Dans les bals populaires
Ronald savait que le clan du Dragon était sacrément fou. Cinglé. Déjanté. Aventureux. Peu importe la façon dont ils étaient appelés, ils avaient un grain. Enfin, plus particulièrement le grand-père de Draluc avait un grain. Le monde entier, tous les vampires le prenaient pour l'immense vampire qu'il était, le plus fort, le plus craint, celui qui pourrait anéantir une région d'un seul coup s'il le voulait.
Mais pour le clan et désormais pour Ronald aussi, ce n'était qu'un vieux qui aimait plus que tout s'amuser, un hédoniste qui se fichait des conséquences. Et le chasseur n'aimait pas vraiment le fait qu'il puisse retrouver cette particularité chez le plus faible de tous les vampires. Dès que les mots « réunions de famille » étaient évoqués, Ronald courait se cacher où il le pouvait, espérant y échapper. Mais puisqu'il s'était fait plus ou moins adopter par cette famille de fous furieux, il était toujours retrouvé et emmené dans l'un des jeux à peu près mortel du patriarche.
Cette famille avait le goût de la fête, ils avaient le goût de la vie. Et l'humain avait toujours trouvé cela étonnant pour des vampires. Il savait que ces êtres à la vie si longue aimaient s'amuser car ils n'avaient pas grand autre plaisir. Mais le degré d'hédonisme dans cette famille surpassait tout ce qu'il avait bien pu voir chez les vampires de Shin-Yokohama. Et il y avait déjà du niveau.
Ronald aimait aussi s'amuser, il ne disait pas non à une bonne petit fête. Mais une petite. Pas les démesurées dans lesquelles il avait déjà été traîné. Pas celles où on se demande le lendemain pourquoi est-ce qu'on est sur le toit ou dans un arbre. Il aimait boire, oui. Mais il n'aimait pas se mettre une race comme les vieux au bar qui n'ont rien d'autre à faire de la journée.
Autant dire que ses idées étaient plutôt plan-plan pour la plupart des membres du clan du Dragon. Et discuter de soirées et d'amusement avec ces gens n'était certainement pas une bonne idée. C'était bien pour cela que Ronald n'aimait pas particulièrement les sourires qui s'étendaient sur les visages des cousins de Draluc. Il n'aimait pas non plus la façon dont ils étaient partis en trombe vers leurs parents respectifs.
Mais les membres du clan ne voulaient pas non plus complètement déboussoler le chasseur. Avec son autobiographie et les différents rapports de Draluc, ils savaient tous à quel point il travaillait dur et surtout, il ne savait pas prendre de repos et s'amuser comme eux le faisaient. Ce n'était de toute façon pas comme s'ils travaillaient pour la plupart. Certains le faisaient parce qu'ils aimaient ça mais beaucoup se contentaient de vivre sur la fortune familiale.
C'était aussi pour cela que l'argent n'était pas un problème en cas de voyage. Car c'était avant tout l'argent qui limitait l'homme aux cheveux blancs dans ses sauteries. Mais ne vous inquiétez pas, le clan du Dragon est là pour vous organiser des vacances de rêve. Tout frais payés. Uniquement avec Draluc et John. Puisqu'il ne serait bien évidemment pas à l'aise si la moitié de la famille se ramenait.
« Quoi ? » Ronald était complètement perdu face aux billets d'avion et au pitch que venait de lui sortir son colocataire, s'étant même arrêté d'écrire.
« Ma famille nous offre des vacances. Sans eux. Juste nous trois. En Europe. C'est le début de l'été donc il y a beaucoup de festivals populaires. Des trucs où tu peux t'incruster. » Draluc n'avait pas l'air perturbé le moins du monde.
« Mais pourquoi ? » Il ne comprenait toujours pas.
« Parce qu'ils ont envie. Est-ce que tu crois qu'il faut plus que ça à ma famille pour ce genre de trucs ? » Draluc le lui avait dit avec un haussement de sourcils.
