Chapitre 37
En dépit de tout ce monde qui l'entourait Freya garda les yeux fixés sur sa sœur qui désormais fuyait son regard. La trahison était douloureuse mais Freya n'arrivait pas à lui en vouloir car dans ses yeux on pouvait clairement décelé qu'elle avait été forcée de le faire.
Alors Freya vrilla son regard dans celui de son père, ignorant totalement le visage de sa mère qui était pétri dans la tristesse et l'espoir de la ramener enfin auprès d'eux.
Freya aurait presque pu en rire si la situation n'était pas aussi périlleuse.
Elle savait les raisons d'un tel acharnement et Freya ignorait si elle allait pouvoir feindre plus longtemps de ne pas savoir la vérité.
- Peu importe si ce tueur est après toi, commença son père dont la voix avait résonné contre les murs de l'église. Peu importe si nous courons un risque. Ta place est ici auprès de nous.
Avant de lui répondre, alors que son cœur battait au rythme de la peur qui lui tiraillait le ventre, Freya chercha des yeux sa tante. Elle la trouva parmi la foule, en retrait avec Jacob. Son regard désespéré lui indiqua qu'elle n'avait rien dit et que personne ne savait qu'elle l'avait aidé à fuir.
- Je vais partir maintenant, déclara-t-elle en affrontant son père du regard avant de se retourner.
Plusieurs hommes du village se mirent aussitôt en travers de son chemin tout en bloquant la seule entrée de l'église.
- Laissez-moi passer, ordonna-t-elle d'une voix altérée par la peur qu'il apparaisse.
Le révérend Lantz était là quelque part, elle pouvait le sentir et savait qu'il attendait le bon moment pour se montrer.
- Nous ne pouvons pas te laisser partir ! Ta place est ici ! S'exclama son père d'une voix forte et sèche.
Freya se retourna pour le regarder droit dans les yeux.
- Regardez-vous tous, dit-elle dans un souffle amer. Vous êtes complètement possédés par la folie !
Des exclamations choquées s'élevèrent dans la foule. Freya les ignora et s'avança dans l'allée pour confronter son père.
- C'est toi qui est possédé Freya, répliqua son père. Le monde extérieur est en train de pervertir ton âme.
- C'est ce que le révérend Lantz t'a dit ? S'enquit-elle en le dévisageant avec colère et tristesse mêlées. Le même révérend à qui tu m'as en quelque sorte promis il y a sept ans ?
Un silence retentissant gronda dans l'église et Daniel fit mine de ne pas comprendre.
- Ne vous fatiguez pas père, commença-t-elle les larmes aux yeux. À votre plus grand regret, je me souviens de tout.
Freya combla l'espace qui la séparait encore de son père et ajouta.
- Avoir été enlevée est sans doute la meilleure chose qui me soit arrivée, articula-t-elle des trémolos dans la voix et chargée d'une rage contenue.
Cette fois-ci la foule lâcha des murmures outragés.
- C'est pour cette raison que vous avez préféré me croire morte n'est-ce pas ? Vous aviez peur que je puisse dire à la police que dans ce village si paisible qui abrite des gens si pieux se trouve un malade à qui vous avez donné votre fille ? Un gourou qui vous a tous perverti et rapproché du diable.
Cette fois-ci la foule gronda et son père lui agrippa le bras.
- Ça suffit !
- Non ! S'écria-t-elle en tournant son regard vers sa mère. Quand vous avez su que j'avais perdu la mémoire vous étiez soulagés n'est-ce pas ? C'est pour ça que vous vouliez à tout prix que je revienne sans même vous intéresser de savoir si j'allais bien ou non.
- Freya comment peux-tu dire une chose pareille ! S'offusqua sa mère en portant une main à son cœur.
- Parce que c'est la vérité ! Tout ce qui vous intéresse c'est de faire ce que vous a demandé le révérend Lantz n'est-ce pas ? Je sais pourquoi j'ai voulu fuir la première fois et je sais pourquoi j'ai fui une seconde fois !
