Chapitre 29
Lazarus entra dans l'église en poussant un soupir nonchalant. Ce n'était pas la première fois qu'il pénétrait à l'intérieur et quand il croisa le banc sur lequel la jeune femme s'était assise pour se confier au révérend Lantz, il serra le poing avant d'écarter sa paume tout en faisant craquer sa nuque.
- Je vous remercie de l'avoir fait venir ici, déclara-t-il en refermant la porte de l'église. Ses parents avaient besoin de la voir.
Le regard froid de Lazarus fixait l'autel et il continua de le faire jusqu'à ce qu'il recouvre son calme. Ensuite il se retourna lentement pour faire face au révérend. Les mains dans les poches, Lazarus esquissa un sourire sans émotion.
- Je sais, et c'est pour ça que je l'ai fait venir, pour qu'ils cessent de s'inquiéter pour elle.
- Quand pensez-vous que son retour soit possible ? Demanda-t-il en marchant dans l'allée pour s'avancer vers lui.
- Quand nous aurons trouvé le tueur, dit-il simplement.
Lazarus guetta attentivement sa réaction et fut satisfait de découvrir que sa réponse ne lui plaisait pas et qu'il faisait au mieux pour ne rien montrer.
- Je ne suis pas certain que l'éloigner de sa famille soit la bonne solution, déclara-t-il en se glissant sur l'un des bancs. Ce tueur, peu important qui il est et où il est, nous sommes capables de la protéger.
- Vous en êtes sûr ? Pourtant il a réussi à se glisser dans le village et la reprendre sans être inquiété, lui rappela Lazarus.
- Certes, mais désormais nous serons plus vigilants, répliqua Lantz en soutenant son regard. Freya a besoin de stabilité. Elle a besoin d'avoir sa famille auprès d'elle.
- Certes, commença Lazarus en faisant mine d'être sérieux. Cependant Freya a peur que le tueur puisse s'en prendre à sa famille. Elle veut protéger les siens. C'est une jeune femme avec un coeur si pur que l'on a presque l'impression qu'elle a été façonné par Dieu lui-même vous n'êtes pas d'accord avec moi ?
Lazarus le scruta avec un visage impassible, mais au fond de lui il savourait les expressions du révérend. Le but était de l'ouvrir à sa propre folie intérieure. Le faire céder à ses propres pulsions remplies de perversité.
- C'est une très belle jeune femme en effet et d'une douceur rare de nos jours.
Ensuite il se leva avec ce faux sourire sur le visage et le contourna pour se diriger vers l'autel.
- C'est pour cette raison qu'elle est importante pour nous, ajouta-t-il en montant les trois marches qui le séparaient du pupitre. Nous ne voulons pas qu'elle s'égare.
- Vous pensez qu'elle est égarée ? S'enquit Lazarus en s'approchant d'une démarche nonchalante qui contrastait avec son expression d'une fausse gravité.
Le révérend Lantz ouvrit la bible avant de relever la tête vers lui.
- Je pense que oui, dit-il après une hésitation. Je pense que le monde moderne est en train de l'égarer.
- Pour que le monde moderne l'égare il faudrait déjà qu'elle l'ait exploré or ce n'est pas le cas, précisa Lazarus en gardant son masque impassible. Vous oubliez qu'elle a passé sept ans enfermée dans une maison sans voir la lumière du jour.
- Cette période l'a suffisamment pervertie, le diable est entré en elle et je vais m'assurer qu'il ne se le permette plus jamais, lâcha-t-il sur un ton nettement plus agacé.
Enfin, pensa Lazarus intérieurement en se retenant de sourire diaboliquement. Voyant qu'il était en train de stabiliser son corps et ses pensées, il décida de poursuivre.
- Est-ce ainsi que vous la considérez ? Comme une âme pervertie parce qu'elle a été enlevée.
Le révérend Lantz secoua de la tête négativement et se gratta le front pour se reprendre.
- Vous ne pouvez pas comprendre monsieur Varak. Ici dans notre communauté nous ne laissons pas le péché s'emparer de nous et surtout pas des femmes.
Lazarus se retint d'éclater de rire et le laissa poursuivre pour entendre ses savoureuses paroles qui sans le savoir le rapprochaient plus de la mort que de la vie.
