Partie 9

8x05 The Big scary U

For Emma - Bon Iver  

---

-S'te plaît Simon... murmure la femme, se balançant de plus en plus contre la paroi.

Sa tête vient taper d'abord doucement, lentement, contre la porte close. Puis, comme si un certain réconfort prenait place, elle imprime un rythme et une force plus soutenus, ne tenant pas compte du tambourinement qui ne tarde pas à résonner dans le couloir tout entier.

S'te plait, s'te plait, s'te plait... berce la voix d'Emma dans sa tête au rythme des coups contre le haut de son front.

Mais au bout de plusieurs minutes, rien ni personne ne revient.

Même la chanson s'est arrêtée. Même la lumière s'est éteinte.

Alors Emma s'accroupit, toujours si lentement, se souvenant que Simon a livré sa pitance du jour qu'elle retrouve à quelques centimètres de ses pieds sales.

Elle tatonne et trouve la croute de pain dur, et la matière qui le recouvre. Elle sait que c'est de la bouffe pour chien. Elle en a déjà mangé les premières fois où il la lui a servie. Elle n'a même pas faim. Et elle sait que même sans appétit, il faut qu'elle mange un peu si elle veut tenir. Surtout qu'elle n'a déjà plus d'eau. Alors si la pâté est un peu humide, ce sera toujours ça de pris.
Si même les chiens n'en meurent pas, elle ne devrait pas en crever.
Et si non, quoi ?
Qui s'en soucie davantage que Simon ?
Qui sait où elle est vraiment, si ce n'est Simon ?
Alors à quoi bon ?

En plus, l'odeur est presqu'appétissante en l'approchant de sa bouche, même si elle ne sent plus vraiment l'odeur générale dans la pièce où elle croupit.

Elle ouvre à peine plus sa machoire, quand sa lèvre supérieure effleure quelque chose de mouvant, ne s'attendant qu'à la pâtée inerte.

Dans un réflexe, elle lâche le tout qui retombe sur le béton sale.

Se recroquevillant davantage sur le sol, essayant de s'aider de la faible lumière passant sous la porte, elle fixe la tartine éclatée au sol. Le petit monticule sombre qui en fait la garniture bouge lentement sous ses yeux. Indéniablement.

De petites créatures plus blanches, plus pâles gigotent au milieu de la viande pourrie.

"Sale connard... murmure la femme.

Alors elle reprend la tranche de pain qu'elle tapote contre le sol, pour en décoller le reste de viande qui tombe mollement.

Elle croque avec précaution le bord plus durci du morceau de croute. Mais une fois dans sa bouche, au bout de deux ou trois mastications laborieuses, un goût de moisi envahit encore sa bouche.

Emma ferme les yeux, s'appuyant contre la porte, assise, levant la tête au plafond, continuant de mâcher malgré le dégoût et la saliver qui lui remonte du fond de la gorge dans un réflexe de régurgitation. Ce sera son seul repas jusqu'à longtemps. Elle ne va pas en mourir. Des spasmes un peu douloureux tout au plus. De toutes manières, son corps entier n'est que douleurs musculaires ou articulaires. Si son ventre s'y met, elle n'en crèvera définitivement pas.

Puis la lueur sous la porte se répendant sur le sol, et l'accomodation de ses yeux faisant, elle découvre, plus au fond de la pièce, une forme plus ronde. Elle s'en approche à quatre pattes, posant d'abord quelques doigts dessus, avant de s'asseoir encore à côté. Une pomme. Une pomme a roulé jusque là, lors du laché dédaigneux du repas frugal. La peau est déjà flétrie voire molle sous ses doigts. Mais ça peut le faire. Emma l'approche de sa bouche et la croque sans précaution. Mais ses dents entrent dans une matière presque liquide, une saveur de champignon moisi inonde sa bouche et elle doit tout recracher. Elle balance la pomme pourrie elle aussi contre la porte.

"Sale connard d'enfoiré !" crie-t-elle, seule dans sa cellule.

.

.

"Te voilà là toi aussi, ma pauvre...

Emma sursaute, ouvre les yeux. Une silhouette plus sombre se tient en face d'elle, appuyée contre la paroi froide de la porte de métal.