« ... » Le chasseur avait envie de dire quelque chose mais il savait au fond que le vampire avait raison.
« D'ailleurs, ils ont précisé que tu n'étais pas obligé. Ils veulent que tu t'amuses, ils ne veulent pas te mettre la pression pour que tu t'amuses. Alors ça dépend de toi. »
« Tu as envie d'y aller ? John, tu as envie d'y aller ? »
« Nu nu !! » Avant même que Draluc ne puisse donner son avis, son familier répondit par l'affirmative.
« Ça fait longtemps que je n'ai pas fait ce genre de choses. Oui, j'ai envie d'y aller. Mais j'ai surtout envie de te montrer les fêtes Européennes. Même si ça diffère évidemment d'un pays à l'autre. » Draluc avait fini par dire ce qu'il voulait.
« Ce serait où ? »
« Principalement Europe de l'Ouest parce que tu connais déjà la Roumanie et un peu d'Europe de l'Est. »
« Ce serait compliqué de pas le faire avec ta famille de guides touristiques » Ronald renifla avec dédain.
«Je le redis encore, si tu veux pas le faire, c'est pas grave. On peut rester s'amuser ici tu sais, avec les autres. »
A l'entente de rester à Shin-Yokohama avec tous les chasseurs, vampires, etc, Ronald eut une petite moue. Il les aimait, bien sûr, mais ça ne lui ferait pas de mal de partir un peu. De n'être pas constamment entouré de gens qui le connaissent et qui connaissent toute sa vie. Il serait avec un vampire excessivement faible et le plus adorable des tatous en Europe de l'Ouest pour s'amuser comme il ne savait pas faire. Ouais, le plan sonnait pas si mal que ça.
Ronald n'était pas un fan d'avion mais ce n'était pas grave car ils feraient tout le reste du voyage principalement en train. Ils commenceraient par l'Italie. L'humain était nerveux tout le long, il ne parlait aucune des langues des pays dans lesquels ils allaient passer. Il baragouinait à peine quelques mots de Roumain que les enfants du clan lui avait appris (des insultes, c'était des insultes) alors d'autres langues, ça semblait impossible pour lui.
Mais il semblait avoir oublié qu'il voyageait avec un vampire de 200 ans, affreusement riche avec un grand-père qui l'avait emmené partout dans le monde. Évidemment que Draluc était polyglotte. Il lui avait même sorti une liste de toutes les langues qu'il parlait mais Ronald avait décroché tellement il y en avait. Il savait simplement que tant qu'ils restaient ensemble, tout irait bien.
Leur hôtel donnait sur une rue très passante, magnifiquement pavée. Les magasins ancrés dans des alvéoles, protégeant de la chaleur écrasante du jour. Et alors que Draluc semblait se réveiller, se frottant les yeux et les posant sur Ronald et John en train de faire une partie de cartes, ils entendirent des bruits qui s'élevaient d'en-dessous de leur fenêtre. Regardant ce qu'il se passait, une enceinte crachait de la musique, fort.
Les gens s'étaient rassemblés spontanément autour du petit groupe qui avait lancé la musique, sans grande intention et une foule s'était formée pour tous se mettre à chanter et danser. En voyant cela, Draluc attrapa précipitamment la main de Ronald et l'entraîna à l'extérieur. John avait à peine eu le temps de s''accrocher à l'épaule du chasseur.
Arrivés en bas, ils se joignirent rapidement à la foule, comme s'ils en avaient toujours fait partie. Les gens semblaient plus hurler que chanter mais l'ambiance était détendue. Des bouteilles d'alcool semblant sortir de nul part circulaient désormais. Les rires s'élevaient et se cognaient contre les murs, se répercutant directement dans les oreilles et le cœur de Ronald. Il regardait tout autour de lui, comme perdu. La seule chose qui l'empêchait de se croire en plein rêve était l'emprise ferme des mains de Draluc sur les siennes.