Freya lui montra le dégoût qui l'envahissait jusque dans ses veines.
- J'étais à peine revenue dans votre vie que la première chose à laquelle vous avez pensé c'est de me marier et bien sûr tu ne m'as pas dit tout de suite que c'était cet homme qui a plus de cinquante ans qui était le marié.
Freya se recula en balayant la foule qui l'entourait avec dégoût.
- Regardez-vous tous. Vous ne voyez pas que cet homme vous manipule ! Lança-t-elle en les regardant tour à tour. Cet homme utilise notre foi dont il se moque secrètement ! Tout ce qu'il veut c'est asseoir ses propres désires et péchés.
- Freya ça suffit ! Tu as perdu l'esprit ! Tu n'es plus toi-même !
- Au contraire papa j'ai toute ma tête, répliqua-t-elle en essuyant sa joue sur laquelle roulait des larmes de douleur. Tu voulais me donner à ce pervers en croyant que Dieu lui-même l'avait ordonné alors que je n'avais que seize ans et presque huit ans plus tard rien a changé. Tu es prêt à donner ta propre fille par la force. Tu es comme le reste des personnes sous son emprise, tu es un monstre !
Les lèvres tremblantes, le visage marqué par les larmes qui n'avaient de cesse de couler, Freya vit l'expression de son père changer pour le pire. L'attaque avait été si violente qu'il se sentait humilié et dans ses yeux, elle décela une volonté de la punir.
- Le révérend Lantz avait raison, lâcha-t-il avec mépris et colère. Tu es piégée par le diable et il va t'aider à t'en défaire.
- Tu veux donner ton enfant comme une marchandise à un homme qui a ton âge père, d'après toi qui est le diable ?
- Freya ! S'écria sa mère en se tenant le cœur alors que les exclamations choquées se multipliaient à son égard.
Sa seule victoire à ce moment-là c'est de voir dans les yeux de son père un peu de honte.
- Je ne retournerai pas ici et je ne serais pas la victime de votre folie à tous, dit-elle en se tournant vers la foule. Dieu lui-même aurait honte de vous !
La colère qu'elle avait trop longtemps enfouie en elle surgissait comme un cri du cœur, comme un appel au secours d'être seule parmi toutes ces personnes qu'elle croyait connaître mais qui en réalité ne valaient pas mieux que le révérend lui-même.
Seulement sa voix ne pesait rien et elle était seule parmi cette foule qui chaque seconde un peu plus l'a regardait comme un démon.
Soudain tous ces corps se mirent à s'approcher d'elle comme pour l'attaquer et une silhouette se dressa devant elle.
- Ça suffit ! Gronda Jacob en la protégeant. Vous devriez avoir honte ! Ce n'est qu'une enfant !
Freya ferma les yeux en exhalant un soupir de soulagement mais il fut bref et son cœur se mit à battre violemment contre ses tempes.
L'intervention de Jacob ne faisait que retarder le temps.
Elle en avait trop dit et une seule pensée noyait son esprit.
Lazarus était-il au courant de ce guet-apens ?
Avait-il deviné ou l'attendait-il non loin d'ici sans se douter un seul instant de ce qui se passait ?
- Laissez-la sortir d'ici, ordonna Jacob. Laissez cette jeune fille partir.
- Jacob tu n'as pas à te mêler de ça ! Gronda Daniel.
- Oh je crois que si ! Renchérit Jacob en retirant son chapeau tout en lui faisant face. Enfin regarde-toi. Il s'agit de ta fille !
Rien ne semblait vouloir éteindre la folie qui régnait dans les yeux de son père et seule sa mère avait l'air de prendre conscience que les conséquences pouvaient s'avérer plus grave qu'en apparence.
Freya se plaça derrière Jacob quand son père s'approcha d'un air menaçant.
- Tu as raison c'est ma fille ! C'est qui...
