Introduction


ATTENTION !


« toute représentation ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite » (alinéa 1er de l'article L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal.







Les nuages n'avaient jamais été aussi gorgés d'eau et elle se demandait quand la pluie viendrait ternir un peu plus cette journée pénible. Une secousse dans le cœur, Freya se mit à observer autour d'elle chaque détail comme si elle découvrait ce monde pour la première fois. Sans doute parce que c'était le cas. Elle essayait de se convaincre que quelque part au fond d'elle, dormait profondément les souvenirs qui lui avaient échappé, mais une autre partie de son être réclamait de ne jamais s'en rappeler.

  - Tu as soif ? Est-ce que tu as mangé ce matin ? 

Les questions de sa Tante Jemma l'obligèrent à quitter ce moment de torpeur.

Elle se redressa sur le banc et tourna la tête vers elle pour dévisager la coiffe blanche qu'elle portait.

Des bribes infimes transperçèrent à nouveau sa mémoire puis elle cligna des yeux avant de les baisser sur son manteau qu'elle tenait serré contre elle et qui cachait ses vêtements différents des siens.

  - Où est maman ? Elle n'a pas voulu venir ? 

Jemma étira une petite grimace suivie d'un regard doux.

  - Elle n'aime pas trop sortir de la ville, tout comme ton père, mais ils aimeraient que...

  - Je le sais, murmura-t-elle en relevant la tête. Seulement je...je...ne sais pas si...

Freya inspira profondément, n'ayant pas la force de poursuivre.

  - Tu dois prendre ton temps Freya, et nous le savons.

Ces paroles apaisantes suffirent à calmer la fièvre de son esprit, mais très vite celui-ci fut envahi de souvenirs qu'elle ne pourrait jamais oublier.

  - Je ne comprends toujours pas ce qu'ils te veulent, lança sa tante dans un soupir nerveux.

  - Le procureur désire me voir et je...

  - Mademoiselle Cullen ? 

Elle se leva avec la hâte de comprendre les raisons de cette entrevue.

Le procureur John Reilly tendit sa main pour qu'elle serre la sienne et se présenta à sa tante. Pour Freya, cette situation n'était pas nouvelle parce qu'elle avait déjà vu cet homme quelques mois plus tôt. Cependant cette fois-ci elle savait qu'il attendait d'elle quelque chose qu'elle n'était pas certaine de pouvoir faire.

  - Veuillez-vous asseoir, dit-il en désignant les deux fauteuils en face de son bureau.

Une femme et un homme se tenaient près de la grande fenêtre et quand son regard croisa les leurs, elle ressentit cette même expression intriguée que tout le monde posait sur elle depuis des mois.

  - Allons-nous enfin savoir les raisons pour lesquelles vous voulez tant voir ma nièce ?

  - Bien sûr mais avant toutes choses je voulais vous présenter les inspecteurs Josh Warren et Olivia Stevens. Ce sont eux qui enquêtent sur l'affaire.

Freya se concentra sur le procureur parce qu'elle attendait désespérément des réponses.

  - Comment allez-vous Freya ? Lui demanda-t-il avec une lueur de compassion dans le regard.

  - Je vais bien, je vous remercie, murmura-t-elle en baissant brièvement les yeux. J'aimerai savoir pourquoi je suis ici. Est-ce que vous allez enfin me le dire ?

  - Comme vous le savez, l'État de Pennsylvanie est attaqué en justice à cause de l'affaire. Une affaire qui vous concerne directement.

  - Comment est-ce possible ? lança Jemma d'une voix désorientée.

  - Nous sommes attaqués par un avocat qui veut que les charges soient abandonnées et que les recherches s'arrêtent. C'est un avocat spécialisé dans les tueurs en série, les affaires criminelles en tout genre et il se trouve qu'il est intéressé par cette affaire qu'il trouve hautement intéressante. Il a donc décidé d'être l'avocat de cet homme qui reste à ce jour introuvable.

  - Hautement intéressante ! S'indigna Jemma. Attendez une seconde. Est-ce qu'il a le droit de faire ça alors qu'il est toujours recherché ? Peut-on faire ce genre de procès ? 

Les yeux dans le vague, Freya inspira imperceptiblement avant de se concentrer à nouveau sur les explications du procureur.

  - Vous voulez dire qu'il m'attaque également ? C'est pour ça que je suis ici, n'est-ce pas ? 

  - Pas exactement, répondit Olivia Stevens depuis la fenêtre. Ce qu'il veut c'est vous appeler à la barre pour que vous témoignez.

  - C'est de la folie ! S'indigna à nouveau sa tante. Vous savez comme moi que c'est impossible ! Comment avez-vous pu même l'envisager alors qu'il l'a enlevée pendant sept longues années ! C'est un miracle qu'il ait bien voulu la relâcher, il aurait pu la tuer ! 

  - Tante Jemma, s'il te plaît calme-toi, la suplia-t-elle en lui prenant la main.

  - Nous comprenons madame, mais ce procès va avoir lieu que vous le vouliez ou non et Freya va devoir témoigner. 

  - Témoigner ? Répéta-t-elle comme si c'était une insulte insupportable. Elle vous a donné toutes les informations qu'elle possédait et vous savez comme moi qu'elle n'a aucune information sur cet homme qui pourrait vous aider. Je ne comprends pas pourquoi cet avocat...

  - Comme je vous l'ai dit, cet avocat est spécialisé dans ce genre d'affaires et il a profité des nombreuses erreurs commises pendant onze ans pour nous attaquer. 

  - Il y a autre chose n'est-ce pas ? lança soudain Freya en le regardant droit dans les yeux.

  - Je vous demande pardon ? 

