Chapitre 28
Au petit-matin, Arik ouvrit ses paupières à la première lueur de l'aube. Cette nuit avait été particulière pour lui. Résolu à repousser ce désir qui le consumait, il avait veillé Savana une bonne partie de la nuit. Aucune douleur ne s'était manifestée. Seulement quelques cauchemars qui l'avaient fait suer. Ce matin, la jeune femme avait comblé le large espace qui les séparait, une main se baladant sur son torse, et ses cheveux cachait son visage en cœur. Arik n'osa bouger, essayant de chasser les pensées importunes qui lui brouillaient les sens. Mais elle bougea de nouveau, pour se renverser à plat ventre. Il aurait pu rire de la voir aussi détendue et à son aise s'il n'était pas en proie à la folie de vouloir la remonter sur son torse pour la prendre dans ses bras. Il se leva doucement, tentant d'ignorer ses courbes sensuelles étendues dans son lit. Un lit qui venait d'accueillir une femme pour la première fois en huit ans d'existence. Il se souvenait encore de l'avoir lui-même dessiné après ses études d'architecture.
Il avait fait en sorte que ce lit paraisse monstrueux et à l'image qu'il représentait. Et voilà qu'une femme aussi belle qu'un ange y dormait paisiblement. Sans qu'il puisse ne serait-ce qu'effleurer son visage.
Pour refluer les émotions qui se bousculaient en lui, Arik prit une douche glacée. Après s'être préparé, il laissa un mot à la jeune femme près de son oreiller puis quitta ses appartements pour se rendre à la réunion qu'il avait lui-même organisé la veille. Une fois plongé dans son travail, Arik était presque sûr qu'il ne penserait plus à la jeune femme. De moins il l'espérait.
Savana s'était réveillée avec une douleur au cœur de ne pas trouver le puissant cheikh à ses côtés. Heureusement, un mot glissé sur l'oreiller avait suffi pour endiguer cette douleur. Elle avait tellement bien dormi qu'elle ignorait si elle avait eu mal aux jambes.
Plus tard dans la journée elle s'était encore surprise à rêver. Le Dr West et son frère l'avaient appelé pour s'assurer qu'elle allait bien. Savana ne s'était pas penchée sur les détails mais avait tout de même admit au Dr West se sentir en paix.
Un rire sonore l'arracha à ses pensées. Savana referma le livre et alla jusqu'à la porte du salon principal. Savana reconnut immédiatement les deux jeunes filles qui lui avait présenté Azima.
- Bonjour ? S'exclama-t-elle d'une voix chaleureuse ; Pourquoi vous, vous cachez ?
Elles bredouillèrent quelques mots en rougissant.
- Vous faites aussi de la lecture, fit remarquer Mina.
- Oui, et vous ? Que lisez-vous en se moment ?
Zafina ouvrit de grands yeux étincelants.
- Jane Austen !
- Mon livre préféré, murmura Savana d'une voix voilée par la tristesse d'avoir oublié de l'emmener.
Même si le faon l'avait légèrement abîmé, Savana ne s'en séparait jamais.
- Vous avez des cheveux si magnifique, commenta Mina en lui prenant une mèche pour l'admirer de plus près. Zafina en prit une elle aussi. Savana sourit doucement devant leur admiration. Enfin, elles se mirent à courir en gloussant. Elle battit des cils en les suivant du regard. Elle comprit mieux pourquoi elles s'étaient enfuies. Une dizaine de conseillers sortaient d'une pièce adjacente ainsi que le cheikh.
Il était habillé de noir. Et une fois de plus Savana se prit à l'admirer en se cachant derrière le mur. Une bouffée de chaleur envahit ses joues lorsqu'il l'aperçut. Un sourire rehaussa ses lèvres. Alors avec nonchalance il s'avança vers elle. Rouge de confusion elle quitta sa cachette pour le confronter.
- Eh bien, que faites-vous mademoiselle Slovovitsh ?