Le son explosa une nouvelle fois alors que la chanson Sarà Perché Ti Amo résonnait. Ronald ne la connaissait pas. Mais visiblement Draluc oui. Il chantait fort, comme toutes les autres personnes présentes, ses joues rouges, presque sur le point de s'effondrer en tas de sable. Ronald le regardait émerveillé, ne pouvant détacher ses yeux du spectacle de bonheur qui s'offrait à lui.
Et pendant que le chant éclatait, Draluc s'était mis à l'entraîner plus profondément dans la foule, le faisant danser dans un rythme endiablé. Sans se lâcher des mains, ils reculaient, se rejoignaient, tournaient, se balançaient, jetaient leurs pieds, le sourire s'étalant peu à peu sur le visage de Ronald, correspondant à celui de Draluc.
Ronald ne savait pas que Draluc avait autant d'endurance et lui non plus mais il semblerait que la danse improvisée en plein milieu d'une rue passante était une exception. Ils avaient fini par se lâcher, mais entraînés par la foule, ils se mettaient à danser avec des inconnus. Le Japonais serait bien incapable de communiquer avec toutes les personnes qui lui prenaient les mains et le faisait tournoyer mais la danse était en elle-même leur moyen de communiquer, ils n'avaient pas besoin de parler.
Ils finirent par rentrer plusieurs heures plus tard, complètement épuisés, s'effondrant sur le lit. Alors qu'ils étaient sur le point de s'endormir, Draluc prit la parole.
« Je suis désolé. »
« Pourquoi ? » Ronald ne comprenait pas pourquoi le vampire s'excusait.
« Parce qu'on ne peut pas faire de tourisme en pleine journée. Enfin, toi tu peux mais je peux pas t'accompagner, ni John. Je peux pas te faire visiter les marchés, les monuments, je peux juste t'emmener danser dans une fête inattendue. » La voix de Draluc se brisait sur certains mots, ceux qu'il retenait depuis le début du voyage.
« Je m'en fous. Je ... Je suis pas vraiment là pour le tourisme. Enfin, si, mais tu m'as compris. On est là pour que tu puisses me montrer comment vous vous amusez, pas pour les monuments, même si c'est joli. Je suis là pour un autre type de culture. Euh ... Danser ... Danser avec toi et John comme on vient de le faire, ça me suffit. Tu me suffis. » Ronald ne savait pas comment dire ce qu'il pensait mais il espérait que Draluc le comprendrait.
Et il semblait que c'était le cas alors qu'ils s'endormirent main dans la main, la musique finissant de s'éteindre au loin.
Si Ronald pensait que 4 heures de train était beaucoup au Japon, le vampire en poussière lui avait ri au nez et l'avait emmené dans les gares où les files d'attente n'étaient pas vraiment définis. Assis dans un train où il pouvait admirer par la fenêtre des paysages qu'il n'avait jamais vu mais qui semblaient si habituels pour Draluc, il paniqua soudainement.
« Et nos passeports ?? On les montre quand en train ?? A l'arrivée dans l'autre pays ?? »
Draluc explosa de rire, faisant rougir intensément l'humain qui le tua une ou deux fois en représailles. Il reprit la parole alors qu'il se reformait tranquillement.
« Pas besoin, on les a montré à l'arrivée en Italie. Et puisqu'on est dans l'espace Schengen, on peut circuler librement sans les montrer à chaque fois. C'est un espace de libre-circulation entre les pays membres de l'UE. » Draluc avait l'air fier en l'expliquant.
« Sérieux ? Putain, l'Europe est incroyable. » Ronald avait l'air impressionné.
« Ah ah, L'Union Européenne. Pas l'Europe, c'est différent. »
Et tout le long du voyage jusqu'en Allemagne, enfin pas tout parce que c'est vraiment long, Draluc expliqua l'Union Européenne au Japonais, lui parlant de la création, des pays membres, des procédures pour y rentrer qui étaient vraiment longues, le siège du parlement, les décrets, l'aide Européenne aux pays, à quel point ils étaient utiles, et à quel point les élections étaient importantes même si la population ne s'en rendait pas compte.
