Chapitre 21



Plus tard dans la matinée, Arik fixait depuis près de cinq minutes le tapis de sol sans savoir si un jour il viendrait à bout de cette colère rugissante en lui...douloureuse et d'un besoin vital pour avancer dans cette vie si terne et dénuée de sens. Du moins à ses yeux. En se comportant ainsi avec la jeune femme Arik avait quasiment ruiné toutes ses chances d'avoir son entière confiance.

Il avait bien vu dans ses yeux bleus à quel point elle était perdue. En vain, Arik avait beau se dire qu'elle était ici pour qu'il l'aide simplement, comme un inconnu versant un don pour une association, Arik était forcé de reconnaître qu'elle était ici pour des raisons qui faisaient de lui un monstre d'égoïsme. Il en devenait presque malade. Elle lui faisait l'effet d'une drogue. À la seule pensée qu'elle puisse être là quelque part dans le palais cheveux détachés, boitant timidement, avisant chaque détail avec minutie suffit à renforcer le désir qui le consumait d'heure en heure.

Arik fut envoyé au tapis si brusquement que son corps s'écroula lourdement à terre. Il secoua sa tête pour rassembler ses esprits en transperçant Yassin du regard.

- Tu me sembles ailleurs, nota Yassin avec un sourire moqueur, prenant une position de défense.

Arik se releva, frappa ses gants et envoya deux coups précis à son ami.

Allant d'une jambe à l'autre Arik encercla Yassin et lui décrocha un uppercut.

- Je ne suis pas ailleurs, articula-t-il dents serrées.

Yassin passa son avant-bras sur sa mâchoire et secoua de la tête pour se remettre dans le combat.

- Vraiment ? Pourtant j'ai la nette impression que tu es tout sauf ici.

Devant son insistance Arik sentit la colère bouillonner dans ses veines. Et face au sourire en coin qu'abordait son adversaire Arik lui décrocha deux coups si précis et sévères qu'il tomba à terre après avoir rebondi sur les cordes du ring.

Hamid s'approcha de quelques pas, le visage blême. Sonné, Yassin avait peine à se relever.

- Assez de questions pour aujourd'hui, grogna Arik en lui tournant le dos.

Ce mouvement volontaire lui suffit pour aviser l'attaque de Yassin qui arrivait de derrière.

Arik bloqua sa prise et le renversa sur le dos, avant-bras bloqué contre sa gorge.

- Stop ok ! Abdiqua Yassin.

Satisfait, il se releva et lui tendit un bras pour l'aider à se relève.

Toujours un peu sonné, Yassin prit une serviette pour essuyer son visage.

- Tu as beau te cacher derrière ton visage tordu, je vois bien que tu es songeur, insista son ami.

- Pourquoi tu insistes ? S'agaça Arike en retirant ses gants.

- C'est à propos de l'étrangère que tu as ramené ici à la surprise générale ?

Arik ne répondit pas. Cela suffit pour éveiller un peu plus la curiosité de Yassin.

- Toi, le vieux bougre balafré...avec une jeune femme au regard de biche...qui l'eut crû !

Arik le fusilla du regard, lèvres tremblantes.

- Continue comme ça et je fini ce que j'ai commencé, menaça-t-il en désignant le ring.

- J'essaye juste de comprendre, se justifia-t-il en haussant des épaules ; Inutile de nier, tu es connu pour ton froid légendaire et ta main leste pour te débarrasser des femmes.

Certes, Yassin disait vrai. Les femmes qui avaient brièvement fait partie de sa vie l'avaient ennuyé. Il en gardait un fade souvenir. Pourtant elles avaient toutes rivalisé de beauté pour le conquérir. Mais il était un souverain. Ces femmes espéraient bien plus que partager son lit. Or Savana était différente.

- Elle est différente, finit-il par répondre résolu à en dire plus ; Elle a vécu tellement d'épreuves ; Elle est naturelle sans artifices, elle s'habille différemment, elle n'a pas essayé de feindre une expression détachée lorsqu'elle a vu mon visage, elle a brandi un tisonnier et ça m'a fait énormément de bien.

Yassin hocha tristement de la tête.

- Elle n'a pas de défauts si je comprends bien.

- Comment pourrait-elle en avoir après les épreuves qu'elle a traversé hormis qu'elle était rêveuse.

Il marqua une pause pour secouer de la tête.

- C'est un véritable miracle qu'elle soit toujours en vie.

- En effet, murmura son ami en quittant le ring.

Arik ferma les yeux brièvement en repensant à la question qu'elle lui avait posée. Il n'avait pas répondu au risque d'anéantir ses chances de parvenir à la rendre heureuse. Cette envie farouche allait causer sa perte, songea-t-il en serrant ses mâchoires.

