Chapitre 23
Dans la voiture qui la ramenait en direction de Lancaster Freya repensait à la nuit difficile qu'elle avait passée. Toute les heures elle s'était réveillée et l'avait découvert dans la même position, assis dans ce fauteuil sans bouger et cette image lui avait rappelé toutes les nuits où il s'était installé tout près de son lit dans ces vêtements sombres et ce tissu noir enturbanné autour de son visage.
Crispée sur le siège passager, elle tourna timidement la tête dans sa direction et découvrit un homme totalement détendu, portant des lunettes de soleil, tapant son pouce sur le volant au rythme de la musique qui passait à la radio.
Freya suivit la ligne féroce de sa mâchoire avant de détourner la tête en direction de la route.
- Comment avez-vous fait pour accéder à ces dossiers qui concernaient les enfants ?
- Je suis l'avocat de la directrice d'un centre qui regroupe des assistantes sociales, des personnes en charge d'accompagner les enfants ou bien des parents en difficulté. Des jeunes mères de famille qui ont été mises dehors par leurs parents. À chaque fois qu'on lui transmettait un signalement, elle était en charge de me prévenir immédiatement.
- Et personne ne s'est douté de rien ? S'étonna-t-elle. Enfin je veux dire personne n'a fait le lien entre ces dossiers qui ont été entre vos mains et les meurtres ?
Un sourire presque diabolique se dessina dans le coin de ses lèvres et elle frémit instantanément.
- Tu n'es pas sans savoir que je suis un homme intelligent Freya et comme je te l'ai déjà dit, j'ai une bonne longueur d'avance sur cette bande d'amateurs.
Freya tortilla ses doigts en regardant la route.
- Tu n'as pas beaucoup dormi cette nuit, dit-il ensuite et sur un ton mécontent.
- Vous non plus, répliqua Freya en le regardant. D'ailleurs je me demande si vous dormez de temps en temps.
- Seulement quand je suis assuré que tout est en ordre et comme je veux.
Il baissa le son de l'autoradio et elle aurait préféré qu'il ne le fasse pas.
- J'espère que tu dormiras mieux ce soir, ajouta-t-il en s'arrêtant au stop.
Une angoisse latente commença à monter quand elle lut la pancarte qui indiquait qu'ils étaient tout proches de Lancaster.
- Vous avez une maison à Lancaster ? Vous allez rentrer à New-York dans les prochains jours ? Le questionna-t-elle la respiration difficile.
- Ma secrétaire s'est chargée de transmettre mes dossiers les moins urgents à l'un de mes confrères. Et je possède une maison à la sortie de Lancaster.
Il disait ça comme s'il en possédait plusieurs, pensa-t-elle en dévisageant son profil impénétrable tant dans ses traits que dans ses attitudes même les plus décontractées.
Était-ce la maison où il l'avait gardé captive pendant sept ans ?
La question lui brûlait les lèvres mais elle décida de ne pas la poser.
Si c'était elle, Freya allait forcément la reconnaître de l'intérieur.
- Essaye de te détendre, tu es crispée.
- Comment pourrais-je me détendre alors que je suis avec un homme qui est recherché pour être un tueur en série et qui à tout moment peut être saisi de pulsion comme vous n'avez pas arrêté de me le répéter.
- Oh Freya...les pulsions que tu me fais ressentir sont loin de ressembler à des pulsions meurtrières, enchaîna-t-il aussitôt sans quitter la route des yeux.
Freya trembla des paupières en essayant de ramener une mèche inexistante derrière son oreille.
- De plus ils étaient tous destinés à mourir avec une dose d'injection mortelle devant des spectateurs curieux, je n'ai fait qu'accélérer le destin et j'y ai rajouté une petite touche personnelle.
Bien sûr il faisait référence à la façon dont il les avait tués.
- Des innocents meurent chaque jour Freya, ajouta-t-il sur un ton grave. Des femmes, des enfants, des pères et mères de famille, des célibataires, des vieilles personnes sans défense, des femmes enceintes. Il y a un nombre incalculable d'assassins en liberté et ceux-là n'intéressent pas la presse parce qu'ils n'ont pas penser à se vêtir d'un costume effrayant.
- Vous voulez parler du surnom que je vous ai donné à cause de...
- Je ne t'avais même pas libéré qu'ils me surnommaient déjà le tueur momifié selon la description que leur avait faite Estella Gowell lors de son premier témoignage. Personnellement je préfère l'homme des ténèbres.
