

Arik baissa la tête pour pénétrer dans la modeste chambre.

- C'est parfait mademoiselle Hood.

Elle lui offrit un sourire un peu plus étiré et se dirigea vers le radiateur.

- Il fonctionne, dit-elle en revenant vers lui après l'avoir touché : Il y a des affaires dans l'armoire si vous souhaitez vous changer, ainsi que des couvertures.

Arik demeura interdit tandis qu'elle se dirigeait vers la sortie en boitant.

- Bonne nuit votre altesse.

- Bonne nuit mademoiselle Hood.

Elle referma la porte. Arik soupira bruyamment et sortit son téléphone de sa poche intérieure pour envoyer un message à Hamid. Il voulait percer le mystère de cette inconnue et pour cela il lui fallait un dossier complet sur elle. Pour se faire, il ordonna à son conseiller de trouver des informations sur Amélia. Bon sang ! Mais que lui arrivait-il ? Après tout il ne connaissait pas cette jeune femme et elle n'avait pas la moindre envie de le connaître davantage. Pourtant, Arik persistait à vouloir en découvrir plus sur cette inconnue. Jeune certes, mais terriblement troublante. Il se mit à tourner en rond dans la chambre au parquet abîmé, désespéré par l'état des lieux. Au moment de se coucher Arik entendit dans bruits qui venaient du rez-de-chaussée. Son instinct lui souffla alors d'aller voir. En sortant dans le couloir il trouva la lumière d'une chambre voisine allumée, sauf qu'elle était vide. Arik ne s'attarda pas sur le décor de la chambre et descendit quelques marches avant de s'arrêter. À l'entrée, Amélia s'affairait à fermer la porte d'entrée. Rien de bien alertant songea-t-il avant qu'elle condamne la porte avec la console en la bloquant à l'aide d'une planche en bois. Arik plissa des yeux interloqué par son comportement. Avait-elle peur que quelqu'un pénètre dans le cottage ? Agacé de ne pas savoir il remonta discrètement lorsqu'elle éteignit la lumière pour remonter. Savana ferma sa porte de chambre à double tour. La soirée était enfin terminée. Elle poussa un soupir de soulagement et porta sa main sur sa gorge comme si elle ne parvenait plus à respirer. Comment allait-elle se sortir de là sans devoir alerter son frère ? Une chose était certaine : Le cheikh partirait demain ce qui lui laissait un peu de temps pour trouver une solution. Elle se brossa les cheveux d'une main tremblante en repensant à ce qu'il lui avait révélé. Max était en prison. Seulement, cela ne l'empêchait pas de penser à elle. Ses yeux s'embuèrent de larmes. Elle éclata en sanglot tout en se glissant dans son lit complètement terrifiée. Comme s'il allait surgir de nulle part pour lui refaire du mal.

Elle ferma les yeux sans éteindre sa lampe de chevet et serra son oreiller pour échapper aux tremblements incessants....qui la dévoraient intérieurement.