Chapitre 20



En dépit des épreuves qu'elle avait du traverser et des décisions qui l'avaient conduite ici, Savana se sentait comme sur un nuage. La nuit qu'elle avait passé ne pouvait s'oublier. Il était temps pour elle de retrouver le cheikh et de lui présenter des excuses. Mais ce fut lui qui vint à elle. Dans ses bottes de cavalier, chemise blanche aux manches retroussées laissant ses avant-bras cuivré apparaître, il rentra dans la chambre, s'imposant devant elle avec un regard sincère et solennel quant à ses intentions.

- Bonjour Savana.

Sa voix grave ne manqua pas de la faire défaillir. De plus, elle se trouvait encore au lit. S'adjurant au calme, elle lui sourit en remontant les draps jusqu'à sa poitrine. Ses yeux noirs devinrent obscurs, captivant comme l'étaient les étranges lueurs mordorées qui soulignaient ses balafres.

- Bonjour, parvint-t-elle à dire tandis qu'il s'approchait lentement...avec des pas lents et lourds.

- Vous avez bien dormi ? S'informa-t-il en l'obligeant à le regarder sans même qu'il lui ait demandé.

- Encore mieux qu'à votre hôtel ! S'exclama Savana en lissant les draps.

Il sourit, un sourire sans joie. Inquiète de la suite elle se redressa à l'aide de ses poings et se racla la gorge.

- Pour hier, commença-t-elle en levant son regard vers lui, je tenais à m'excuser.

- Vous n'avez aucune explication à me donner, répondit-il fermement ; Je savais qu'en venant ici, il n'y aurait pas de miracle, poursuivit-il en s'installant au bord du matelas ; Vous avez besoin de temps Savana.

Ravie qu'il puisse la comprendre sans qu'elle soit obligée de s'expliquer, Savana exhala un soupir de soulagement.

- Merci d'être aussi compréhensible, murmura-t-elle en attrapant le bout de sa tresse pour la toucher nerveusement.

Son regard devint pénétrant. Si bien que son corps se mit à réagir aussitôt.

- J'espère que vous avez faim ?

- Une faim de loup, dit-elle en étouffant un rire nerveux.

Il se leva alors et traversa la pièce baignée de lumière pour ouvrir les portes fenêtres. Sans plus d'explication il disparut. Happée, elle s'empressa de prendre sa béquille pour le suivre. Vérifiant que son kimono était bien fermé elle passa les portes en se cachant du soleil éblouissant. Même au matin, la chaleur était rude mais si agréable qu'elle n'eut aucune crainte de marcher sur la terrasse extérieure. Savana n'était pas dupe quant à sa façon de fonctionner avec elle. Il parsemait des petites énigmes par-ci par-là espérant qu'elle le suive à son rythme... qu'elle découvre son monde sans craintes. La vue était incroyable. De loin on pouvait apercevoir la mer turquoise puis une étendu de sable suivi d'une esquisse de la ville. Et puis le silence. C'était si calme qu'elle crut que le temps s'était figé.

Ses joues rosirent, frappée par la beauté du cheikh sous ce lourd soleil. Dans le froid hivernal il lui avait donné l'impression d'être un viking sorti des montagnes après avoir amarré son navire. Dans la chaleur du désert il ressemblait à un guerrier surpuissant.

Il lui tira sa chaise avant de s'installer. Son regard se perdit dans l'horizon avant de revenir se poser sur elle. Dans l'espoir qu'il ne distingue pas ses rougeurs, elle posa une main sur sa joue en prenant une attitude décontractée.

- Ne tardez pas à manger, conseilla-t-il en poussant une assiette vers elle ; Je l'ai composée moi-même.

Cette marque d'attention suffit à la faire fondre comme la neige au soleil. Alors elle se dit que plus rien ne pouvait l'interdire de manger. Ni Max ni son esprit encore sous son emprise. Savana avait même secrètement rêvé que le cheikh s'en empare. Qu'il pénètre dans son esprit pour remplacer cette voix constante qui lui interdisait de manger, de dormir ou même de parler. Elle goûta aux mets délicieux.

- Vous avez beaucoup de chance de vous réveiller chaque matin avec cette vue magnifique.

- Beaucoup en effet, affirma-t-il en lui servant un thé : Bientôt, j'espère pouvoir vous montrer la nuit étoilée.

Savana ne demandait que ça ! Elle était certaine qu'on pouvait y voir toutes sortes de constellations.

- Il me tarde de découvrir ça, quand pourrais-je la voir ?

Il éclata de rire.

Elle devint écarlate.

- Quand la nuit sera tombée, répondit-il en se caressant la barbe.

Évidemment...quelle idiote !

- Oui, sa tombe sous le sens, bafouilla-t-elle en se raclant la gorge.