Freya cessa de respirer en regardant son père qui avait été interrompu par quelque chose que son cerveau refusa d'analyser tout de suite.
Les battements de son cœur se mirent à s'affoler tout comme sa respiration.
Une autre goutte s'effondra sur le chapeau de père puis cette goutte se mua en plusieurs. Des gouttes de sang.
Avec effroi, Freya leva la tête vers le plafond de l'église pour chercher des yeux d'où provenait ce sang. Certains amishs levèrent également la tête quand son père retira son chapeau pour l'examiner.
- Dieu tout puissant, dit-il dans un souffle. Est-ce que...Est-ce que c'est du sang ?
Un bruit sourd s'ensuivit et Freya capta seulement une ombre tomber depuis les poutres.
Le corps s'arrêta brusquement dans sa chute, stoppé par la corde enroulée autour de son cou.
Alors des hurlements se mirent à gronder dans l'église puis un mouvement de foule.
Les femmes criaient en essayant de sortir de l'église tandis que les hommes regardaient sidérés le corps sans vie du révérend qui avait été tué de façon si brutale qu'on pouvait voir dans ses yeux ouverts la peur qui l'avait saisi avant de mourir.
Freya porta sa main tremblante à sa bouche sans quitter des yeux le regard du révérend avant que quelqu'un la tire par le bras. Elle se retrouva propulsée hors de l'église et dehors l'air frais s'ajouta au feu glaçant sur son visage.
- Freya !
Sa sœur s'effondra à ses côtés pour poser ses mains sur elle.
Ensuite, tout se brouilla et le temps défila devant ses yeux. Bientôt ce qui avait l'air d'une belle journée ensoleillée se mua en une nuit glaçante.
Les enquêteurs, le procureur, ils étaient tous là et avaient passé la journée à essayer de trouver une empreinte, un indice, n'importe quoi.
Freya avait été interrogé, ainsi que ses parents et les nombreux témoins qui avaient assisté à la scène effroyable.
Elle avait dit la vérité, révélant les intentions du révérend. La police avait trouvé des indices dans la maison de ce dernier et qui concordaient avec sa version.
L'auteur de ce meurtre s'était montré, se mêlant à la foule dans son long manteau noir. Il était venu à elle, agissant en avocat, ne laissant personne le soupçonner pas même une seconde.
Freya le regarda s'éloigner avec le procureur en se demandant comment il avait fait pour être à la fois vu dans la ville au moment de la découverte du corps et ici pour le tuer.
- Freya je suis désolée, dit sa sœur en lui prenant la main.
- Pourquoi Tessa ? Lui demanda-t-elle en tournant la tête vers elle.
Tessa renifla en secouant légèrement la tête.
- On m'a demandé de t'attirer ici mais je ne voulais pas...enfin...si je le voulais.
Freya la dévisagea en la poussant à continuer.
- Je voulais que tu reviennes ici, je voulais te sauver avant que tu fasses une bêtise.
- Une bêtise ? Répéta-t-elle dans la nuit froide.
- J'ai vu comment cet homme te regarde, commença-t-elle d'une voix basse. Je ne voulais pas que tu tombes dans le péché.
Freya cligna des yeux en lui faisant savoir qu'elle ne comprenait pas.
- Ton avocat. Il te regarde avec du désir mais c'est mal, c'est très mal Freya.
- Ma vie personnelle et mes choix m'appartiennent Tessa.
- Tes choix ? Tu veux vraiment être la maîtresse de cet homme ? S'enquit Tessa sur un ton presque sidéré.
- Quoi ? Souffla Freya en se levant du banc. De quoi tu parles Tessa. Je ne comprends pas.
- Quand j'ai vu qu'il te regardait avec désir j'ai posé quelques questions à son sujet à Kendrick Harks quand il surveillait le village. Je sais que c'est très mal mais je l'ai payé pour avoir des informations sur lui et il s'avère qu'il est marié Freya.