"Finalement, il m'a mieux traitée que toi... Je suis désolée Emma...

-Désolée de quoi... tu n'y es pour rien... Tu t'es sacrifiée pour nous... C'est plutôt nous qui nous en voulons de t'avoir perdue...

-On a tous fait des sacrifices, tu sais... Je suis venue volontairement ici... pas toi.

-C'est vrai que je ne pensais pas y rester dormir... rit Emma amèrement.

-Moi, j'ai fini par m'endormir... sans doute...

-Tu as fait quelque chose d'héroïque pour nous sauver tous... pour tenter du moins... Et voilà où nous en sommes...

-Tu dois tenir... tu peux le faire Em... il faut que tu le fasses. Daryl, Rick... Tara...

-Je sais... Je n'ai pas l'intention de pourrir là... Il va peut être venir ?... juste le temps qu'ils sachent, sans doute... qu'ils s'aperçoivent...

-Il va venir te chercher...

-Vous nous manquez tellement... Glenn... Abraham... toi... Si tu savais... ne retenant pas ses larmes brûlantes sur sa voix. Ne m'en voulez pas pour ce que j'ai du faire... s'il vous plaît...

Emma relève les yeux vers le mur, s'obligeant à sourire faiblement pour ne pas pleurer carrément.

"Il n'y a que les vivants qui ont des reproches, Emma...

La silhouette s'estompe, se fondant avec le mur.

La voix chaude de Sasha résonne encore contre son crâne alors que la musique revient taper contre les parois du couloir...

.

.

Cette musique... Cette odeur... cet enfer...

Emma s'oblige à respirer profondément, pour sortir de là, coûte que coûte.

Elle s'allonge, se recroqueville, étendue sur le béton sale et tiède du sol, sur le côté, ramenant un peu ses jambes contre elle, serrant ses bras aux poignets noués contre sa poitrine, en foetus.

Au bout d'une seconde, ou d'une heure, elle sent à nouveau la chaleur réconfortante contre son dos, le poids du bras sur ses côtes. Elle entend tout autant le souffle tiède venant se poser régulièrement sur le haut de sa tête.

Elle n'a pas pris le temps de réaliser le confort, la douceur et la paix de ce moment, unique, quand il était encore réel. Et ce n'est que maintenant qu'elle en perçoit toute la richesse, et tout le regret de l'avoir laissé filer sans en profiter une seconde de plus. Ne pas avoir mesuré a sa juste valeur toute la gratitude et le bien être que ce moment lui a procurés.

Daryl est venu contre elle de lui-même, profitant de son sommeil ou obéissant peut être à une envie personnelle et bien consciente de se rapprocher d'elle volontairement. Un frisson la secoue dans sa somnolence. Comment a-t-il pu éprouver une envie pareille ? Comment a-t-il pu être ne serait-ce qu'attiré physiquement par ce corps qui est le sien ? Elle se dégoûte tellement. Par ce qu'elle est. Mais bien plus encore par ce qu'elle a fait dernièrement. Personne ne peut être attiré par elle. elle en est convaincue. Depuis des décennies. Depuis toujours. Elle s'est toujours étonnée d'avoir plu ne serait-ce qu'une journée, un mois, une année, à Mark. Puis elle s'est convaincue qu'il n'y aurait que lui et qu'elle avait une chance impensable de plaire à son homme blond. Alors il n'y a eut finalement jamais que lui. Et elle en a été heureuse, pleinement. Le temps qu'on a bien voulu leur donner.

Jusqu'au chasseur.

Aujourd'hui, Daryl semble éprouver la même chose ? Impossible. L'apocalypse change indéniablement les hommes. Dorénavant, elle y est confrontée tous les jours de sa vie. La fin du monde rend les pourris encore plus ignobles et les bons... beaucoup moins exigeants, visiblement. Le souffle de l'homme près d'elle résonne encore dans ses oreilles, si vivant, si réel. Elle s'en veut de n'avoir jamais osé. Que risquait-elle alors ? Qu'il la rejette. Et alors ? Elle n'en serait pas morte. Elle aurait été fixée. Et même s'il n'en avait pas voulue, cela n'aurait rien changé pour elle.

