Chapitre 24
Achevant les cheminements de ses pensées, Savana arriva au bout de sa conclusion. Le cheikh avait raison. Elle ne pouvait indéfiniment rejetée son aide. Surtout venant d'un homme tel que lui. Intègre, honnêteté et déterminé à lui offrir la possibilité de regarder plus loin. Mais était-elle prête pour autant à partager ses apparemment ? Son lit ?
- Vous avez toute la journée pour prendre votre décision, rien ne presse, lui avait-il dit dans l'après-midi.
Elle n'avait pas pu revoir Zafir à cause de ses maudites jambes. Un frisson naquit dans sa nuque quand elle prit la décision de rester, non sans appréhender la suite. La large main du cheikh rependue sur sa cuisse la nuit dernière avait suffi à la rendre folle. Complément folle de vouloir qu'il recommence. Elle secoua de la tête pour s'adjurer au calme et surtout...elle devait recouvrir la raison. Nerveusement, elle plia ses affaires pour les remettre dans sa valise. Elle récupéra la petite boîte en carton qu'elle gardait en souvenir de son petit garçon qui n'avait jamais vu le jour. Elle s'installa au bord du lit et l'ouvrit pour s'emparer du petit lapin bleu. Des larmes lui brouillèrent la vue. En quatre ans de mariage, Savana n'avait jamais été heureuse sauf lorsqu'elle avait appris sa grossesse. Elle avait espéré que ce bébé change Max. Hélas, son comportement s'était dégradé. Savana se réveillait chaque matin en espérant arriver au soir sans recevoir un coup. Elle profitait qu'il soit au travail pour se reposer sans jamais oublier de ranger chaque chose à sa place, de faire le dîner, de plier ses chemises avec minutie. Mais quand il rentrait, Savana n'échappait pas à ses colères. Trois mois, elle avait réussi à protéger son bébé pendant trois mois. Elle se souviendrait à jamais de ce jour, gravé dans sa mémoire. Elle avait pu jouir d'un jour à l'hôpital, seule, après qu'elle ait dû prétexter une chute dans les escaliers. Le jour suivant, il lui avait reproché d'avoir perdu l'enfant. Un mois plus tard, Savana avait résisté tant bien que mal pour qu'il ne la touche plus. Dans le lit conjugal, Savana avait subi un véritable supplice, espérant chaque soir que l'alcool soit plus fort que ses pulsions sexuelles. Se sentant comme un objet à ses yeux, elle s'était toujours appliqué à faire semblant. Puis un jour, elle avait choisi d'être battue plutôt que de subir ses cruelles caresses sur son corps couvert de bleus. Quelques somnifères écrasés dans son verre de bourbon suffisaient à le mettre en état de somnolence. Alors seulement là, Savana s'était sentie à l'abri de ses colères incessantes. Et chaque soir jusqu'au dernier, elle avait réussi à le tromper, avant qu'il ne s'en rende compte.
Essuyant son visage d'un revers de la main elle referma la boîte, décida d'abandonner sa béquille et quitta sa chambre. Au pas, elle y trouva Azima le regard triste et désemparé. Qu'avait-elle ?
- Tout va bien Azima ?
Dépité, elle fixait sa valise posée sur son lit puis lui étira un mince sourire.
- Tout va bien, affirma-t-elle en posant un thé chaud sur la console en marbre.
- Puis-je savoir où se trouve sa majesté ?
- Dans son bureau au fond du couloir.
Azima pointa deux grandes portes et pivota les talons en murmurant dans sa langue. Incrédule, Savana était sous le choc de découvrir que le cheikh était à quelques mètres de sa chambre depuis le début. Serrant la boîte contre son ventre, elle se dirigea vers les portes et fut surprise de s'apercevoir que sur la droite, le couloir s'allongeait encore de quelques mètres, sombre et silencieux. Deux autres portes achevaient l'aile droite. Savana ne perdit pas de temps à réfléchir et entra dans le bureau. À l'image de son maître, l'endroit était à la fois sombre et énigmatique. Prudemment elle s'avança dans la pièce qui ressemblait fortement à une bibliothèque équipée d'un petit salon où régnait la paix. L'endroit était obscure et c'est en avançant un peu plus qu'elle retrouva le cheikh assis sur son fauteuil, d'une posture imposante et majestueuse. Occupé à pianoter sur son ordinateur, il ne s'était pas rendu compte de sa présence. Alors elle se racla la gorge pour la signaler. Immédiatement il arrima son regard au sien. La surprise marqua ses traits. Seulement après avoir récupérer son souffle, Savana monta les marches sans jamais le regarder dans les yeux sous peine de se perdre dans son regard. Elle posa la boîte sur son bureau, décidée à se confier.