  - Vous ne paraissez pas en colère ni même inquiet par la demande de cet avocat et il y a deux enquêteurs à ma gauche qui n'ont aucune raison d'être ici sauf si vous avez autre chose à me dire.

John Reilly retira ses lunettes dans un silence pesant et dans lequel aucun d'eux éprouva le désir de répondre avec empressement.

 - Vous avez raison, finit par dire Josh Warren en s'approchant légèrement. Il y a autre chose.

Freya l'observa en se demandant si elle pouvait lui accorder un peu de sa confiance. Elle remarqua son alliance à son doigt avant de remonter les yeux sur sa silhouette trapue.

  - Ce procès est complètement dingue, mais il sera médiatisé.

Alors elle comprit tout l'intérêt qu'ils avaient tous à le laisser se dérouler.

  - Vous voulez qu'il le sache c'est ça ? 

  - Oui, cela pourra éveiller son intérêt, confirma Olivia Stevens.

  - Donc si je comprends bien vous voulez laisser ce procès avoir lieu dans le but d'espérer une réaction de sa part ? Demanda Jemma ahurie.

  - Le but est que cet avocat perde le procès, ce qui pourra éventuellement l'agacer. Que cet avocat lui dresse une image qui n'est pas la sienne, qu'il parle pour lui alors qu'il ne l'a pas demandé, expliqua John Reilly. Ça pourrait le mettre en colère.

  - Et si c'est moi qui perds ?

  - Je vous demande pardon ? S'enquit-il en se redressant dans son fauteuil.

  - Si c'est moi qui perds, si c'est vous qui perdez le procès ? Que se passe-t-il ? 

Déconcerté, le procureur lança un regard vers les enquêteurs.

  - Il n'y a aucune raison que vous perdiez Freya.

  - Vous la mettez en danger volontairement, vous n'avez aucun droit de faire ça, s'énerva Jemma.

  - Elle ne sera pas en danger, vous avez ma parole. La police pense qu'il est loin maintenant, elle le soupçonne d'avoir quitté l'état après avoir relâché Freya, mais si nous avons une chance qu'il fasse une erreur dans un autre état alors c'est un risque à tenter.

  - Cela fait des mois et des mois que nous attendons de pouvoir la ramener et maintenant vous voulez l'utiliser dans un procès qui n'a aucun sens.

  - Elle n'est pas prête à revenir et vous savez pourquoi, elle ne se souvient de rien de sa vie passée. En revanche, elle se souvient des sept ans passés avec lui. N'est-ce pas Freya ?

Volontairement, elle ne répondit pas et jeta un simple regard à sa tante.

  - Depuis qu'il l'a relâché, votre nièce a très peu parlé et je peux le comprendre. Seulement nous essayons de connaître ce qu'il s'est passé et ce qui a poussé cet homme à commettre ces meurtres. La seule à pouvoir nous aider c'est votre nièce. 

  - Notre enquête est au point mort depuis des mois, déclara Olivia qui s'était déplacée derrière le fauteuil quelques minutes plus tôt. Il est temps de la relancer. 

Un silence s'ensuivit et tourmenta l'ensemble des personnes présentes dans le bureau. Tous attendaient qu'elle parle et qu'elle accepte.

Au fond d'elle, Freya avait anticipé ce moment, mais ne l'avait jamais imaginé ainsi.

  - Vous avez déjà un avocat, précisa John Reilly. Il arrivera de New-York dans deux jours, soit le jour de la première audience.

  - Dans deux jours ! Si vite ? S'exclama Jemma qui continuait de refuser cette folie.

  - Je suis sincèrement navré de vous avoir prévenu si tard mademoiselle Cullen, mais je voulais être certain que ça en valait la peine avant de vous faire venir. 

  - Qu'est-ce qui vous fait croire qu'il est loin de la Pennsylvanie ? Demanda Freya en fermant sa main en poing.

  - Depuis qu'il vous a relâché il n'y a eu aucun autre enlèvement signalé dans l'état, répondit l'inspecteur Josh Warren, en revanche un c'est produit en Alabama.

  - C'est très loin d'ici, murmura-t-elle en baissant brièvement les yeux. 

  - Les autorités craignent que ce soit lui, ajouta-t-il en fourrant ses mains dans les poches de son pantalon. Rien n'est sûr pour l'instant.

  - Alors Freya, est-ce que vous êtes d'accord ? 

  - Ma chérie tu n'es pas obligée de faire ça, intervint sa tante en lui serrant la main.

Un sentiment écrasant lui noua la gorge parce que personne dans cette pièce n'était en mesure de la comprendre. 

Personne ne pouvait comprendre ce qui l'étreignait jour et nuit. La peur, la solitude, la perte de ses souvenirs.

Était-elle prête à témoigner ? À dire la vérité ? Raconter son histoire ? 

Un frisson la parcourut quand elle ferma les yeux et lorsqu'elle les rouvrit, Freya comprit qu'elle connaissait la réponse depuis le début même si elle était tétanisée par la peur profonde de se confronter à la réalité.

  - D'accord, dit-elle dans un souffle incertain.

  - Freya...

  - Je vais le faire, je vais y arriver, dit-elle à sa tante en serrant sa main un peu plus fort.

Freya resta aussi impassible que possible, mais au plus profond de son être, elle éprouvait du dégoût de voir cette petite satisfaction poser sur leurs visages. 

  - Tout se passera bien, lui promit John Reilly en esquissant un petit sourire confiant.

Peut-être ou peut-être pas, songea-t-elle en se plongeant dans ses souvenirs.

Elle ne connaissait peut-être rien de lui, mais était certaine d'une chose.

Sur sa silhouette imposante découlait les ténèbres...

Des ténèbres redoutables...

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