Soudain la voiture s'arrêta et elle se rendit compte qu'il venait de la garer.
- Nous sommes déjà arrivés, murmura-t-elle d'une voix qui ne cachait pas sa déception.
- Tout se passera bien.
Il n'arrêtait pas de répéter ça et plus il le répétait plus Freya redoutait la suite.
Il quitta la voiture sans même la regarder et alla lui ouvrir la porte.
N'ayant plus le choix, Freya descendit de la voiture et frôla involontairement son torse redoutable. Elle rejeta la tête en arrière pour atteindre son visage et son cœur s'accéléra dangereusement. À travers cette paire de lunettes noire, elle pouvait sentir son regard profond la pénétrer jusqu'à l'âme.
- Viens, dit-il en brisant le contact visuel.
Freya portait des vêtements modernes qui jusqu'ici étaient cachés par le manteau qu'il lui avait acheté plus tôt dans la matinée. Elle n'avait pas l'habitude de porter un pantalon et se sentait étriquée.
- J'aurais préféré une jupe et des collants.
- Moi aussi, confia-t-il en l'invitant à traverser. Nous verrons ça plus tard.
Il poussa la porte du commissariat et Freya devint aussitôt pâle.
Ils étaient tous là, et l'agitation confirmait qu'ils savaient qu'elle ne se trouvait plus dans la village des amishs. Quand le procureur la vit, il exigea le silence et les autres se retournèrent.
- Bonjour à tous, lança Lazarus poliment.
- Bon sang mademoiselle Cullen, commença John Reilly en se précipitant vers eux. Vos parents nous ont signalé votre disparition nous pensions que...
- Freya m'a contacté hier soir et je suis passé la chercher afin que nous puissions échanger sur ce qui la tracasser, expliqua-t-il en reprenant cette voix calme et professionnelle.
- Nous pensions qu'il était de retour, lança Olivia Stevens sur un ton mécontent. Vous auriez pu nous prévenir.
De retour ?
Freya frémit entièrement car celui qu'ils cherchaient était là...juste derrière elle.
- Vous avez raison mademoiselle Stevens, glissa-t-il d'une voix si charmeuse que l'intéressée se mit à rougir. Ma cliente voulait me parler alors nous avons dîner et vous appeler n'était pas ma priorité je dois l'avouer.
- Et elle voulait te parler de quoi ? Lança Gunner en s'approchant.
Freya déglutit en tentant de ne rien montrer sur les pensées qui la traversaient.
Était-ce possible que Lazarus ait raison sur lui ?
Dans les yeux bleus de l'avocat régnait une lueur curieuse et elle était là depuis le début de l'enquête.
Soudain elle se rappela qu'il était l'avocat de l'homme des ténèbres qui était lui-même un avocat.
Freya baissa les yeux puis se déplaça légèrement vers la droite.
- J'ai décidé de quitter le village parce que je ne veux pas faire courir de risque à ma famille et à mon village.
Gunner resta impassible à sa réponse et la toisa de la tête aux pieds.
- Cependant Freya ne désire pas devenir à nouveau un témoin sous protection, ajouta Lazarus en arrimant son regard au sien. Évidemment je lui ai rappelé que c'était très dangereux étant donné que celui que nous cherchons est toujours introuvable.
Une lueur machiavélique courut dans son regard sérieux puis il se tourna vers Gunner.
- Nous avons donc décidé qu'elle resterait avec moi le temps que l'enquête se poursuive.
- C'est trop dangereux, répondit Josh Warren. Vous pouvez devenir sa cible.
La situation était lunaire, et elle était la seule à le savoir. Freya cessa de respirer en fixant la réaction de l'homme des ténèbres. Il fronça des sourcils en prenant un air préoccupé tout en faisant mine de s'inquiéter pour sa vie.
- Je sais, dit-il sur un ton grave. Mais c'est un risque que je suis prêt à prendre pour ma cliente. De plus, c'est la meilleure solution qui conviendra à tous. Mademoiselle Cullen ne sera jamais seule et si jamais il essayait de rentrer en contact avec elle, je serais présent. Cela nous donne un certain avantage.
- Et je le répète vous pourriez devenir sa cible.
- Je sais me défendre.
Elle frissonna après sa réponse.
- Mademoiselle Cullen, êtes-vous sûre ?
- Oui, dit-elle à la hâte en regardant le procureur. Je ne veux pas mettre ma famille en danger.
- Kendrick pouvait la protéger, intervint Olivia Stevens.
