Chapitre 41
Pendant un instant, Freya eut l'impression d'être aspirée dans une dimension parallèle. En effet, au lendemain de cette nuit interminable, Lazarus avait préparé ses bagages et n'avait pas perdu de temps pour l'emmener à New York. Une page était en train de se tourner et Freya en avait le cœur saisi par une émotion profonde.
Ici, tout était différent. La voiture venait de s'engouffrer dans la circulation et elle en profitait pour admirer les nombreux buildings qui dominaient le ciel de Manhattan.
Un sourire rêveur se dessina sur ses lèvres en regardant les nombreuses boutiques qui étaient illuminées de décorations de Noël.
Lazarus n'avait pas menti. New York était une ville si animée qu'elle en avait presque le vertige.
Pourtant hypnotisée par la ville, Freya ne put s'empêcher de tendre l'oreille quand l'homme à la radio commença à parler.
Lorsqu'il prononça le nom de la ville qu'elle avait quitté au petit matin, Freya tourna vivement la tête en direction du tableau de bord puis jeta un furtif coup d'œil au conducteur qui était concentré sur la route.
- Une information de la plus haute importance vient de tomber. Le tueur surnommé le tueur des ténèbres a été retrouvé mort dans une maison isolée à vingt kilomètres de Lancaster. Les autorités et les secours ont retrouvé cette maison en flammes après que des randonneurs aient donné l'alerte. Dans les décombres, un corps calciné a été retrouvé et selon nos informations le tueur qui a fasciné au-delà de notre pays n'était autre que Ian Ward qui avait assassiné toute une famille dans une station essence à Seattle. Selon nos reporters sur place, il aurait été tué par le tueur surnommé le tueur des vendredis noirs et qui est responsable de la mort d'une policière à Lancaster. Il semblerait qu'il n'ait pas aimé que la presse internationale se passionne pour ce tueur et que lui tombe dans l'oubli. Une rivalité qui connaît une fin à laquelle personne n'aurait pensé.
Freya déglutit sans quitter des yeux le poste de radio.
- Plus tôt dans la journée, le tueur des ténèbres avait assassiné le révérend Lantz de la communauté Amish où est née Freya Cullen, la dernière fille à avoir été enlevée par ce tueur en 2017, poursuivit le présentateur. D'après nos informations ce révérend était en réalité un imposteur qui avait déjà tenté de créer une secte dans les années 90 avant d'être chassé de la ville après avoir abusé d'une jeune adolescente. Le tueur surnommé le tueur des vendredis est quant à lui toujours recherché par les autorités et il a été identifié comme étant l'avocat Gunner Azarov qui s'était lui-même proposé de défendre son rival.
Lazarus coupa la radio puis se mit à siffler un air de musique.
- Qui est Ian Ward ? Comment c'est possible qu'ils aient trouvé son ADN sur le corps de Gunner.
- Il me fallait un plan et bien avant de te rencontrer, alors j'ai essayé de trouver une pourriture à tuer. Je l'ai chassé jusqu'à ce que je le trouve à Denver. Il était sur le point de tuer une autre famille à trois heures du matin près de l'autoroute. Je l'ai tué puis j'ai prélevé des échantillons de son ADN car je savais que ça me servirait un jour. Ensuite, il fallait seulement que j'attende patiemment qu'il ne reste plus rien du corps de Gunner. Je vais te passer les détails trésor, ce n'est pas ainsi que j'imagine notre nouveau départ. Assez de discussions morbides. Tout ce que tu dois savoir c'est que j'ai utilisé cet assassin pour tromper ces amateurs.
Il attrapa sa main et la porta à ses lèvres.
- Nous sommes bientôt arrivés, annonça-t-il en quittant la circulation dense.
- Je crois que j'ai oublié ma bible.
- Elle est dans les bagages que ta sœur t'a rapporté.
À ce souvenir une émotion douloureuse lui transperça le cœur.
Le révérend Lantz était peut-être mort et son passé découvert, mais son père n'avait tellement pas supporté l'humiliation dans l'église qu'il avait décidé de la bannir de la communauté. Lazarus lui pensait plutôt que son père l'avait banni par honte d'avoir laissé le diable pénétrer son esprit jusqu'au point de le laisser croire que vendre sa fille le rapprocherait de Dieu.
Dans les deux cas, Freya était blessée par sa décision. Elle avait promis à sa sœur de lui écrire chaque semaine et qu'elle viendrait la voir à Lancaster deux fois par mois ainsi que Jemma sans qui elle n'aurait jamais su la vérité si tôt et au bon moment.
Dans son cœur elle restait une amish, mais dans son âme quelque chose avait définitivement changé.