- En restant avec ce monstre elle a été confrontée au péché. Elle a besoin de guérir et nous sommes les seuls à pouvoir l'aider.
- Le problème c'est que Freya ne veut pas de votre aide, déclara-t-il en marchant vers les cierges allumés.
- Ah oui ? Et comment vous le savez ?
- Il suffit de lire sur son beau visage pour découvrir que cette jeune femme a besoin d'autre chose que les conseils mal avisé d'un révérend qui n'a aucune idée de ce qu'il y a au fond de son âme, répondit Lazarus en prenant un cierge pour l'allumer.
Un silence s'ensuivit et dans lequel on pouvait entendre le bruit des flammes vaciller jusqu'à danser entre elles.
- Et vous, vous le savez ? Finit-il par demander avec bien moins de déférence dans la voix.
Lazarus prit le temps de se retourner.
- Je ne prétends pas le savoir, néanmoins je suis son avocat et nous avons beaucoup discuté. S'il y a bien une chose que j'ai comprise en lui parlant c'est qu'elle a besoin de découvrir par elle-même le monde qui l'entoure qu'il soit rempli de noirceur ou non.
Le révérend Lantz n'appréciait guère son discours et il se délectait de voir cette crainte grandir dans son regard. À l'évidence, il se retenait d'exploser et de révéler sa noirceur. Il n'avait pas l'habitude qu'on lui tienne tête, lui qui depuis des années avait réussi à se mettre la moitié d'un village de son côté.
Des petites âmes manipulées et incapables de voir à quel point elles sont faibles.
- Vous êtes marié monsieur Varak ?
Lazarus arbora un sourire neutre.
- Non pas encore, pourquoi cette question ?
- J'étais curieux de le savoir, dit-il en tournant les pages de la bible pour tromper ce que sa tête brûlait de dire. Je pensais qu'un homme comme vous était déjà marié et avec des enfants.
- J'aimerai avoir une ribambelle d'enfants en effet, mais pour cela il faut que je trouve la femme qui me donnera tout ce que je désire.
- Et que désirez-vous monsieur Varak ? S'enquit-il en relevant les yeux sur lui.
- Absolument tout, lâcha-t-il en saisissant l'occasion de le déstabiliser un peu plus. Je veux tout ce qui est possible d'avoir d'une femme. Son âme, son esprit et bien évidemment son corps, ajouta-t-il en terminant par esquisser un sourire volontairement énigmatique.
La colère s'empara des yeux du révérend qui se termina par un sourire forcé.
- Je suis ravi d'avoir eu cette conversation avec vous, reprit Lazarus en se passant une main dans la barbe. C'était très enrichissant.
- Moi également et j'espère que vous ferez tout votre possible pour retrouver ce tueur afin que Freya puisse nous revenir le plus vite possible.
Il ne répondit pas et se contenta d'esquisser un léger sourire en coin avant de se retourner pour traverser l'allée.
Lazarus quitta cette église en étant assuré que le révérend Lantz vivrait dans le doute de ne pas savoir s'il était attiré par la jeune femme et de par ce fait constituait une menace à ses yeux.
En poussant la porte il fut étonné de découvrir la jeune femme, le dos appuyé sur l'arbre le plus proche de l'église.
Une folle bouffée de désir enveloppée de noiceur s'empara de lui devant cette vision d'elle sous ce soleil d'hiver, le vent allant caresser ses cheveux alors que son corps était soumis à l'angoisse. Lorsqu'elle releva les yeux et qu'elle croisa son regard la jeune femme se redressa contre le tronc d'arbre et depuis sa position Lazarus pour voir dans son regard vert une sorte de soulagement.
Ce fut lui qui s'approcha d'elle, se laissant le temps d'étudier son visage pâle et teinté d'une lumière chaude.
- Je suis étonné de te voir ici, commença-t-il après l'avoir rejoint sous le chêne. Tu n'es pas avec tes parents ?
Elle remua les lèvres mais aucun son ne semblait vouloir sortir.
- Allons tu as perdu ta langue ? Demanda-t-il d'une voix basse et moqueuse en se penchant vers son visage.
Le teint translucide, elle secoua doucement la tête en battant des cils.
- J'ai été voir ma sœur et c'est le plus important. Quant à mes parents, j'ai fait en sorte de les rassurer mais quand ils ont commencé à insister pour me garder ici, j'ai préféré partir avant de faire une bêtise et révéler la vérité.