- Sans vouloir offenser qui que ce soit, votre policier Kendrick Harks est déconcentré dans sa mission, répliqua Lazarus. Dès qu'il reçoit un message radio qui ne lui est pas destiné, il quitte sa position pour jouer au héros et c'est comme ça que l'homme des ténèbres a pu faire ce qu'il voulait sans être inquiété.
Freya était certaine qu'il brûlait de satisfaction intérieurement. Il se jouait d'eux comme un acteur redoutable et elle savait qu'il en savourait chaque seconde.
- Dans ce cas nous allons faire comme ça, lança le procureur sans masquer son inquiétude. J'espère seulement que nous prenons la bonne décision.
- Du moment qu'elle ne quitte pas la ville, dit Gunner en plantant son regard dans le sien. Ce que nous voulons tous c'est attraper cet homme et elle reste notre unique chance de le coincer.
Gunner se tourna vers Lazarus.
- C'est une excellente idée très cher confrère.
Lazarus resta de marbre et inclina la tête.
Freya commençait à croire que l'homme des ténèbres ici présent avait peut-être raison sur Gunner Azarov. Son comportement laissait entendre qu'il avait une vraie et inquiétante obsession.
Olivia Stevens s'approcha d'elle et lui proposa de prendre un café. Freya jeta un regard en direction de Lazarus qui lui donna l'autorisation par un simple regard qu'elle fut la seule à comprendre.
Lazarus entra dans le bureau à côté de la salle d'interrogatoire pour sortir les papiers qu'il avait préparés quand Gunner entra dans la salle et ferma la porte.
- Cette fille va finir par nous rendre dingue, lança-t-il en se laissant tomber dans le fauteuil.
- Elle n'est pas fautive de cette situation, répondit Lazarus sans le regarder.
- Non mais elle est la seule à pouvoir nous aider à le trouver et elle passe son temps à disparaître.
- Elle est là non ? Elle avait juste besoin de se confier et elle n'allait pas t'appeler.
- Parce que je suis l'avocat de ce tueur ou parce que je la trouble avec mes questions ?
Lazarus resta impassible et le regarda dans les yeux pour fouiller son âme.
- Quelle est ta théorie ?
Gunner esquissa un sourire comme s'il était excité par sa question.
- Je pense qu'il a des sentiments pour elle et que c'est son point faible.
- Je dirais plutôt son point fort puisque jusqu'ici il s'est joué de nous sans effort. Si c'était son point faible il aurait fait une erreur.
- Pas faux, admit Gunner en s'amusant à faire tourner le siège de gauche à droite. Cette fille semble avoir quelque chose de spécial pour qu'il se donne autant de mal pour elle. Il faut admettre qu'elle est très attirante même avec ses vêtements d'amish.
Lazarus se carra dans l'autre fauteuil et agrippa les accoudoirs sans laisser aucune émotion transparaître sur son visage.
- C'est même étrange qu'il n'en ait pas profité, ajouta-t-il en se passant le pouce sur les lèvres.
- Fais attention à ce que tu dis Gunner, tu parles de ma cliente, dit-il d'une voix neutre.
Gunner fit mine de s'excuser.
- Je suis désolé mon vieux je reste un homme. Tu ne vas pas me dire que tu ne la trouves pas sexy. Je suis même sûr que tu ne serais pas contre la ramener dans ton lit, moi j'y ai pensé mais je crois qu'elle ne m'aime pas beaucoup.
Lazarus resta impassible mais son corps le brûlait d'une envie folle de lui ouvrit les mâchoires en deux et de les briser.
Son instinct ne le trompait jamais tout comme il ne l'avait pas trompé dans cette épicerie sept ans plus tôt.
Gunner Azarov avait un comportement de plus en plus étrange et il commençait à se demander s'il était vraiment obsédé par l'homme des ténèbres ou si cette obsession trompeuse était une stratégie pour masquer celle qu'il avait pour Freya.
À cette pensée les ténèbres vinrent l'envelopper et il s'imagina en train de lui broyer la cage thoracique avant que ses pensées soient interrompues par la jeune femme.
Il se tourna vers elle et une sensation indescriptible commença à le transcender. Il lut dans ses yeux qu'elle était intimidée, mais elle ne pourra bientôt plus cacher ce qu'il décelait dans ses yeux.
Elle viendrait à lui.
Encore une fois.
Et ce jour-là Lazarus l'attendait avec impatience autant qu'il le redoutait par crainte que l'impacte soit bien plus puissant qu'il l'imaginait...
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