Il se leva impérieusement et vint se positionner derrière elle. De là, une troublante chaleur naquit au creux de ses seins. Son cœur tambourinait fort et vite.

- Azima ne vous a pas dit qu'il fallait retirer l'huile dans vos cheveux ?

Savana papillonna des cils. Comment avait-il fait pour remarquer l'huile mystérieuse qu'avait appliqué Azima. Même elle n'en connaissait pas les vertus.

Il effleura sa tresse sans jamais faire des gestes brusques.

- J'ignore ce qu'elle m'a mis dans les cheveux.

- Un petit secret de mon pays, cette huile consiste à donner une seconde vie aux cheveux.

- Êtes-vous en train de me dire que mes cheveux sont abîmé ?

- Non, ils sont magnifique, murmura-t-il en l'invitant à se lever.

Savana se pinça les lèvres. Ses mains s'étaient légèrement pressées contre ses avant-bras. Ses mains étaient si rudes et fermes et pourtant elle n'éprouva pas l'envie de sursauter ou bien même se reculer. Elle le suivit tout simplement dans sa chambre, le ventre plein.

- Venez, nous allons arranger ça.

Momentanément, Savana marqua une pause.

- Pourquoi ? Mes cheveux risquent-ils quelque chose ?

- Ils pourraient devenir roux, dit-il d'un air contrit.

Savana poussa un cri à la hauteur de ses craintes.

- Faites quelque chose ! Je ne veux pas devenir rousse !

Arik retint un sourire et se dirigea à grand pas dans la salle de bain. Elle le suivit affolée. Bien-sûr Arik avait légèrement exagéré ses propos. Mais il désirait tant effleurer sa peau qu'il décida d'aller jusqu'au bout de cette petite calomnie.

- Allez-y ! Que dois-je faire ? Demanda-t-elle en touchant ses cheveux.

- Cessez de bouger pour commencer et laisser-moi faire.

Savana obéit à ses consignes et déglutit. Azima avait-elle perdu la tête en lui appliquant ce produit sans l'informer des risques ? Plus grand qu'elle, le reflet du cheikh dans le miroir s'arrêtait à ses larges épaules. Savana se vit rougir dans la glace quand il entreprit de défaire sa tresse. Ses gestes étaient prudents et délicats. Pour un homme ayant fait la guerre elle s'étonnait qu'il ne soit pas impatient de la défaire. De plus, elle ignorait quelle expression il arborait. Craignant qu'il puisse sentir les battements erratiques de son cœur, elle posa une main à la base de son cou pour le masser. Sa peau cuivrée si près de sa peau crémeuse donnait un contraste saisissant.

- En avant je vous prie, ordonna-t-il avec une note légère mais d'une voix toujours aussi grave.

Savana se pencha en réalisant qu'il aurait pu lui demander de l'embrasser...elle l'aurait fait tellement cet homme la fascinait.

D'une main, il ramena ses cheveux en avant dans le lavabo. Un frisson courut le long de sa colonne vertébrale lorsque ses doigts se glissaient dans ses cheveux tout en laissant l'eau faire le reste du travail.

- Vos cheveux sont si long, commenta-t-il comme s'il en était sidéré.

- Vos mains sont si grosses, rétorqua-t-elle sur un ton taquin.

Son pouce effleura sa nuque. Elle frémit et décida de le laisser la guider sans jamais sentir le besoin de mettre une distance entre eux. Il l'invita à se redresser tout en ramenant ses cheveux dans une serviette. Savana poussa un soupir de soulagement en remarquant que sa couleur de cheveux n'avait pas viré au roux.

- Je vous ai menti, laissa-t-il tomber le regard rivé sur ses cheveux.

Interloquée elle fronça des sourcils.

- Vos cheveux ne craignaient rien, expliqua-t-il en laissant tomber la serviette par terre ; j'ai trouvé ce prétexte pour vous toucher.

Savana rougit. Il avait plissé ses épais sourcils, l'air songeur. Comme s'il s'en voulait. Elle ne sut quoi dire. Cette confidence n'était pas seulement un aveu mais une preuve évidente qu'elle l'intéressait. Mais pourquoi ? Se demanda-t-elle en levant les yeux vers lui. Sa bouche était tordue. Son regard durcit par le remord. Lui aussi souffrait d'un mal intérieur. Est-ce que sa présence suffisait à panser ces plaies ? Était-ce pour cette raison qu'elle était ici ?

- Pourquoi vous faites tout cela pour moi ? Demanda-t-elle alors en s'entourant de ses bras.

Suspendue sur un fil en attendant qu'il réponde Savana eut un bref mouvement de recule lorsqu'il leva le plat de sa main pour tenter d'effleurer sa joue. Il ferma son poing comme pour se l'interdire et quitta la salle de bain sans aucune explication, sans un regard susceptible de la guider dans ses propres pensées.

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