- Non, c'est faux, tu te trompes Tessa.
Saisie d'un vertige elle regarda sa sœur avec colère mais c'était pour mieux cacher le doute qui s'insinuait dans sa tête.
- C'est la vérité Freya, insista-t-elle en sortant quelque chose de la poche de sa cape. Regarde, c'est ce que Kendrick Harks a découvert.
Freya lui arracha le papier des mains pour le lire mais sa vision commençait déjà à s'obscurcir.
- C'est un papier officiel Freya, absolument toutes les informations y sont marquées. Sa date de naissance, où il est né, son parcours professionnel et il est bien indiqué qu'il est marié à une certaine Rosewood.
- Ce n'est pas possible, murmura-t-elle en relevant la tête. C'est impossible.
- Apparemment ils sont mariés depuis deux ans, mais il se montre discret sur sa vie privée parce que sa femme est en maison de repos suite à une grave dépression.
Freya luttait contre les larmes qui la menaçaient alors que tout le film repassait en boucle dans sa tête.
- Non, s'entendit-elle murmurer des trémolos dans la voix.
Son enlèvement, sa captivité pendant sept ans, tout ce qu'il lui avait dit...
Une nausée monta dans sa gorge tandis qu'elle reculait de sa sœur.
- Je suis désolée Freya, dit-elle en essayant de s'approcher. Je ne voulais pas te faire de la peine, je voulais juste te protéger toi et ta vertu.
Elle le chercha des yeux, mais ne le trouva pas. Le sol commença à se dérober sous ses pieds car elle se demandait si elle ne faisait pas partie de son jeu.
L'homme des ténèbres aimait les jeux et il aimait aussi prendre son temps car c'est en allant lentement qu'il prenait le plus de plaisir. Sept ans pour lui pouvait être l'équivalent d'une semaine.
Était-elle la dernière pièce de son jeu ?
L'esprit embrouillé, ne sachant plus quoi penser, elle fourra le papier dans la poche de sa cape en ayant du mal à respirer.
- Mademoiselle Cullen.
Elle sursauta en se tournant vers le policier.
- Monsieur Varak m'envoie vous dire qu'il vous attend dans la voiture. Il m'a dit de vous dire que vous pouvez prendre plus de temps pour être avec votre sœur si vous le souhaitez.
Un frisson d'effroi courut sur son visage et aucun son trouva la force de sortir. Tétanisée sur place, elle entendit Tessa répondre à sa place.
Freya se retourna en entendant la voix de sa sœur l'appeler mais elle l'ignora et se mit à courir dans la direction de la forêt.
" Quand le moment sera venu je te ramènerai au manoir "
Cette phrase se mit alors à tourner en boucle dans sa tête alors qu'elle courait dans une direction sans savoir où elle mènerait. Elle se blessa au visage avec une branche et sa coiffe tomba sur la terre humide. Effrayée, elle continua de fuir alors qu'elle avait l'effroyable impression que les branches la retenaient prisonnière, l'obligeant à forcer le passage jusqu'à ce qu'elle se libère et trouve un chemin moins tortueux.
Essoufflée, les cheveux décoiffés, les larmes aux yeux et blessée à la joue, elle resta contre un tronc d'arbre en fermant les yeux.
Son cœur était déchiré et la peur reprit possession d'elle. Cette peur qui avait pourtant disparu à ses côtés n'avait jamais été aussi forte et douloureuse qu'à cet instant.
Soudain, au milieu de son souffle glacé et bruyant, elle entendit quelques branches craquer et cessa de respirer.
Elle entendit alors son cœur résonner partout en elle alors que quelqu'un semblait se rapprocher d'elle.
En proie à la peur, elle se décolla du tronc pour reculer dans la direction opposée.
- C'est moi que tu essayes de fuir ?
Freya se retourna violemment pour ensuite recevoir un choc si violent au visage qu'elle fut aussitôt happée dans les ténèbres...
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