Chapitre 40





Il l'avait d'abord placé sous la douche pour effacer la boue de son visage et sur son corps fatigué. Ensuite il l'avait plongé dans un bain chaud.

Agenouillé devant le rebord de la baignoire, il passait sa main dans son dos avec l'éponge douce et parfumée. Freya se sentait broyée de l'intérieur, car même si elle s'était excusée, une partie d'elle était pétrie dans le remords d'avoir pensé qu'il voulait la tuer.

Ses doigts se glissèrent sur son front pour en dégager les mèches humides. Freya leva lentement la tête pour confronter son visage impassible.

  - Je n'aurais pas dû t'exposer le corps de Gunner dans cet état, déclara-t-il d'une voix chargée de remords. Je crains que ça t'affecte.

Freya secoua négativement de la tête n'ayant presque plus ces images en tête. 

  - Ce n'est pas ça qui m'affecte, lui confia-t-elle doucement. C'est d'avoir pensé que tu voulais me tuer qui m'affecte. 

  - J'ai ma part de responsabilité, car tu as raison Freya. Je suis un homme qui n'aime pas partager ses pensées. 

  - Tout ce que tu m'as dit depuis que tu m'as dévoilé ton visage, commença-t-elle d'une voix enrouée. Je n'aurai pas dû croire que tu...

Sa gorge se serra, l'empêchant de poursuivre.

  - Tu as vécu trop d'événements depuis que je t'ai libéré, murmura-t-il en l'aidant à sortir de la baignoire. Désormais c'est terminé. 

Il l'aida à enfiler le peignoir puis la porta jusqu'au lit. Freya se recroquevilla sur le côté quand il s'installa sur le rebord du matelas.

  - Comment as-tu fait pour savoir que je me trouvais là-bas dans cet endroit ? 

  - Comme je te l'ai dit, j'avais des soupçons sur Gunner depuis le début, expliqua-t-il en posant sa main sur sa joue. Ce faux procès dans le but de m'attirer et son obsession à vouloir me rencontrer m'ont convaincu qu'il cachait quelque chose. Ce que j'ignorais avant la découverte du corps d'Olivia Stevens c'est que c'était un tueur. Ensuite le puzzle s'est enfin formé. Entre-temps j'avais posé un traceur sous sa voiture pour connaître les endroits qu'il fréquentait quand il n'était pas en ville. Il s'est rendu dans cette maison à plusieurs reprises. Voilà comment j'ai fait pour te retrouver aussi vite.

Freya ferma les yeux en posant ses doigts sur sa main. 

  - Je devrais t'emmener à l'hôpital pour passer des examens.

  - Je vais bien, je suis juste un peu fatiguée.

  - Il t'a frappé à la tête, lui rappela-t-il, les mâchoires serrées.

  - Tu n'es pas médecin à tes heures perdues ? Plaisanta la jeune femme avec un petit sourire en coin.

  - Eh bien si et la façon que tu as de fermer les yeux ne plaît guère. Donc on va se rendre à l'hôpital.

  - Je vais bien, insista-t-elle en se redressant sur le coude. Je suis épuisée par les horreurs que j'ai vécues aujourd'hui mais je t'assure que j'ai toute ma tête. Suffisamment toute ma tête pour me rappeler à quel point je suis stupide.

Il lui jeta un regard mécontent avant de s'éloigner pour mieux revenir avec une trousse de secours.

  - Comment as-tu fait pour m'endormir ? 

  - Avec le même produit que j'ai utilisé quand je t'ai enlevé sur cette route de campagne.

  - Dans ce cas, c'est sans doute pour ça que je suis extrêmement fatiguée, conclut-elle avant qu'il l'oblige à s'allonger. 

Il lui ordonna de suivre la lumière et Freya obtempéra dans le but de le rassurer. 

  - Comme je l'ai dit, je vais bien.

Perplexe, l'homme l'observa comme si elle était un spécimen rare à étudier tout rabattant les couvertures sur elle.

  - Je dois m'absenter.

L'idée même d'être seule la poussa à se redresser mais il pressa ses mains sur ses épaules pour qu'elle se rallonge.