- J'ai été trop impétueux avec elle ce matin, dit-il comme s'il se parlait à lui-même ; Mon impatience m'a coûté.

- Tu n'es pas impatient Arik, seulement exigeant et parfois désireux d'obtenir ce que tu veux quand tu le veux.

- Justement, je ne peux pas me comporter de la sorte avec elle, répondit-il en enjambant les cordes ; Elle n'est pas une transaction entre deux pays ni même un contrat.

Yassin grimaça pour appuyer son dire.

- Je ne t'ai jamais vu comme ça, nota Yassin.

- Moi non plus, avoua-t-il en se massant la nuque.

- Tu devrais la laisser venir à toi, conseilla Yassin.

Arik y avait songé. Seulement le désir irrépressible de la voir était trop fort. Mais peut-être qu'en la laissant venir d'elle-même les choses seraient différentes, pensa-t-il en se frottant le menton.

- Tu as peut-être raison, conclut-il en jetant la serviette sur la chaise.

Savana se pinça les lèvres en passant sa tête dans le couloir. Il était peut-être temps de sortir, songea-t-elle en faisant un pas dans le couloir. Depuis le matin, Savana n'avait pas revu le cheikh. Bizarrement sa présence lui manquait. À l'aide de sa béquille elle quitta le couloir pour en emprunter un autre puis un troisième et trouva le chemin des escaliers. Elle grimaça en les descendant. Il y en avait tellement qu'elle avait cessé de les compter. Mais l'effort en valait la peine. Elle quitta le palais pour explorer l'extérieur et fut surprise de découvrir une splendide végétation. L'étendu du palais n'avait pas de limite, du moins c'est ce qu'elle pensait avant de faire face à d'immenses remparts. Savana continua son chemin vers les grandes bâtisses en se tenant l'arrière de la cuisse. Son kiné lui avait pourtant conseillé de marcher pour stimuler ses muscles. Or là, Savana arrivait au bout de ses forces. Un hennissement attira son attention. Curieuse et excitée d'avoir peut-être trouvé le haras, Savana s'empressa de dévaler la petite pente et poussa la porte du haras déjà subjuguée par les chevaux dans la clairière, courant au galop.

- Eh oh ? Appela-t-elle en poussant la porte en bois.

Personne.

Passant sa tête à l'extérieur, elle fit quelques pas vers la clairière mais ne vit que les chevaux. Le hennissement reprit de plus belle. Alors elle pénétra dans les étables en cherchant le cheval manquant à l'appel. Elle poussa une seconde porte voûtée et s'arrêta net. Un cheval noir complètement couvert de saleté était debout oreilles dressées.

- Restez ici ! S'exclama une voix d'homme.

Savana se recula d'un pas quand l'homme arriva à sa hauteur visiblement affolé de la voir ici.

- Qu'ai-je fait !

- Rien du tout, dit-il en mettant ses mains devant elle, ne vous approchez pas de cet étalon.

Savana prit peur mais ne bougea pas. Ce n'est pas l'étalon qui lui faisait peur mais plutôt cet homme âgé qui s'avançait vers elle.

- À qui....vous êtes ? Bégaya-t-elle.

- Saoud, je m'occupe des écuries, je suis le mari d'Azima.

Savana se détendit légèrement et baissa les yeux par terre. Visiblement sa présence ici n'était pas souhaitée. Le cheval marqua à nouveau sa présence. Elle leva la tête et s'aida de sa béquille pour lui faire face. Il avait l'air effrayé.

- Qu'a ce cheval ? Pourquoi est-il tout seul ?

- Il est au roi, Zafir n'est plus approchable depuis la guerre ; Il a été blessé et semble souffrir d'un traumatisme.

Savana fit un pas vers lui en le contemplant. Il l'observait sans bouger. Elle remarqua une cicatrice au niveau de son cou et elle se sentit devenir pâle.

- Décidément, murmura-t-elle tristement ; Le roi ne s'occupe pas de lui ?

Saoud prit un air désespéré.

- Il ne parvint pas à l'approcher comme il le voudrait, expliqua-t-il en posant ses mains sur ses hanches ; Il a fait appel à des guérisseurs mais aucun d'entre eux n'a réussi à l'approcher.

- Ne bougez pas ! Ordonna-t-il quand une sonnerie retentit, l'obligeant à s'éclipser.

Savana se pinça les lèvres et s'approcha encore un peu plus. L'étalon arabe courba sa tête et l'agita comme s'il voulait se débarrasser de quelques choses.

- Tu veux que je te lave ? Proposa-t-elle doucement en s'approchant encore alors qu'il secouait sa tête, les narines frémissantes. Il se cabra légèrement. Savana prit peur et sursauta mais ne bougea pas pour autant.

- Mademoiselle ! S'écria Saoud.

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