Ronald était véritablement impressionné de tout le système qui avait été mis en place depuis toutes ces années et comprit mieux pourquoi il avait eu l'air autant en stress lorsque sa procuration avait périmé et qu'il devait la refaire à distance.
Arrivés en Allemagne, Draluc voulut absolument faire connaître à Ronald les festivals de bière. Le plus connu restait l'Oktoberfest à Munich, connu dans le monde entier mais il se déroulait en automne. Mais ils pouvaient en trouver des plus petits dans d'autres endroits. Toutes les excuses pour boire sont bonnes.
Bien évidemment, il n'y avait pas que des Allemands, il y avait également des Belges, des Français, des Suisses, des Autrichiens, des Anglais, des Néerlandais. Ronald qui croyait s'être légèrement habitué à entendre autant de langues différentes était une nouvelle fois complètement perdu. Il agrippa la cape de Draluc comme un enfant qui a peur de se perdre, parce qu'il avait effectivement peur de se perdre.
Après avoir réussi à commander et à enfin se poser à une table, Ronald put déguster une véritable bière Allemande. Et la première gorgée le tabassa. Il était habitué aux bières entre 3 et 5 % d'alcool mais celles-ci dépassaient aisément les 7 % et pouvaient même monter jusqu'à 10. Draluc explosa de rire quand il vit l'humain en train de s'étouffer sur la chaleur qui se répandait dans sa gorge.
L'homme aux cheveux blancs regardait tout autour de lui, voyant des gens descendre cul sec leurs pintes. Il avait l'habitude voir les salaryman se mettre des caisses et s'effondrer dans la rue mais il était sûr qu'il n'avait jamais vu personne boire autant en si peu de temps. Il était un peu effrayé à vrai dire.
John buvait lui aussi de la bière, bien plus habitué que Ronald et semblait n'avoir aucun problème avec, ce qui désespéra fortement le chasseur. Draluc avait un verre de vin de sang, servi par le stand des vampires. La présence du stand étonna l'humain qui le lui fit savoir, accueilli en réponse par un autre rire. Ronald ne savait pas s'il aimait autant entendre ce rire si c'était parce qu'il se foutait de sa gueule.
« Sache, mon cher Ronald, que l'alcool est universel. S'il y a bien quelque chose que les humains, partout où qu'ils soient sur le globe, ont appris, c'est comment faire de l'alcool. Avec tout et n'importe quoi. Surtout n'importe quoi. »
« Sérieux ? » Ronald n'en revenait pas.
« Évidemment. Cherche. Tous les pays du monde ont de l'alcool, tous les pays ont leur spécialité suivant ce qu'ils cultivent. L'alcool est le meilleur ami de l'homme et son moyen le plus facile de se faire des amis. Regarde autour de toi. La plupart de ces gens ne se connaissent pas. Et pourtant ils rigolent ensemble. Parce qu'ils sont certains qu'ils ont une chose en commun, l'alcool. »
« Mais ... et leur santé ? » Ronald était perplexe.
« Ah ça. On ne peut pas être responsable des gens individuellement. Oui, il y a des gens qui ont une consommation excessive, qui tombent dans l'addiction, qui se pourrissent la santé et c'est catastrophique. Mais tant que la consommation est raisonnable, on peut s'amuser avec et ça débride les gens. Tu le vois particulièrement au Japon, non ? Les gens sont timides mais dès qu'ils boivent, ils oublient tout ça et les barrières tombent ? »
« Tu fais pas un peu trop la promotion de l'alcool là ? C'est dangereux aussi. »
« Bien sûr que c'est dangereux mais je pense que ça reste quand même important. Après .... Après la fin de la guerre entre les humains et les vampires, l'un des premiers terrains d'entente, ça a été l'alcool. Parce que chacun a ses propres traditions avec. Et ça va te surprendre d'apprendre ça mais les humains peuvent aussi boire du vin de sang. C'est l'alcool qui a créé un premier pont entre nos peuples tu sais. »
Ronald comprenait mieux pourquoi Draluc était aussi à l'aise dans ce genre de festivals. Pour les vampires et les humains qui s'en souvenaient, l'alcool leur avait permis de se retrouver, de se mettre tous ensemble autour d'une table, peu importe le régime alimentaire et ils arrivaient enfin à s'entendre sur quelque chose, se faisant goûter leurs différentes spécialités.