  - Tout ira bien, je ne serais pas long et je te surveille. Le procureur m'a appelé il y a déjà trois heures. Le corps a été découvert dans la maison où Gunner te retenait. Si je ne me rend pas là-bas immédiatement ça va devenir suspect.

Voyant le sérieux affiché sur son visage, Freya se rallongea en acquiesçant silencieusement.

Il se pencha pour déposer un baiser sur ses lèvres blessées puis disparut dans la pénombre.

Freya essuya une larme solitaire avec le drap en tournant la tête vers la fenêtre.

Elle était rongée par le regret d'avoir douté de cet homme qui avait passé des années à la protéger en oubliant presque de protéger ces enfants qui avaient fait naître le tueur des ténèbres.

Freya ferma les yeux avec l'espoir que Lazarus soit de retour avant qu'elle se réveille.

En arrivant devant le reste de la maison qui jonchait le sol, Lazarus inspecta les visages des policiers en coupant le moteur puis quitta la voiture en humant cette agréable odeur de fumée.

La nuit laissait entrevoir les dernières planches fumantes, alors que certains pompiers encore sur place s'assuraient que le feu ne reparte pas.

Les mains enfoncées dans les poches de son manteau, Lazarus rejoignit le procureur au milieu de débris.

  - Excusez-moi pour le retard, j'ignorais que cet endroit serait loin de ma position, j'ai dû m'arrêter pour mettre de l'essence.

  - Ça ne fait rien, dit-il toussotant. Le principal c'est que vous soyez là. Un groupe d'adolescents qui partaient faire du camping à quinze kilomètres de là on aperçut de la fumée et ont directement appelé les secours. 

  - Qu'avez-vous trouvé ? 

  - Toutes les raisons de penser que cette maison appartenait au tueur des ténèbres, déclara le procureur en pointant lampe torche en direction des restes d'un cadavre. Absolument tout correspond avec la version de mademoiselle Cullen. Le jardin, la maison isolée et loin de la ville. D'autant que nous avons trouvé un sac à proximité avec des affaires qui correspondent à la description de Freya. 

Lazarus examina le corps en fronçant les sourcils pour se donner l'air de réfléchir.

  - Qu'est-ce que vous en pensez ? 

  - Il a été surpris par quelqu'un visiblement, nota Lazarus en se tournant vers le procureur.

  - Vous avez une piste ? 

Il prit son temps pour répondre, faisant le tour du corps carbonisé.

  - Il a tué le révérend Lantz et je crois que c'est ici que le jeu se terminait pour lui. Il voulait la peau du révérend, mais je pense qu'il n'avait pas prévu qu'un autre tueur revienne en ville.

John Reilly plissa le front en réfléchissant.

  - Vous pensez que c'est l'homme qui a tué Olivia Stevens qui l'a tué.

  - Il n'a pas supporté qu'on lui vole la vedette, il n'a pas supporté que la presse dédie des articles entiers sur lui tout en l'oubliant et c'est pour ça qu'il est revenu sur le devant de la scène. Il voulait supprimer le tueur qui lui faisait de l'ombre et je crois qu'il a réussi, expliqua Lazarus sombrement.

Le procureur prit une expression déroutée en regardant derrière lui.

  - Et bien sûr nous n'avons aucune idée de qui est ce tueur, s'agaça-t-il en se grattant le front. Ça ne finira donc jamais !

Lazarus prit son temps, savourant la fin de son jeu et son dénouement écrit de sa main.

  - Il était avec nous depuis le début, lâcha-t-il en regardant John Reilly droit dans les yeux.

  - Quoi ? Souffla-t-il d'une voix désorientée.

  - Qui voulait à tout prix un procès pour l'attirer ici ? Qui voulait à tout prix le rencontrer ? Et qui n'est pas là en ce moment ? 

Le procureur baissa les yeux dans le vide en même temps qu'il réfléchissait.

  - Azarov ? Gunner Azarov ? Mais c'est...impossible ! Dit-il l'air stupéfait. Est-ce que vous en êtes certain ?

  - Les deux déclarations de Kendrick Harks ne correspondent pas et après deux ou trois recherchent j'ai découvert que l'agent d'entretien n'en était pas vraiment un. Kendrick a failli à sa mission de protéger mademoiselle Cullen en se rendant dans des bars alors qu'il était supposé la surveiller. Gunner a utilisé ça contre lui.