- Qu'est-ce que c'est, s'informa-t-il en ramenant la boîte devant lui.
- Vous y trouverez quelques souvenirs que j'ai gardé de mon bébé.
Il releva brusquement la tête pour la dévisager.
- Savana, murmura-t-il en s'apprêtant à se lever.
- Je l'ai perdu au troisième mois, continua-t-elle en mettant ses mains dans le dos ; C'était un petit garçon, et j'aurai beau pleurer sa mort je sais qu'il n'aurait pas survécu de toute manière, murmura Savana d'une voix à peine audible.
Elle marqua une pause pour ravaler la boule qui se formait dans sa gorge.
- Max a dit que j'étais la seule responsable, reprit-elle accompagné d'un rire amer ; Il a prit soin de mentir à l'hôpital en racontant que j'avais chuté dans les escaliers. Vous savez ce qui est le plus triste ?
Elle essuya sa joue furtivement sans jamais trouver la force de le regarder dans les yeux.
- Tout le monde l'a crû, dit-elle en étouffant un sanglot.
Il se leva sans jamais s'approcher. Seulement après quelques secondes, à fixer le sol, Savana releva les yeux pour le regarder. Son visage était durci par le récit de son histoire mais rien ne semblait lui évoquer de la pitié.
- Partager son lit a été pour moi la pire des douleurs, avoua-t-elle en essuyant son visage ; Il a jeté mes pilules puis je suis tombée de nouveau enceinte.
Cette fois-ci ses sourcils se froncèrent, il fit le tour de son bureau sans jamais prononcer un mot.
- Je ne l'ai dit à personne pas même à mon frère, continua-t-elle d'une voix pénible, hantée par le souvenir de cette seconde grossesse. Je n'ai pas cherché à le protéger, j'ai juste attendu de le perdre...encore, quatre semaines plus tard.
Arik serra ses mâchoires jusqu'à en avoir mal. Le destin de la jeune femme n'était qu'une série de drames et maintenant qu'il savait, Arik aurait voulu rester dans l'ignorance. Son cœur se serra. Les larmes qui roulaient sur ses joues ne seraient pas les dernières, songea-t-il en serrant le poing. Ses lèvres tremblaient comme pour repousser un sanglot. Puis elle s'entoura de ses bras et désigna la boîte du menton.
- Maintenant vous savez tout.
- Je ne m'en réjouis pas Savana, murmura Arik en jetant un bref coup d'œil à la boîte.
- Je préfère, c'est mieux ainsi.
Comme pour résister à quelques frissons, elle se frotta doucement les épaules.
Venait-elle mettre une fin à son séjour ici ? Azima lui avait rapporté l'avoir vu rassembler ses affaires dans sa valise. Arik avait assimilé cette information avec colère et frustration avant de se résoudre à l'évidence ;
Il n'aurait pas cette femme. Et il avait beau la désirer au point de plus pouvoir dormir, il devait la laisser partir. L'oublier. Passer à autre chose. Retourner à sa vie de souverain...
Mais dès qu'elle avait passé les portes de son bureau, les sentiments qu'elle éveillait en lui et qu'il avait tenté de bannir, volèrent en éclat. Pourtant il n'avait pas le choix. Savana était beaucoup trop affecté pour se laisser guider par qui que ce soit et encore moins par un homme balafré au passé sombre qu'il venait à peine d'effacer de sa mémoire. Arik passait sa vie à se targuer d'être impitoyable, d'être voué à devenir comme son père. Froid et seul. Alors pourquoi était-ce si difficile de la laisser partir ?
- Azima m'a prévenue que vous préparez vos bagages, dit-il enfin d'une voix tendue ; Je vais appeler mon jet, à quelle heure voulez-vous quitter Dahazar ?
Il décrocha le combiné pour avertir son pilote de l'heure exacte du départ. Arik écarta le combiné dans l'attente d'une réponse qui n'arrivait pas.
Ses joues zébrées pas les traces de son chagrin rendaient son teint encore plus pâle. Elle le dévisagea en clignant des yeux puis secoua de la tête.
- Je ne pars pas, Azima a mal interprété ce qu'elle a vu, dit-elle enfin, créant dans son intérieur, une infime lueur d'espoir.
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