- Je lis, dit-elle en brandissant son livre.
- Derrière un mur ?
Son regard amusé lui fit l'effet d'une vague de frisson parcourant son corps lentement.
- Quel livre avez-vous choisi ? Demanda Arik pour mettre fin à son embarras.
Car il l'avait bien surpris en train de le l'observer. Alors il se rappela les conseils de son ami. Il fallait qu'il la laisse venir d'elle-même.
- Un livre sur la production de champagne, dit-elle avec une grimace.
Arik arqua un sourcil.
- C'est tout ce que vous avez trouvé ? S'étonna-t-il en lui prenant le livre des mains.
- Je l'ai pris au hasard.
Il le referma après l'avoir commenté d'un regard.
- Et si nous allions voir Zafir ? Proposa-t-il.
Savana ouvrit les yeux en grand et aurait presque pu sauter de joie.
- Oui ! J'ai tellement hâte de la revoir.
Devant tant de joie, Arik l'invita à le suivre. La réunion ne l'avait guère apaisé alors autant affronter son désir pour elle que d'essayer de le contrer.
- Vous avez bien dormi ?
- Fabuleusement bien ! S'exclama Savana tout en le suivant sur le terrain sablé ; Je ne me souviens même pas de m'avoir réveillée.
- Parce que ce n'est pas le cas.
Arik préférait ne pas lui dire la vérité, désirant la préserver de ses peurs. Zafir les accueillit en se cabrant. Peu habitué à recevoir des ordres, Arik rongea son frein et se baissa jusqu'à être agenouillé près de son cheval. Celui-ci était craintif à la moindre approche. Alors sous les conseils de la belle jeune femme, Arik attendit patiemment que Zafir vienne à lui de lui-même. Cette scène lui rappelait fortement sa situation avec Savana. Zafir s'approcha enfin au bout de trente minutes à ne pas bouger. Stupéfait par l'efficacité de sa patience, Arik se leva lentement quand son étalon se mit à renifler sa main puis son épaule.
- Il vous aime, murmura la jeune femme avec émotions ; Il fallait juste lui laisser le temps.
Arik cajola son cheval comme si c'était la première fois.
- J'ai fait appel à tellement de spécialistes pour arriver à ce simple geste, murmura-t-il en faisant glisser sa main sur sa cicatrice.
Il croisa le regard de la jeune femme qui se trouvait de l'autre côté du cheval. Elle caressait Zafir avec tellement de délicatesse qu'il cessa les siens pour la rejoindre. Le corset de sa robe mettait en valeur sa poitrine crémeuse. Elle se soulevait à ses respirations brusques et peut-être troublées par sa présence. Il ressentait le besoin viscéral de la protéger. D'ailleurs il se demandait chaque jour ce qui le retenait de tuer son ex-mari. Pourtant, il avait de nombreuses cartes en mains pour le terminer définitivement.