Ensuite la jeune femme dévia son regard en direction l'église.
- Comment ça s'est passé ? Est-ce qu'il est...
- Toujours en vie ? Oui il l'est, la coupa-t-il en posant sa main sur le tronc. Nous avons eu une charmante discussion et quand je l'ai laissé il était penché au-dessus de sa bible. Je crois qu'il cherche comment t'exorciser.
La lueur rieuse dans son regard noir arracha un mince sourire à la jeune femme puis son teint devint à nouveau blême.
- Est-ce qu'on peut partir maintenant ?
- Oui.
Il se redressa aussitôt et l'invita à le suivre en posant sa main dans son dos.
Derrière lui il pouvait sentir le regard du révérend Lantz et c'est avec un sourire dansant sur les lèvres qu'il creusa ses doigts dans le dos de la jeune femme.
Une fois dans la voiture la jeune femme expira un long soupir de soulagement.
- Au moins ils savent que tu es en vie, lança-t-il en s'engageant sur la route principale.
- Cette visite était surtout pour toi n'est-ce pas ?
Il souffla un rire en mettant ses lunettes de soleil.
- J'ai dit à Lantz que tu étais une jeune femme intelligente et il se trouve que tu l'es bien plus que ce que j'avais pensé.
- Alors j'ai raison, murmura-t-elle comme si elle se parlait à elle-même. Tu voulais le confronter.
- Et j'ai eu ce que je voulais, dit-il simplement. Je voulais laisser entendre que je n'étais pas insensible à tes charmes et j'ai eu la réaction que je voulais.
Elle exhala un petit soupir tremblant mais ne dit rien de plus comme si elle voulait oublier cette mâtiné à jamais.
Lazarus décida de l'épargner et continua de rouler en direction de la maison. Quand il se gara dans l'allée la jeune femme quitta la voiture avec une hâte inhabituelle.
En à peine une seconde Lazarus se faufila entre la voiture et le chemin qui menait jusqu'aux marches extérieures pour lui barrer la route.
- Que se passe-t-il ? La questionna-t-il sur un ton si sombre qu'elle poussa un hoquet.
- Rien, dit-elle dans un souffle tremblant. Je me sens sale, je veux me laver.
Dans le refus de la torturer plus longtemps il monta les marches et ouvrit la porte. Ce fut au tour de la jeune femme de se faufiler entre la porte et son torse. Lazarus la regarda filer dans le couloir et entendit ses pas pressés dans l'escalier. Il referma la porte en suivant l'écho de ses pas qui se précipitait dans les étages.
Il resta immobile dans le hall, rictus aux lèvres, avec un goût amer dans la bouche. Une folle envie meurtrière le saisit et il se demandait ce qu'il attendait pour les tuer un par un.
Agacé de la savoir si triste, ne supportant pas cette insupportable douleur qu'elle avait dans le regard, Lazarus serra le poing puis l'écarta à plusieurs reprises pour garder un semblant de contrôle. Il se rendit dans le salon pour se servir un verre de bourbon et la but d'un trait avant de le reposer sèchement sur le rebord de la cheminée.
Son regard assassin se vrilla sur le plafond avec une incontrôlable envie de la rejoindre pour savoir comment elle se portait.
Après quelques secondes de lutte, il finit par céder et se dirigea vers l'escalier qu'il ne mit pas longtemps à gravir. En arrivant à l'étage, son ouïe capta le son de l'eau et, au lieu de s'arrêter, Lazarus poursuivit son chemin jusqu'à sa chambre et ouvrit la porte. Le bruit de l'eau cessa brusquement au moment précis où son regard noir toucha la porte entrouverte.
Lazarus resta sans bouger, le poing serré contre sa cuisse mais se savait déjà incapable de faire demi-tour.
Alors il se laissa guider par ses propres ténèbres et il s'avança à pas de loup jusqu'à cette porte qui lui était interdite. Sa main se mit à brûler sous l'impatience de la pousser et de l'approcher tout en sachant au plus profond de son être que ce geste le conduirait à ne plus pouvoir résister.
Pour la première fois depuis le commencement, ce n'est pas elle qui venait à lui.
C'est lui qui venait à elle...
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