Le chasseur fait partie de sa vie depuis des mois maintenant. Il fait partie d'elle depuis aussi longtemps. L'idée la frappe comme une gifle en pleine figure, cuisante, évidente, libératrice aussi. Dans son demi sommeil, elle a coupé sa respiration inconsciemment et cette vérité lui faire reprendre son souffle d'un coup, lui faisant ouvrir les yeux, lui faisant reprendre pleine conscience dans le noir.

Emma se redresse comme sortant d'un doux cauchemar, comme ressuscitée par une vérité qui était pourtant là depuis une éternité, latente, qu'elle n'osait juste pas prendre en compte. N'osant ne serait-ce que l'effleurer du doigt de peur qu'elle ne disparaisse.

Comme il est venu à elle dans son sommeil, Emma s'accroche à ce sentiment bien réel qui lui explose le coeur et les tripes et dont elle n'a plus honte. Parce que c'est lui qui va la faire se tenir debout et sortir d'ici.

C'est le chasseur qui va l'aider à affronter les Sauveurs. Tous autant qu'ils sont si besoin. A commencer par Simon. A commencer par Negan.

.

.

Du mouvement.

D'un sursaut, Emma émerge de sa léthargie piétinée par le martèlement sur le sol de béton des pas lourds qui approchent.

"Ouvre la 2, dit sèchement un homme.

-C'est laquelle ?

-Celle-ci crétin... l'autre est vide... faudrait pas qu'on s'trompe et qu'on oublie où t'es et qu'on puisse plus jamais te retrouver, pas vrai Curé ?! ricane le premier, mauvais.

Emma se redresse en entendant le surnom prononcé. Gardant le silence, elle se traîne près de la porte, du fond de sa minuscule cellule, collant sa joue humide contre le sol, faisant fi des odeurs d'urine et de moisi lui agressant l'odorat, pour tenter de percevoir quelque chose par dessous la porte.

"Grouille toi, j'ai envie de voir comment Simon va se faire fumer, continue le premier.

-Il va rien lui faire, t'es con...

-Simon et Regina ont quand même bien gueulé ! Elle a quand même tiré sur les ouvriers, cette tarée ! Faut pas qu'ils se croient tout permis ces débiles, franchement !

-C'est bon, tu t'enflammes. Voilà mon Père, votre suite est prête... poussant la porte grinçante. En vous souhaitant un agréable séjour parmi nous...

-C'est toi qu'es con... rigole encore le premier, poussant l'homme dans la pièce noire.

-Ba quoi ? Negan a dit de le mettre dans la salle 2... gentiment...

La porte claque. Le verrou tourne dans la serrure et les deux hommes s'éloignent dans leurs rires gras et contents d'eux-mêmes.

Emma patiente encore quelques secondes. La lumière du couloir s'éteint subitement, le minuteur déclenchant l'interrupteur.

"Gabriel... ? appelle-t-elle doucement, collée au sol.

-...

-Gabriel ! Dis moi que c'est toi, j't'en prie...

-Emma... murmure enfin l'homme.

-Merci mon Dieu...

-J'ai merdé Emma... J'ai gravement merdé...

-Ca va aller Gab'... je te promets que ça va aller...

-Nan... rien ne va plus aller...

-On est vivants mon Père...

-T'es mignonne...

Emma reste étendue sur le sol. Elle n'est plus seule dans son trou à rat.

L'air devient de plus en plus suffocant et les deux amis restent silencieux, tombant dans une nouvelle léthargie trop lourde, durant des heures, des jours, ou quelques minutes.

Elle prend conscience du bruit de vrombissement ambiant qui la berce quand il ralentit pour s'éteindre complètement. Mais après un battement de cil, la torpeur l'emporte encore.

Un claquement lointain résonne jusqu'à eux.

Emma sursaute, ouvrant grand les yeux dans la pénombre épaisse.

"Gabriel ? demande-t-elle, s'assurant de sortir de son rêve.

- Mmmh

-Je n'ai donc pas rêvé que tu étais là...

-Je suis là Emmanuelle... Je mérite d'être là... je suis bien à ma place pour une fois.

-Personne ne mérite ça...

