Chapitre 22




  - Vous allez lui faire peur, ne criez pas, murmura-t-elle en avançant complément jusqu'à lui.

- Oh mon dieu, je vais me faire tuer si il vous tues ! Revenez vers moi maintenant !

Savana aurait dû obéir, elle aurait dû imaginer Max la battant pour se pousser à sortir delà mais ce cheval lui faisait tant de peine qu'elle s'avança encore. La poussière sur son poil devait certainement le gêner.

- Il a besoin d'un bon lavage.

- Je vous ai dit qu'il était dangereux, répéta Saoud d'une voix sourde.

- Il souffre et il doit très certainement ressentir nos émotions, vous lui faites peur !

L'homme se mit à parler en arabe tête entre ses mains. Savana reporta son attention sur l'animal qui s'était calmé et s'arrêta à un mètre de lui.

- Tu n'as pas l'air très en forme, murmura-t-elle au pur-sang arabe ; Moi aussi je suis blessée, tu veux bien me laisser te brosser ?

Saoud continuait à parler tout bas d'une voix inquiète mais elle n'y fit guère attention et leva sa main vers Zafir. L'étalon s'approcha d'elle doucement. Elle coupa son souffle. De près il était immense, aussi fascinant que l'était son maître. Il lui renifla sa main en frappant son sabot par terre. Savana lâcha sa béquille dans la paille et boita jusqu'à lui pour caresser sa tête. Il frémissait de peur. Avait-il perçu sa souffrance ? Savana esquissa un mince sourire en baissant sa main jusqu'à son licol pour le saisir.

Saoud avait la bouche entrouverte comme s'il assistait à un miracle.

- Oh...mon dieu c'est un miracle ! Un véritable miracle ! S'écria-t-il en quittant l'écurie les mains en l'air.

D'une main tremblante, elle caressa le flanc de l'animal puis attrapa le seau posé derrière lui.

- Il va falloir que je te mette un petit coup de jet, prévint-elle en réglant la puissance du jet afin qu'il s'habitue à sentir autre chose ces saletés sur son poil noir qu'on ne voyait presque plus.

Prudemment, elle passa le jet d'eau. Il se recula sur le côté mais la laissa continuer en tournant vers le seau presque vide.

Arik quitta la salle de sport en remettant sa chemise suivit par Yassin. S'être confié ne l'avait pas soulagé plus qu'il ne l'avait espéré.

- Je t'assure Arik, c'est mieux de...

- Votre majesté !

Les deux hommes se tournèrent en direction de la voix. Arik distingua Saoud au loin, courant dans leur direction en agitant ses mains. De loin, il lui parut affolé.

- Une attaque ? Éluda Yassin déjà son poignard en main.

- Non, dit-il fermement en l'enjoignant de suspendre son geste ; Il n'y a plus de risque et tu le sais Yassin.

Reprenant les aspects du roi qu'il était, Arik analysa l'horizon et la clairière où régnait la paix.

- Il semble dire quelque chose mais...

Arik tendit l'oreille.

- Je crois qu'il a dit étrangère, dit Yassin.

- Étrangère ! Cria de nouveau Saoud.

Arik ne perdit pas de temps à réfléchir et s'élança vers lui suivi par Yassin. Savana s'était-elle blessée ? La vision obscurcit, il parvint jusqu'à lui et agrippa ses épaules en exigeant qu'il parle.

- Ella a réussi !

- Quoi ? Qu'a-t-elle réussi ? S'enquit-il en le secouant légèrement alors que le vieil homme tentait de reprendre sa respiration.

Il pointa l'écurie du doigt.

- Votre cheval ! Elle...a réussi !

Arik le dévisagea puis leva la tête vers l'écurie. Son cœur se mit à tambouriner contre ses tempes.

- Tu l'as laissé seule avec Zafir ! S'écria-t-il en courant vers les écuries.

Saoud avait-il perdu l'esprit ? Zafir ne se laissait approcher par personne. Deux guérisseurs qu'il avait fait venir de France avaient fini aux urgences. Depuis la guerre, son étalon semblait terrorisé par l'homme quelle que soit la nature de ses intentions envers lui. Son sang lui monta à la tête lorsqu'il descendit la pente en courant, imaginant la jeune femme piétinée par Zafir.

À hauteur de la porte voûtée, Arik se stoppa quand sa voix douce parvint jusqu'à lui. Yassin s'arrêta à son tour et lui lança un regard incrédule. Arik poussa la porte et se figea. La jeune femme brossait Zafir en le flattant avec de l'orge. Elle riait et lui se laissait faire. Impossible !

- Tu vois la même chose que moi ? Chuchota son ami stupéfait.

Arik s'agenouilla en peinant y croire.

- Ce n'était pas nécessaire de faire tant d'histoire pour un petit lavage, dit-elle d'une voix rieuse.

Arik se passa une main sur le visage complètement abasourdi par ce qu'il voyait. Pailles dans les cheveux, teint rosi par la joie qui éblouissait son visage, la jeune femme n'avait jamais été aussi captivante qu'à cet instant. Zafir mangeait dans sa main sans jamais la craindre. Il ordonna alors d'être seul avec elle. Yassin lui tapota l'épaule et quitta l'écurie accompagné de Saoud. Elle le câlinait, le complimentait. Arik resta alors en retrait jusqu'à ce qu'elle sente sa présence.

Ses yeux d'hiver se posèrent enfin sur lui.