L'esprit plus léger sur cette connaissance, Ronald profita de la soirée, buvant avec des inconnus dont il ne comprenait pas un traître mot de ce qu'ils disaient mais appréciant ce qu'il avait entre les mains (beaucoup trop de pintes) et les rires gras et joyeux qui résonnaient sous les barnums bringuebalants. Se levant sur les tables et dansant à tomber sur le sol herbeux. Le seul point négatif étant l'immense gueule de bois qu'il se récolta le lendemain.
Draluc n'avait pas été sûr du voyage au début. Il ne savait pas si son colocataire grincheux allait aimer, s'il ne l'entraînait pas tout simplement dans quelque chose qui allait le surpasser émotionnellement. Mais en entendant les rires du chasseur, en voyant ses joues rougies sous l'alcool et l'effort des danses qui ressemblaient à peu près à quelque chose, le vampire à la peau violette ne s'inquiétait plus. Il savait que l'autre s'amusait.
Le vampire sentait son cœur se serrer de bonheur et son corps se réchauffer quand il voyait son familier et son humain préféré (bien qu'il ne lui avouerait jamais) s'amuser ainsi, insouciants. Draluc avait bien sûr assisté à ce genre de festivals avec sa famille mais ce n'était pas la même chose. Il y avait quelque chose de particulier à partager ces moments d'étourderie joyeuse avec son colocataire humain qu'il n'aurait jamais pensé avoir lorsqu'il s'était enfermé dans son château à son déménagement au Japon. Draluc était heureux d'avoir été trouvé par cet homme. Il était heureux de le voir faire l'idiot sur une table avec John sur la tête, aussi fin bourré que lui, sachant qu'il n'arriverait pas à les ramener et devrait demander à des gens présents sur place.
La dernière destination de leur voyage était la France et Draluc l'avait gardé en dernier pour les festivités du 14 juillet. Ronald n'était déjà pas bien fort en histoire Japonaise alors celle des autres pays lui passait complètement au-dessus. Mais le terme de « fête nationale » était connu partout dans le monde et peu importe la raison, ce n'était qu'une excuse de plus pour faire la fête toute la nuit, danser à s'en épuiser et boire à s'en faire péter le foie.
Draluc ne voulait pas l'emmener à Paris, même si les festivités seraient bien entendues exceptionnelles. Il voulait de l'authentique, du populaire, il voulait du kitsch avec des vieilles dames qui dansent en groupe sans jamais se tromper dans les pas. Et les petits villages étaient les meilleurs pour ça. D'autant plus lorsqu'il voyait le visage ravi de Ronald lorsqu'il payait en euro à la buvette. Il s'était exclamé sur cette monnaie commune, n'en revenant pas qu'ils n'avaient même pas à passer par le bureau de change, la carte de Draluc fonctionnant dans tous les pays par lesquels il passait.
La soirée commença doucement avec l'apéritif et le repas, Draluc s'amusant à lui servir un kir nature, voyant qu'il ne comprenait pas le problème. Le coup d'envoi fut définitivement lancé lorsque les musiques traditionnelles se lancèrent et que Ronald vit toutes les vieilles personnes se lever d'un seul coup et se diriger vers la piste de danse d'un air décidé. La piste de danse n'en était pas vraiment une puisque toute la scène, les tables pour manger, la buvette étaient installées sur le parking du gymnase de la commune.