Vous trouverez toutes les preuves que j'ai déposé sur votre bureau plus tôt dans la soirée. 

Abasourdi, il se passa une main sur le visage.

  - Mais où est-il à présent ? 

  - Sans doute en train de fuir la ville pendant que nous sommes ici.

  - Oh seigneur...

Le procureur partit en direction des policiers pour donner l'alerte.

Lazarus profita d'être seul pour contempler le corps de Gunner étendu au milieu des cendres.

  - Désolé mon pote, soupira-t-il avec nonchalance.

  - Nous avons lancé un appel radio, annonça le procureur en revenant vers lui.

  - Parfait, maintenant il est temps pour moi de partir.

  - Partir ? Mais vous ne pouvez pas ! Votre aide est...

  - Bien sûr que si, le coupa-t-il calmement. J'étais venu pour cette affaire et elle est réglée. Il est maintenant temps que Freya Cullen pense à sa vie. Elle est libre maintenant et moi je dois retrouver ma vie à New York.

John Reilly soupira en acquiesçant.

  - Vous avez raison. Merci pour votre aide qui nous a été précieuse monsieur Varak.

Lazarus accepta sa poignée de main en esquissant un sourire professionnel puis remit ses mains dans ses poches en s'en allant dans la direction opposée à cette maison où son corps était supposé reposer.

  - Attendez une minute !

  - Oui ? S'enquit-il en se retournant lentement.

  - Pourquoi avoir fait ça ? Pourquoi a-t-il fait ça au point de risquer sa vie et de faillir alors que ça fait plus de sept ans qu'il n'avait laissé aucune trace de lui.

Lazarus pinça un sourire dans la nuit froide.

  - L'amour monsieur Reilly, répondit-il simplement. Le tueur des ténèbres a été piégé par le syndrome de Lima tout simplement.

  - La belle a tué le monstre...murmura John en se tournant vers le corps sans vie.

  - Je n'aurai pas dit mieux.

  - Monsieur le procureur ! lança un policier en marchant rapidement vers eux, le téléphone abaissé dans sa main. Les premiers échantillons ont été analysés, il s'agit de Ian Ward.

  - Ian Ward ? Ce nom me dit quelque chose.

  - Il peut, confirma le jeune inspecteur. Il avait tué toute une famille il y a huit ans dans une station essence dans le nord de Seattle. Ça fait huit ans qu'on le recherche 

  - Mon dieu.

  - Ce n'est pas tout, poursuivit le jeune enquêteur. On a retrouvé l'ADN du révérend sur lui. Monsieur le procureur c'est officiel. Nous avons notre tueur.

Lazarus goûtait au plaisir de ce dénouement parfaitement aiguisé.

  - Il est temps pour moi de partir monsieur le procureur, d'autres dossiers m'attendent à New York.

Il le salua de la tête et Lazarus inclina la sienne en retour avant de s'éloigner dans la nuit noire.

Dans la pénombre et dans ce brouillard qui s'était brusquement levé, Lazarus conduisit jusqu'au manoir pour retrouver la belle qui avait effectivement tué le monstre avec son amour pour mieux que celui-ci renaisse de ses cendres.

Sans retirer son manteau, Lazarus s'installa au bord du lit pour la contempler avec une émotion indescriptible. Dans son sommeil elle remua la tête, et il caressa ses cheveux en songeant à l'avenir qui les attendait enfin.

Elle souleva ses paupières et glissa son regard vert et brillant dans le sien. 

  - Tu es là, murmura-t-elle comme si elle avait besoin de le dire pour que ça soit vraiment réel.

  - Je suis là, chuchota-t-il en se penchant pour embrasser ses lèvres froides.

Il colla son front au sien et plongea ses yeux dans les siens.

  - Le jeu est officiellement terminé, chuchota-t-il contre ses lèvres. Maintenant dis-moi où tu veux aller pour commencer ta nouvelle vie.

  - N'importe où tant que c'est avec toi, chuchota-t-elle en retour.

Alors le monstre regarda la belle et remercia secrètement le seigneur en qui elle croyait tant de l'avoir mise sur son chemin...


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