Après quinze bonnes minutes de trajet, Freya fut conduite à l'intérieur d'un gratte-ciel jusqu'au cinquantième étage de la tour dans un ascenseur privé. Elle pénétra dans un spacieux appartement qui lui coupa le souffle à cause de la vue panoramique. Freya n'eut guère le temps de visiter les lieux quand une femme d'une cinquantaine d'année émergea depuis le grand salon ouvert.
- Monsieur Varak c'est un plaisir de vous revoir enfin.
- Freya je te présente Catherine Donovan, ma gouvernante. Catherine je vous présente ma femme Freya Rosewood et désormais madame Varak.
Avec un grand sourire, la gouvernante la salua en prenant sa main qu'elle serra amicalement.
- C'est un plaisir de vous rencontrer enfin madame Varak. J'espère que ce séjour dans cette maison de repos vous a fait du bien.
- Oh...euh...oui énormément de bien.
La chaleur de cette femme la mit aussitôt à l'aise.
- Je n'aurais plus besoin de vos services pour aujourd'hui et pour le week-end. Allez rejoindre votre mari, je suis certain qu'il vous attend avec hâte.
Sans se détacher de son sourire elle les salua avant de partir.
Freya monta la marche qui la séparait du salon et leva la tête vers l'escalier en verre et le haut plafond.
- Tu es...enfin je veux dire...je ne savais pas que les avocats gagnaient à ce point de l'argent pour pouvoir s'offrir un tel appartement.
- Je suis plutôt doué et j'ai fait quelques investissements qui ont bien fonctionné, expliqua-t-il en retirant sa veste.
Au loin Freya perçut un petit miaulement et se retourna à la hâte.
- Jupiter ! Tu étais ici pendant tout ce temps !
Avec joie elle le souleva pour le cajoler et le caresser sous le regard intense de l'homme.
- On peut dire qu'il a beaucoup voyagé, dit-il quand elle le reposa avec un grand sourire en le voyant courir pour s'échapper dans l'escalier.
Il empoigna doucement ses longs cheveux et captura sa bouche avec fièvre puis s'écarta pour le contempler.
- Enfin, murmura-t-il en déposant un baiser sur son menton.
Freya ferma les yeux en savourant les baisers dans son cou.
- As-tu d'autres questions ? Demanda-t-il dans un souffle rauque.
Freya ouvrit les yeux en hochant la tête.
- Que vas-tu faire du manoir ?
- Je vais le garder, il nous servira quand nous irons à Lancaster et pour ce qui est de l'endroit où je te gardais, il est déjà modifié et transformé en salle de jeux.
Il encadra son visage dans ses grandes mains et la contempla avec son regard puissamment impérieux.
- Cet appartement est une base temporaire le temps que les travaux de notre maison soient terminés.
- Une maison ? Répéta-t-elle presque émue aux larmes.
- Une grande maison au milieu de la nature, à quinze kilomètres de l'église la plus proche là où je t'emmènerai chaque dimanche, révéla-t-il en capturant sa bouche à nouveau. Une grande maison sécurisée de façon à ce que tu ne m'échappes jamais, ajouta-t-il contre sa bouche.
Freya émit un petit rire en fermant les yeux.
- Jamais, répéta-t-il en lui ôtant son manteau.
Lazarus l'embrassa avec ardeur parce qu'il voulait imprimer ce moment à jamais dans son esprit. Elle était là, ici, chez-lui et loin de cette ville maudite. Elle était là où il avait passé des mois à arpenter chaque centimètre carré de cet appartement en attendant de pouvoir la récupérer et à être seul et devoir attendre de retourner à Lancaster pour le revoir.
À la simple pensée qu'elle était sa femme, il ressentit un coup d'électricité frapper chaque veines de ses muscles. Il la souleva sans attendre et sans jamais cesser de l'embrasser il monta à l'étage. Il ne lui laissa pas le temps d'admirer cette chambre qui était désormais la sienne et l'allongea sur le lit.
Elle l'appelait en silence, acceptant ses baisers de plus en plus vorace avec lesquels elle se débattait pour suivre le rythme infernal.
Lazarus la déshabilla entièrement jusqu'à ce qu'il puisse admirer la couleur de sa peau se confondre avec les draps immaculés. Tout en étant conscient de la noirceur du désir qui animait ses yeux, il sentit fléchir sa détermination à la faire sienne avec force. Non. Cette fois-ci il voulait savourer chaque seconde de cet instant qu'il avait tant fois imaginé sans jamais se douter qu'il serait aussi fort.
Il n'avait pas d'émotions, il n'en avait plus, ne sachant plus ce que ça faisait de pleurer, mais avec Freya tout était pur et différent. Depuis le premier jour dans cette épicerie, il avait ressenti sa détresse et maintenant il ressentait son amour pour lui.