En les voyant, Ronald fut véritablement impressionné de les voir toutes synchronisées. Il se demanda même si elles ne feraient pas de l'ombre aux idoles. Mâchouillant sa galette saucisse, il fut subitement entraîné sur la piste lorsqu'une nouvelle chanson se lança. Ronald ne comprenait pas. Il ne comprenait pas pourquoi la formation de la danse avait changée. Il ne comprenait pas pourquoi il avait été traîné. Il ne comprenait pas pourquoi il était sur la piste de danse. Et il ne comprenait pas pourquoi il essayait de suivre les mêmes pas que les autres.
Rigolant, Draluc lui cria à travers la musique que c'était un madison et qu'énormément de personnes le dansait, c'était un vrai classique. Ronald ne savait pas quoi faire de ses mains et encore moins de ses pieds. Il regardait tout autour de lui, toutes les personnes complètement détendues, chantant même, comme si c'était aussi naturel que de respirer. Personne ne pouvait rater à quel point il était mal à l'aise dans le groupe, ratant les pas, ou les réalisant en retard.
Il voulait sortir de la ligne de danse, il se ridiculisait, il le savait. Alors qu'il baissait la tête, vaincu, sur le point de partir, une dame âgée lui prit les mains et sans rien dire, l'entraîna avec elle, réalisant les pas suffisamment lentement pour que Ronald puisse les suivre. La dame ne disait rien de plus, se contentant de chanter et de lui sourire chaleureusement, le guidant et faisant correspondre leurs pas. Lorsque Ronald eut enfin un minimum d'assurance, elle le lâcha, le jetant presque dans les bras de Draluc qui le réceptionna tant bien que mal.
Le madison continuait, cette fois-ci en couple et Draluc guidait Ronald à travers les pas que la vieille dame lui avait appris. L'humain était surpris qu'elle l'ait fait si spontanément et Draluc, près de son oreille lui murmura que c'était le principe même des bals populaires. Si vous ne connaissez pas les pas, quelqu'un vous apprendra parce qu'il y a quelqu'un qui les connaît. Peu importe votre niveau. Si vous voulez apprendre, vous apprendrez. Si vous voulez transmettre, vous transmettrez.
Les chansons défilaient et Ronald constatait que Draluc, toujours dans ses bras semblait détendu. Autant que dans cette rue animée en Italie. Il se pencha et chatouillant son oreille lui demanda s'il s'amusait lui aussi. Un immense sourire aux lèvres, le vampire lui répondit qu'il adorait ça. A la fin de la guerre, pour essayer de renouer des contacts avec les humains, les festivals et bals étaient des lieux privilégiés.
Ils se déroulaient la nuit, il n'y avait pas besoin de forcément parler, on pouvait trouver quelqu'un pour nous aider si on ne connaissait pas la danse, on buvait, on chantait, on s'amusait toute la nuit. Pendant longtemps, son père et le reste de son clan avaient interdit à Draluc toutes sortes d'activités trop intenses pour lui, de peur qu'il s'effondre en poussière. Mais son grand-père était le seul qui lui avait fait confiance, qui savait à quel point Draluc avait envie de sortir du château familial et de ce carcan de surprotection.
Alors Goshinso l'avait emmené dans des bals populaires. Des personnes qu'il ne connaissait pas et qu'il ne reverrait sans doute jamais lui avait appris à danser toutes sortes de danses, aussi bien traditionnelles et folkloriques et celles où l'on sautille et l'on tournoie sur soi-même. Draluc chérissait ces souvenirs où des vieilles dames, enchantées par son apparence mignonne lui apprenait des danses de groupe tout en regardant du coin de l'œil son grand-père qui le regardait, les pouces en l'air, l'encourageant à s'amuser toujours plus.
Et maintenant, c'était Draluc qui y emmenait Ronald et John, les faisant danser comme il avait dansé enfant, à bout de souffle mais complètement heureux. La chanson d'après tira un autre sourire de Draluc alors qu'il entraînait Ronald pour Cotton Eye Joe. Ne lâchant jamais ses mains, ils passèrent sous une file de personnes qui leur faisait un toit, et au bout de la file, lever eux aussi les bras pour que ceux d'après puissent faire la même chose. Et continuer jusqu'à la fin de la chanson.
