Chapitre 18
Sidérée elle sortit de la voiture sans jamais quitter le palais des yeux. Une telle opulence ne pouvait qu'exister dans les livres, songea-t-elle en peinant à respirer. Tendue comme arbalète, ébahie par la beauté du palais Savana fut encore plus émerveillée lorsqu'il lui montra sa chambre. Une pièce unique disposant d'un dressing, d'une salle de bains adjacente, d'un salon tout confort et d'une chambre aussi grande qu'un apparemment new-yorkais. Posé sur une estrade, le lit était si immense qu'elle poussa un rire nerveux qui n'échappa pas au regard féroce du cheikh. Orné de draperies et d'un fin voile qui pouvait se fermer, le lit disposait d'un charme si hypnotique qu'elle refusait presque d'y dormir.
Mais sa joie fut de courte durée lorsqu'elle se figea sur les immenses fenêtres donnant sur un panorama à couper le souffle.
- Il n'y a pas volets ? Demanda-t-elle si rapidement qu'il comprit très vite que plus rien n'allait en elle.
L'idée de dormir sans volets lui était insoutenable. Son cœur se mit à palpiter si fort qu'elle crut mourir.
- Si, répondit l'homme en s'approchant du mur ; Ils sont automatique.
Son souffle de soulagement traversa la pièce. Il appuya sur un bouton tout en lui expliquant que la matière des volets résistait au vent, à la chaleur et même aux tempêtes de sables. Un épais mur noir tomba sur les fenêtres donnant à la pièce un côté sombre qui lui donna des frissons.
- C'est parfait, murmura-t-elle en se raclant la gorge.
Il le remonta pour redonner de l'éclat à la pièce parsemée de teintures en or et s'approcha d'elle, le visage impassible.
- Est-ce que cela vous plaît ?
- C'est comme dans un rêve, dit-elle en levant la tête vers le plafond.
L'air parut s'épaissir. Il était si proche d'elle que son souffle se posait sur son visage comme une caresse. Savana avait l'impression de flotter. Jamais un homme s'était plié en quatre pour elle, pour son confort. C'est bien cette raison qui l'avait poussée à accepter cette invitation aussi surprenante que terrifiante.
- Je vais demander à Mina de vous apporter un rafraîchissement.
- Qui est Mina ?
- Elle sera à votre service, et...
- Je ne me sens pas à l'aise à l'idée que l'on me serve, coupa-t-elle en secouant de la tête.
- Elle sera votre chaperon le temps que vous preniez vos marques, dit-il sur un ton inflexible.
Savana parvint à soutenir son regard. Il était puissant. Une chaleur indescriptible se logea au creux de ses reins. Il était absolument l'inverse de Max, il émanait de lui un danger invisible. Ses traits ciselés lui donnait un air si impérieux qu'elle était persuadé qu'au fond de lui, il se battait pour ne pas lui montrer son véritable visage. Ici, c'était le lion et elle la gazelle, conclut-elle en se pinçant les lèvres.
- Quand vais-je pouvoir monter à cheval ?
- Votre frère m'a ordonné de ne pas vous faire prendre de risques, murmura-t-il en plissant des yeux.
- Depuis quand un roi obéit aux ordres ? Rétorqua Savana en remerciant le ciel d'avoir sa béquille dont l'appui devenait presque indispensable.
Il sourit, dévoilant ses dents blanches.
- Depuis peu, répondit-il avec sa voix veloutée.
- Je suis venue pour les chevaux, dit-elle en regardant sur le côté en espérant les apercevoir.
- Moi qui pensais que vous étiez ici pour moi, dit-il en faisant mine d'être blessé.
Savana aurait pu rire si cette remarque ne lui avait jamais traversée l'esprit. Hélas, pour une raison qui lui était encore méconnue elle était venue aussi pour lui.
- Prenez un bain cela va vous détendre, suggéra-t-il avec une lueur énigmatique dans le regard.
Il se dirigea vers la porte après une longue hésitation.
- Comment je fais pour vous retrouvez dans ce labyrinthe ? Se pressa se demander Savana comme il partait rapidement.
- Je viendrais vous chercher quand dites-vous ? Proposa-t-il dans l'encadrement.
- C'est parfait merci.
Il disparut dans le couloir prenant le soins de refermer la porte. Le cœur battant elle demeura immobile au milieu de la chambre en la contemplant comme si elle peinait encore à y croire.
Arik s'empêchait de faire demi-tour en serrant les poings devant lui jusqu'à en trembler. Son désir emplissait sa raison de milles questions. Comment en était-il arrivé là ? Lui qui passait sa vie à masquer ses sentiments ? Agacé il descendit dans les étages et ressentit une pointe de soulagement d'être enfin chez lui.
- Elle vient de Russie ! S'exclama une voix féminine.
Arik s'arrêta aux portes des cuisines et surprit Mina et Zafina en train de démêler le vrai du faux concernant l'arrivée discrète de Savana.