Avec une passion qu'il ne se pensait pas capable de posséder, Lazarus lui fit l'amour dans une lenteur si intense qu'elle en pleura de plaisir. Déterminé à capturer chaque parcelle de ses chairs en sachant maintenant qu'elle était sienne, il prit son temps jusqu'à ce qu'il ne puisse plus rien contrôler.
Le dos tendu, les poings agrippés aux draps, il resta au-dessus d'elle pour l'admirer en se promettant de l'admirer ainsi chaque jour jusqu'à la fin.
Avec une extrême prudence, il balaya les mèches près de sa tempe blessée et se pencha pour déposer un baiser sur celle-ci.
- J'ai conscience que mon visage n'ira pas avec ces mots, mais je t'aime à en mourir Freya, articula-t-il d'une voix puissante et basse.
La jeune femme leva sa main jusqu'à sa joue rugueuse en sachant au fond d'elle qu'il était difficile pour lui d'exprimer ses sentiments autrement que dans les ténèbres.
- Moi aussi.
Il roula sur le côté tout en glissant son bras sous son dos pour la ramener contre lui.
Ils restèrent l'un contre l'autre et dans cet agréable silence Freya entendit la profonde respiration de l'homme.
Lazarus ne dormait pas, il s'était seulement assoupi et dès qu'il ressentit que la jeune femme n'était plus à ses côtés il ouvrit les yeux en glissant sa main sur la place vide à ses côtés. Aussi vif qu'un chasseur à l'affût du moindre détail ou bruit, il se leva en enfilant un pantalon à la hâte.
Il fonça dans le couloir principal, ouvrit toutes les portes à son passage jusqu'à ce qu'il entende au loin la télévision.
Il descendit l'escalier sans la quitter des yeux, ayant secrètement conscience que sa réaction avait été disproportionnée, mais le simple fait de ne plus la voir l'avait rendu fou.
- Qu'est-ce que tu fais ?
Elle ne sursauta pas et se tourna simplement en pointant l'écran plat avec la télécommande.
- Écoute, ils continuent de parler de toi.
Lazarus regarda de façon clinique la télévision et lui prit la télécommande des mains pour monter le son.
- Nous accueillons sur le plateau l'expert en criminologie, le professeur Anderson. Professeur, maintenant que nous savons de façon formelle qui le tueur des ténèbres est mort, quel est votre sentiment ?
- Pour ma part, j'ai beaucoup de mal à y croire, déclara-t-il en retirant ses lunettes.
- Comment ça ? S'enquit la jeune présentatrice.
- Eh bien cet homme a passé plus de sept ans à ne faire aucune erreur. C'était presque un fantôme pour les autorités et vous allez me faire croire que le tueur des ténèbres a été pris par surprise par Gunner Azarov ?
- Il n'a pas tort.
Freya leva la tête vers son visage sur lequel dansait un sourire.
- Qu'est-ce que vous essayez de nous dire professeur Anderson ?
- Le profil ne correspond pas du tout à ce que nous savons de lui depuis le premier jour. Ian Ward a tué des enfants, le tueur des ténèbres les a enlevés pour nous envoyer un message. Ces enfants étaient en danger, mais nous n'avons pas su les protéger. Le système n'a pas réussi à les protéger. Alors pourquoi aurait-il tué cette famille qui n'avait pas du tout le profil d'une famille malheureuse ? Cela n'a aucun sens.
La présentatrice prit un air dubitatif.
- Donc pour vous le corps que nous avons retrouvé n'est pas le tueur des ténèbres ?
- Absolument, confirma-t-il en remettant ses lunettes. Je ne pense pas que ce soit lui, du moins c'est mon avis personnel.
- Heureusement ce n'est qu'un avis, conclut Lazarus en coupant la télévision.
- Tu n'as pas peur ? Lui demanda-t-elle d'une voix inquiète.
- Non, ce n'est qu'un avis et d'autres diront l'inverse, même si ce professeur a définitivement raison, répondit-il en la saisissant par la taille avec un machiavélique sourire. Je suis bel et bien en vie.
- Toutes les chaînes parlent de toi Lazarus.
- Et certains écrirons des bouquins sur moi, certains continueront d'en parler, mais ça n'a plus aucune importance.
Il l'embrassa en prenant son menton.
- Je te fais confiance, murmura-t-elle en retour.
Une lueur indéchiffrable s'alluma dans ses yeux sombres.
- En effet, il serait temps mon ange, chuchota-t-il doucereuse pour mieux l'embrasser avec force.
Freya ferma les yeux et réalisa seulement à cet instant qu'elle n'avait plus aucune raison d'avoir peur.
Plus jamais...
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