Ronald était heureux car c'était quelque chose de facile à comprendre qu'ils reproduisaient et il n'avait pas besoin de connaître une danse entière. Ils s'amusaient juste à passer en-dessous des autres et à faire la même chose pour eux.
Et lorsque celle-ci fut finie, Ronald pensant qu'il allait enfin pouvoir se poser deux minutes pour reprendre son souffle et boire un immense verre d'eau, il fut ramené au centre de la piste de danse. Le Mambo No°5 résonnait et alors que Draluc criait les paroles dans ses oreilles, il le faisait bouger dans tous les sens. Ils se rapprochaient, s'éloignaient, se faisaient tourner, soufflaient, ayant du mal à reprendre leur respiration correctement, balançaient leurs pieds en tous sens, créant leur propre danse qui n'avait de sens que pour eux.
Le refrain tambourinait dans leur poitrine, trop près de la scène et des enceintes, Ronald ne put s'empêcher d'attraper le vampire à l'air extatique par le derrière des cuisses et le souleva d'un seul coup. Ils attirèrent l'attention, un humain au tee-shirt trempé de sueur qui collait à sa peau et laissait apercevoir sa musculature puissante portait au-dessus de lui et faisait tourner un vampire au rire éclatant qui s'accrochait autant qu'il le pouvait aux épaules de l'autre, sa cape claquant au vent.
La chanson se terminait et Ronald reposa au sol Draluc qui tangua légèrement, une partie de ses jambes sur le point de s'effondrer en sable. Ils étaient assoiffés et se précipitèrent sur la bouteille d'eau, grâce salvatrice après la danse endiablée qu'ils venaient de fournir au public qui les avaient d'ailleurs acclamé. Les concours de danse dans leur appartement avaient finalement du bon si la joie de se faire applaudir pour une simple danse par des gens qu'ils ne connaissaient pas procurait autant de plaisir.
Après avoir enfin repris leur souffle et s'être réhydratés correctement, la musique se coupa pour laisser une annonce au micro. Ne comprenant pas, Ronald se tourna vers Draluc pour avoir une traduction. Celui-ci se contenta de se lever de sa place sur l'un des longs bancs en bois et tendit la main pour que l'autre la lui prenne. Ce que Ronald fit sans hésitation.
Se dirigeant sans précipitation vers une zone un peu plus loin, Draluc passa son bras dans celui de Ronald, tandis que celui-ci portait John dans son autre bras. John qui était aussi épuisé que ses parents de substitution. S'asseyant sur un bout de trottoir qui donnait vue sur une grande zone dégagée, Draluc expliqua enfin que le feu d'artifice allait commencer.
« Ils en ont aussi ? »
« Évidemment. Les feux d'artifice sont universels eux aussi. Tout le monde les tire pour la nouvelle années par exemple. » Draluc rigola bien plus calmement que les autres fois.
« Et ils tirent le feu d'artifice pour quoi ? Il y a bien une raison ce soir en particulier si c'est la fête nationale. »
« Ils fêtent la décapitation du roi. » Draluc le lui dit le plus tranquillement du monde.
« Quoi ?! » Ronald avait tiré les yeux les plus ronds que Draluc n'avait jamais vu.
« C'est pour fêter la Révolution Française et d'avoir détrôné la royauté. Avec cette Révolution, ils n'ont plus eu de roi au pouvoir et ont pu instaurer une démocratie. Et pendant cette Révolution, ils ont décapité leur roi avec la Guillotine. Et ils fêtent cette mort en gros. »
« Les Français sont bizarres. » Ronald se massa le cou, comme incertain de la méthode.
« Les Français ont la révolte dans le sang. Les conditions étaient difficiles, c'est normal ce qu'ils ont fait. »
« Oui mais c'est certainement pas les Japonais qui l'auraient fait. On a encore un empereur nous. »
« Pas comme s'il servait à quelque chose. Mais cette liberté leur est très précieuse. Et c'est aussi ça qu'ils fêtent, la liberté. C'est carrément dans la devise du pays. » Draluc continua d'expliquer.
