Je suis allongé sur mon lit, les bras croisés. Je n'arrive pas à m'endormir. Je ne peux pas m'empêcher de penser à ma mère... Ça fait tellement longtemps que je n'avais plus eu de nouvelles, que je n'avais plus entendu parler d'elle, et voilà qu'elle réapparaît tout d'un coup dans ma vie comme ça, sans raison... Je ne sais pas quoi en penser.

Est-ce que c'est une bonne chose, qu'elle revienne ? Peut être qu'elle m'apporte une mauvaise nouvelle... Si ça se trouve, elle revient pour m'attirer des ennuis ou pour chercher de nouveaux à s'embrouiller. En même temps, vu comment notre dernière rencontre c'était finie, ça ne serait pas étonnant. Surtout connaissant le caractère de ma mère... Elle est très sanguine et peut être très violente, quand elle veut. Et d'ailleurs, elle finit toujours par obtenir ce qu'elle veut. Sauf quand il s'agit de changer ma sexualité, bien sûr.

Je soupire, et enfonce mon oreiller sur mon visage. Ça commence à me saouler, de ne penser qu'à elle. Je n'ai qu'une seule envie : dormir, et revoir Morphé. Être avec lui me fera penser à autre chose, et ce n'est pas plus mal. En plus, il me manque... C'est horrible, d'aimer quelqu'un qu'on ne peut voir qu'en dormant. Même si notre rencontre est assez récente, je n'ai qu'une seule envie, c'est de passer tout mon temps avec lui.

Je souffle une nouvelle fois, et me retourne encore dans mon lit. J'essaie de me concentrer sur ma respiration. Expirer... Inspirer... Expirer... Inspirer... Expirer... Inspirer...

*****

- Hum...

- Bonne nuit, me dit Morphé.

- Bonne nuit à toi aussi, je lui réponds, en souriant.

Ça y est, je me suis enfin endormi ! Je commençais à penser que je n'y arriverais jamais.

Je me redresse, et regarde le dieu des rêves sans me détacher de mon sourire. Il est beau, aujourd'hui... Enfin, comme d'habitude. Même s'il a l'air un peu soucieux...

- Ça va ?, je lui demande.

- Je vais toujours bien.

- Tu en es sûr ?

Il me répond par un hochement de tête, avant de se pencher pour regarder dans le vide. C'est vrai qu'on est toujours en haut du plus grand arbre de la forêt... On n'a pas bougé d'ici depuis que Morphé nous a amené ici, il y a quelques jours.

- Fais attention, je lui dis.

Il se tourne vers moi en fronçant les sourcils, avant de me demander pourquoi.

- Fais attention à ne pas tomber, je lui explique. On est quand même assez haut...

- Tu as peur que je tombe ?

- Bah, oui, je lui réponds, en me grattant la nuque.

- Tu n'as à avoir peur, ici... Regarde, suis moi.

Morphé sourit, puis il écarte les bras et fait un pas en avant, en se laissant tomber dans le vide. Mais malheureusement, il me faut quelques secondes pour me rendre compte de ce qu'il se passe.

- MORPHÉ !, je crie, en me jetant à l'endroit où il était il y a encore quelques secondes.

Je me mets à quatre pattes et cherche si je ne vois pas le corps de Morphé étalé quelque part en bas... Mais c'est beaucoup trop loin, je ne vois rien.

- Morphé !, je crie, en espérant avoir une réponse.

Mais je n'entends rien d'autres que les piaillements des oiseaux, ce qui me fait difficilement déglutir. Est-ce qu'il a pu mourir comme ça...? Non, Morphé est un dieu, c'est impossible qu'il meurt d'une raison aussi bête, alors qu'il peut faire absolument tout ce qu'il veut ici. Et puis, Morphé ne se serait quand même pas suicidé comme ça devant moi.

- Morphé, je répète, tu vas bien ?

Comme je n'ai toujours aucune réponse, je me mords la lèvre inférieure. Je crois que Morphé va finir par me rendre fou... Je prends une profonde inspiration, avant de me laisser basculer en avant.

Je ferme fort les yeux, en essayant de paraître fort et sûr de moi, mais je finis quand même par me mettre à hurler... Avant de tomber dans du coton, en entendant Morphé rigoler. Je pourrais reconnaître cet éclat de rire entre mille.

Je garde les yeux fermés pendant un petit moment, en essayant de me remettre de mes émotions et de calmer les battements de mon cœur. Je crois que ce dernier a failli se détacher de ma poitrine durant ma chute. Je finis par ouvrir lentement les yeux, et je me rend compte que je suis dans les bras de Morphé, qui me tient comme on tiendrait une princesse.

Je deviens rapidement tout rouge, mais pour une fois, ce n'est pas le cas du dieu des rêves. Au contraire, lui, il a l'air joyeux et amusé.

- On a failli mourir, je râle.

- Tu n'avais qu'à pas sauter, si tu avais peur de mourir.

- J'ai cru que tu étais mort...

- Il en faudrait un plus pour venir à bout de moi, tu sais.

On se regarde droit dans les yeux, et Morphé finit par se mettre à rougir aussi, avant de me déposer par terre en s'excusant.

- Pourquoi tu t'excuses ?, je lui demande.

- Je ne souhaitais pas te faire une trop grande frayeur. Je me demandais juste ce que tu ferais.

- C'est à dire ?

- Et bien, je me demandais si tu sauterais toi aussi.

- Je te fais confiance. Et puis, je sais que tu ne m'aurais jamais laissé mourir.

Morphé acquiesce en hochant la tête, un petit sourire scotché sur les lèvres.

- En effet, je suis bien loin de souhaiter ta mort.

Je lui souris aussi, avant de regarder machinalement le paysage autour de moi. C'est presque pareil que la forêt dans laquelle nous étions au tout début de nos rencontres.

- Joël, m'interpelle le dieu des songes au bout d'un petit moment, me tirant de ma contemplation.

- Oui ?, je lui réponds, en rejetant mon attention sur lui.

- Est-ce que tes rêves te plaisent toujours ?

- Oui, pourquoi ?

- C'est important pour moi de savoir.

- Pourquoi ?, je répète.

- J'ai que tu gardes une image positive de tes rêves.

- C'est le cas, je passe toutes mes nuits avec le plus bel homme que j'ai connu. Enfin, le plus beau des dieux, je me reprends. 

- Cette place était déjà prise, me répond-il en souriant.

- Je m'en fiche, c'est toi, point.

- Heureusement que nous ne nous sommes pas rencontrés plus tôt, ou tu aurais fait des jaloux, à force de me complimenter pour ça.

*****

Je sursaute en entendant mon réveil sonner, ce qui me fait grimacer. Déjà ? Cette nuit est passée tellement vite... Enfin, c'est vrai que je me suis endormi très tard, étant donné que je ne faisais que penser au message de ma mère. Décidément, elle arrive même à me priver de mes nuits avec Morphé...