Elle se retourna, piégée entre lui et le cheval. Elle était si vulnérable qu'il en eut un pincement au cœur. Zafir s'éloigna, la laissant libre de ses mouvements. Libre de pouvoir se reculer mais elle n'en fit rien. Elle se contentait de balancer son corps de gauche à droite la tête rejetée en arrière. Si son père était encore là, il lui aurait ordonné de l'embrasser en lui intimant de prier qu'elle ne s'en aille pas comme sa mère. Il lui aurait probablement ricané au nez. Il lui aurait sûrement dit qu'une femme d'un si jeune âge ne pourrait que l'abandonner...il lui aurait donné l'exemple de sa mère mûrement adulte et que ça ne l'avait pas empêché de le quitter. Puis il se serait sans doute radoucit, en découvrant la jeune femme, si innocente et d'une tendresse inouï. Il aurait probablement bougonné en apprenant qu'elle adorait la lecture puis enfin...il se serait réprimandé lui-même en apprenant son histoire. S'il pouvait encore entendre la voix de son père, Arik l'aurait entendu lui implorer de briser la malédiction qui pesait sur leur famille depuis trois générations. Les quatre épouses de son grand-père avaient toutes eu un destin tragique...du moins...son grand-père les avaient vu périr. L'une avait pris la fuite avec son propre cousin. Très vite répudiée après l'inceste inacceptable, celle-ci n'était plus jamais revenu sur les terre. La deuxième l'avait trahi à deux reprises pour un homme qui avait fini par la tuer. La troisième issue d'une riche famille, fière de sa perfidie n'avait pas supporté sa possessivité de la vouloir à ses côtés chaque jour. Puis il avait eu sa grand-mère. Si elle avait réussi à donner naissance, celle-ci s'était vu répugner de devoir jouir du plaisir d'être mère. Il l'avait répudiée aussi. Arik ferma les yeux à se souvenir désespérant pour lui. Son grand-père avait fini par trouver un peu d'amour dans les bras d'une servante mais la mort avait fini par l'emporter. Voilà pourquoi son père avait renoncé au femme après la fuite de sa mère. Et voilà pourquoi il se tenait loin des femmes lui aussi...craignant qu'elles aspirent à les mêmes désirs qu'avaient eues ses femmes.
Le pouvoir.
La malédiction finissait par devenir omniprésente dans son esprit, craignant de subir le même sort. Fallait-il qu'il regarde la vérité en face ?
Jamais il ne verrait l'avenir dont il rêvait se dessiner. Et garder Savana auprès de lui, confirmé cette réalité. Elle avait trop peur de lui et il devait prendre ça comme un signe évident qu'il serait le prochain sur la liste.
Mâchoires serrées, il s'écarta d'elle pour refluer son désir. Elle sursauta légèrement accompagné d'un battement de cils qui lui fit perdre la raison.
- Je dois partir en ville, annonça-t-il brusquement.
- Oh...est-ce que je peux venir avec vous ?
Le souffle erratique, l'esprit entre deux eaux, Arik darda sur elle un long regard intense puis déglutit péniblement. Sa gorge le brûlait. Mais comment lui résister ?
- Bien-sûr, parvint-il à dire en contrôlant les sons de sa voix.
Elle lui sourit timidement puis ils remontèrent l'allée en silence. Une fois dans la chambre, elle s'arrêta devant lui.
- Est-ce que je suis présentable ? S'informa-t-elle en faisant un tour complet sur elle-même.
Une bouffée de désir l'empêcha de répondre tout de suite. Elle était bien plus que présentable avec cette taille de guêpe. Son pays avait pour réputation d'être tolérant et ouvert d'esprit. Ainsi elle était parfaite pour se balader en ville. Alors pourquoi se sentait-il irrité de la voir aussi désirable ?
- Une petite seconde.
Arik traversa la pièce et revint avec keffieh qu'il drapa sur ses épaules en prenant soin de dissimuler sa belle poitrine.
- Maintenant vous êtes présentable.
Posant la naissance de ses doigts sur le tissu un peu rêche, la jeune femme resta muette. Le trajet jusqu'à la grande ville se fit dans le silence. La tête penchée vers la vitre teintée, elle regardait le paysage défilé tandis que lui, la possédait littéralement du regard. Avec humeur, il serra les dents.
- Restez bien à côté de moi, exigea-t-il en ouvrant la portière.
Arik quitta le véhicule et observa les gens massés sur le trottoir. Les règles étaient très claires. Pas de mouvement de foule ni applaudissements. Arik avait veillé à ce que la population ne tombe pas dans l'hystérie chaque fois qu'il faisait une apparition. Il acceptait seulement que l'on s'incline. Mais quand un s'inclinait, il était toute de suite imité par des centaines d'autres. Arik sentit, contre toute attente, la main douce de la jeune femme cherchait sa main. L'autre s'enroula sur son avant-bras. Arik n'eut que le temps de pivoter sa tête que déjà un photographe capturait la scène.
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