- J'ai entendu un garde dire qu'elle s'était fait battre par son mari, lança Zafina en se penchant au-dessus de la table.
Mina écarquilla les yeux.
- Oh quelle horreur ! Tu es sûre d'avoir bien entendu.
- Certaine ! Il l'a jeté par la fenêtre.
Arik s'empêcha d'intervenir et ferma les yeux. Parler ainsi d'elle réduisait la jeune femme à un simple fait d'hiver et il ne le supportait pas. C'est pour cette raison qu'il avait gardé en secret sa fausse-couche ainsi que de nombreux autres détails.
- C'est si triste ! Mais pourquoi était-elle ici ? Sa majesté aurait-il des vues sur elle ?
- Assez papoter mesdemoiselles, intervint Azima en pénétrant de l'arrière cuisine ; La vie du roi ne nous regarde en rien, gronda-t-elle en les pointant du doigt ; Laissez cette pauvre étrangère tranquille ou je m'appliquerais à vous apprendre le respect.
Mina retint un sourire amusé. Les deux jeunes filles bravaient certaines limites et semblaient s'en moquer. Du moins...
Zafina manqua de lâcher la coupole en cuivre quand elle le vit et poussa un cri exprimant à la fois regrets et craintes. Seule Azima resta tête levée, le regard bienveillant. Cette femme avait pour habitude de toujours rester neutre et sage quant aux mots qu'elle employait lorsqu'il fallait redresser les jeunes filles venant apprendre son métier. Arik adorait cette femme et il se souviendrait à jamais lorsqu'elle s'était agenouillée à son retour de son dernier combat, essuyant son visage ensanglanté devant des milliers de gens. Alors qu'il crachait sa rage contre cette guerre achevée...laissant des traces qu'il ne pouvait réparer.
- Votre majesté, s'exclamèrent les deux jeunes filles intrépides.
- Mina, et si vous alliez monter un rafraîchissement à mon hôte ?
- Tout de suite !
Arik dodelinait sa tête alors qu'elle s'activait à lui montrer qu'elle travaillait dure et fort...du moins en apparence.
- Vos lectures avancent-elles ? Questionna-t-il à l'adresse de Zafina complètement pétrifiée par ses cicatrices.
Elle répondit d'un simple hochement de tête.
- Où en êtes-vous ? Demanda-t-il d'une voix plus douce.
Zafina avait quelques difficultés en littératures et sans cette matière, ses chances de devenir préceptrice auprès d'enfants de hautes sociétés étaient réduites. Depuis deux ans, Arik avait instauré un programme au palais aidant les jeunes filles à parfaire leur maîtrise de certaines langues et manières à adopter pour certaines filières. Des centaines de jeunes filles étaient ressorties d'ici avec un diplôme en poche. Il ne pouvait que s'en satisfaire.
- Chapitre sept votre altesse, répondit-elle en exécutant une révérence timide.
- Quel livre ?
- Jane Austen.
Un auteur qui ne lui était pas méconnu, songea-t-il en revoyant le petit faon arracher la page du livre de la jeune femme posé sur la table. Un livre qu'elle s'était empressée de reprendre au faon avec l'espoir de recoller la page.
Il se redressa en considérant Zafina les sourcils plissés. Pouvait-il conquérir la jeune Savana en lui offrant l'ouvrage qu'elle semblait tant chérir ?
- Continuez ainsi, l'encouragea-t-il enfin.
- Donne-moi ça jeune fille, dit Azima en lui faisant poser le rafraîchissement sur la table ; Allez donc vous repentir de vos sottises mesdemoiselles oust !
Les jeunes demoiselles d'étalèrent comme des lapins pris en chasse, manquant de se coincer leurs cheveux dans un loquet.
- Pardonnez-les votre majesté, ce ne sont que des enfants.
- Je sais, murmura-t-il en s'approchant d'elle.
- Si vous le permettez je préfère m'occuper moi-même de la jeune femme, proposa-t-elle.
Arik se frotta la barbe, l'air songeur.
- Mina et Zafina sont trop intrépides, elles risqueraient de poser des questions peut-être trop douloureuses et trop personnelles, ajouta cette dernière en terminant de préparer les mets.
Arik ne lui donnait pas tord. Savana avait besoin d'une personne au tempérament calme. De plus, peut-être que Azima saurait conquérir la confiance de la jeune Savana.
- Vous avez raison Azima.
Celle-ci lui sourit et s'inclina avant de disparaître de la cuisine en emportant le rafraîchissement avec elle. Arik la suivit des yeux, soucieux de connaître les pensées de la jeune femme. Se plaisait-elle ici ? Avait-il fait le bon choix en la faisant venir ici ? Allait-il la rendre encore plus malheureuse qu'elle l'était déjà ?
Accablé, Arik posa ses mains sur le plan de travail en fermant les yeux.
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