L'heure des explications avait sonné, songea Savana en se cachant le visage à l'aide de la crinière de l'étalon. Son maître se tenait agenouillé près de la porte, terriblement séduisant. Plus séduisant que ce matin. Elle exhala un soupir et décida de le confronter.

- Vous allez me réprimander ?

- J'y ai songé, avoua-t-il en se redressant de toute sa hauteur.

Une chaleur vive lui monta aux joues. Sa chemise était ouverte...son torse était si musclé et si large qu'elle sentit sa gorge se nouer. Sa peau cuivrée luisait au soleil, dévoilant des ados sculptés ainsi que des pectoraux en acier.

- Je sais, murmura-t-elle d'une voix mal assurée ; Ce n'était pas très prudent de venir ici sans votre permission.

- En effet, Zahir aurait pu vous piétiner, gronda-t-il en désignant son cheval.

- Mais il ne l'a pas fait ! Rétorqua Savana en reculant, percevant dans ses yeux sa colère.

Il s'approcha d'un pas.

- Ce que vous avez fait aujourd'hui était dangereux, dit-il d'une voix plus amène ; Mais je suis stupéfait que vous ayez réussi à l'approcher.

Timidement elle fit un pas vers lui, mains jointes contre son ventre.

- Il suffisait de le laisser venir tout seul.

- Non c'est bien plus que cela, dit-il en secouant légèrement sa tête ; C'est un miracle.

Elle posa son regard sur Zafir qui enfin pouvait jouir de sa propreté.

- Vous avez un don Savana.

Elle rougit aussitôt. Forcée de reconnaître qu'elle était bien plus fasciné par le maître que l'étalon, Savana boita jusqu'à lui en récupérant sa béquille dans la paille. Elle en avait assez fait pour aujourd'hui. Sa jambe gauche lui faisait terriblement mal à présent. Les angles dur et virils de son visage exposés par les lueurs du soleil lui donnaient une allure effrayante. En baissant les yeux pour les river au sol, elle étudia ses longues jambes solides.

- Ne recommencez plus Savana, murmura-t-il d'une voix qui ne souffrait d'aucune réplique.

Elle hocha de la tête pour toute réponse. Son pouls s'accéléra soudain. Il était si proche d'elle que son souffle erratique se posait sur elle comme une caresse. Quand elle releva les yeux, elle vit dans son regard pénétrant une vive inquiétude qui lui était destinée.

- Je suis responsable de votre sécurité, ajouta-t-il en retirant un brin de paille dans ses cheveux avec un sourire amusé.

Savana se mordit la lèvre pour s'empêcher de crier tant la douleur de sa jambe lui était insupportable. À vouloir lui montrer qu'elle n'était pas une infirme, Savana allait au-delà de ses limites.

- Ça suffit pour aujourd'hui, décréta l'homme en la soulevant dans ses bras, voyant clairement qu'elle souffrait.

Savana hoqueta et s'accrocha à son épaule solide, plissant ses doigts sur son trapèze. Assise dans ses bras, elle se risqua à dévisager son visage ensorcelant.

- Vous êtes couvert de sueur, commenta-t-elle en rougissant seulement après s'être rendue compte de ce qu'elle avait dit.

Il esquissa un sourire ravageur et la couva d'un regard protecteur.

- Mes mains sont grosses, je suis couvert de sueur, quoi d'autre ? Lança-t-il en dévisageant ses lèvres entrouvertes.

- Vous êtes très musclé, bafouilla-t-elle sans parvenir à détacher son regard de son torse dénudé.

Il rit doucement et reportant son attention sur le chemin qu'il empruntait...différent de celui qu'elle avait pris.

- Vous êtes une femme qui dit ce qu'elle pense quand elle le pense n'est-ce pas ?

- Seulement avec vous, avoua-t-elle songeuse ; J'ignore pourquoi, avec mon ex-mari je me taisais tout le temps au risque de le contrarier.

À ce triste et douloureux souvenir elle ferma les yeux puis les rouvrit.

- Vous pouvez me dire tout ce qui vous passe par la tête sans jamais me craindre, déclara-t-il sombrement.

- Pourtant je devrais vous craindre, n'est-ce pas ?

Bouche fermée, il demeura impassible puis expira par le nez.

- Seuls mes ennemis me craignent.

Savana fut déposé sur un canapé en cuir entouré de belles œuvres d'art et de tapis oriental. Il s'agenouilla près de ses jambes et les examina sans jamais soulever le tissu. Ennuyée par ses cicatrices, elle ne désirait pas qu'il les aperçoive.

- Si vous souffrez il faut me le dire Savana, je peux demander à Azima...

- J'ai mal, affreusement mal mais je ne peux que l'accepter, coupa-t-elle en le regardant droit dans les yeux.

Il acquiesça sans un mot, sachant pertinemment que sa douleur d'en parler n'avait d'égal que la douleur qui la transperçait.

- Sachez seulement que je suis là.

Savana lui sourit pour lui montrer à quel point elle était reconnaissante. Peu à peu, un lien se créait entre eux, inutile de le nier. Elle avait toujours peine à croire qu'un tel homme puisse s'intéressait à elle.

- Quand pourrais-je revoir Zafir ? Demanda-t-elle par crainte qu'il pense que sa présence lui faisait encore peur.

- Demain si vous le souhaitez, proposa-t-il une lueur mystérieuse dans les yeux.

- Je serais heureuse de le revoir.

- Et moi heureux de pouvoir comprendre comment vous avez fait, dit-il d'une voix grave ; Il me tarde de connaître vos secrets mademoiselle Slovovitsh.

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