Pendant que le vampire finissait d'expliquer le pourquoi du comment, le feu commençait. Les couleurs explosaient dans le ciel en différentes formes. Le bruit soudain et les lumières vives explosèrent en même temps dans tout le corps de Ronald, le faisant frissonner. Les traînées de lumière montaient et éclataient, illuminant le ciel pendant de courts instants. Des serpentins dorés, des points rouges et verts, des explosions bleues.
Ronald ne pouvait détacher son regard des illuminations, les couleurs se reflétant sur son visage. Draluc le regarda un instant, comme hypnotisé, admirant la beauté du feu d'artifice dans les yeux du chasseur. Son corps se détendit complètement alors qu'il se penchait, son bras toujours dans celui de Ronald et qu'il reposait sa tête sur l'épaule de l'autre, qui n'avait absolument rien remarqué. Le bruit était assourdissant, la fumée des feux tirés commençait à se répandre autour, laissant une odeur caractéristique que Ronald n'avait jamais su qu'elle existait, étant toujours trop éloigné des feux au Japon.
Le feu d'artifice dura bien dix minutes complètes. Dix minutes de pur bonheur où Draluc fredonnait les chansons qui accompagnaient les lumières. Où Ronald ne pouvait s'empêcher de sourire bêtement. Où John, blotti dans le bras de Ronald tapait joyeusement des mains. Où chacun sentait poindre des larmes d'allégresse sans qu'ils ne le veuillent, trop heureux de cet instant qu'ils auraient aimé qu'il dure toujours.
Lorsqu'enfin le feu se termina, que les lumières brillantes et aveuglantes laissèrent place aux étoiles scintillantes si hautes dans le ciel après un final en apothéose, le public applaudit le travail absolument fantastique des artificiers. Peu à peu, la foule se déplaça à nouveau pour retourner vers la scène et les tables. Le trio attendit que le plus gros de l'assemblée soit déjà parti avant de se lever lentement, encore sous le coup de l'émotion.
Lâchant Ronald, il se plaça devant lui et avec un sourire bien plus doux que tous ceux, euphoriques, qu'il avait depuis le début de la soirée, tendit, encore, sa main vers l'humain. Ronald la prit naturellement, comme si c'était la partie de lui qui manquait pour qu'il soit enfin complet. Reflétant son sourire serein, il passa devant et ce fut lui qui entraîna son colocataire pour retourner sur la piste et pouvoir danser jusqu'au bout de la nuit, comme s'il n'y avait rien d'autre qui comptait au monde.
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J'aime visiblement beaucoup trop faire danser ronadora. J'aime faire danser tous mes ships mais ronadora est un peu spécial parce que c'est canon. Ils dansent ensemble dans l'opening 1 et font des concours dans l'anime alors une fic dessus est évidente.
J'ai eu l'idée de la fic lors de la soirée du 13 juillet de mon patelin dans les mêmes conditions que je dis dans la fic. Lorsque j'ai vu tous ces gens s'amuser autant en dansant sur des chansons qui peuvent paraître kitsch, j'ai absolument voulu l'écrire. Et ronadora s'est révélé évident, surtout pour la scène où Ronald porte Draluc. Le reste s'est construit naturellement autour.
Quant à la scène où Goshinso regarde Draluc apprendre à danser, c'est tiré de faits réels. Il y a deux ans, je suis allée à un festival de vielle à roue avec mon grand-père maternel. Il y avait une scène et je voulais absolument danser mais j'avais peur parce que je ne connaissais pas les pas. Il m'a alors montré un monsieur qui demandait à beaucoup de personnes si elles voulaient danser en disant qu'il était là tous les ans et d'aller le voir. Ce monsieur m'a alors montré les pas et m'a appris cinq minutes à danser pendant que mon grand-père nous regardait faire depuis son banc.
Playlist écriture : - "Sarà Perché Ti Amo" Ricchi E Poveri
Sinon, comme d'habitude, en espérant que vous avez aimé ^^
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