-Non. Surtout pas toi.

-Qu'est ce que tu en sais... souriant tristement.

-Je viens de rencontrer les deux plus grands lâches de ce monde fini... Ils devraient être tout deux enfermés ici... au moins. Ou rôdeur au mieux... Mais un seul subit sa peine dans cette cellule. Tu es bien loin du compte petite, crois moi... bien loin... du compte...

-Gab... Quoi que tu aies à te reprocher, tu t'es largement racheté depuis... Toi qui apprends le pardon aux autres tu...

-J'ai encore une chose à faire. Une seule. et ce n'est surement pas celle de m'accorder ne serait-ce qu'une once de miséricorde...

-C'est toujours le cordonnier le plus mal chaussé... sourit Emma. Mais tu y parviendras mon Père... Tu y parviendras... refermant les yeux sous la chaleur harassante.

-Voilà la voix de la paix intérieure... La dernière que j'ai entendue avait quatre-vingts quatre ans...

-Elle devait être formidable...

-Ma grand-mère était la plus belle des femmes... Mais tu es déjà plus loin Emmanuelle... Dis moi alors ton secret pour être parvenue à vaincre aussi ta culpabilité...

-Je ne l'ai pas vaincue. Elle est toujours là. Près de moi. Toujours plus près. Voilà pourquoi. Je la garde au chaud. Je la nourris.

-Tu ne fais rien de mal Emma. Je ne t'ai jamais vue commettre de crime ou même de pêché...

-Tu ne me connais pas mon Père...

-Peut être... mais... tu n'es pas la pire... loin s'en faut... Tu ne repends pas la méchanceté ou la jalousie autour de toi.... tu ne parles pas mal de ton prochain...

-...

-...tu ne gardes pas tout pour toi, tu ne manges pas plus que ta part...

-....

-Tu n'as fais de mal a pereonne de façon invivable... tu n'as tué  personne volontairement et gratuitement...

-... J'ai tué mon enfant il y a trois jours. Et ma Lisa avant lui...

-... L'enfant... ne cachant pas sa surprise dans sa voix malade et froide.

Infanticide... est-ce vraiment pire que la pire des lâchetés ? Par les temps qui courent ? Sans doute. L'enfant est on ne peut plus l'avenir de ce monde décharné, sans doute son seul espoir de renaissance.
Le crime impardonnable par excellence.

"Comment as-tu osé... crache le pasteur noir, ne sentant plus la tête lui tourner.

Emma entend les mots qui viennent jusqu'à elle, la faisant se recroqueviller sous le spasme de ses tripes qui se contractent sous le rejet acide et sans appel de l'homme de foi.

.

.

"Comment ça, il manque Emma ? grogne Daryl. Comment il peut manquer Emma ? Pourquoi l'avoir mise avec Gabriel ?!

-Parce que je pensais qu'elle ne risquerait rien avec lui, qu'il ne se mettrait jamais vraiment en danger. Et je l'avais positionné en arrière...

-Alors elle est où bordel ? gronde Daryl face au shérif droit mais impuissant face à lui.

-On va aller la chercher.

-Où ?! crie le chasseur.

-Au Sanctuaire... sans doute...

-Tu te fous d'ma gueule ?! reculant d'un pas, comme pour éviter le gouffre qui s'ouvre devant ses pieds.

Tara gémit derrière les deux hommes, sa main sur sa bouche, les yeux écarquillés, commençant à marcher en rond sous l'inquiétude qui emplit ses veines.

Daryl se retourne vers elle, excédé.
"Pourquoi tu chouines toi ?!! gronde-t-il.
-Quoi ?! répond elle, les yeux déjà luisants.
-Daryl... le prévient Rick calmement.
-Pourquoi ça a l'air de te bouleverser, de te rendre malade là ?  grimaçant de dégoût.
-C'est mon amie... je m'inquiète pour elle.... incrédule qu'il s'en prenne à elle.
-Rick, Michonne, même Carl peuvent être inquiets, mais toi... T'es quoi pour elle au juste ?
-Daryl !! intervient Michonne. Laisse la... posant une main sur son épaule. On est tous inquiets là...

Rick et Michonne se regardent un instant, gênés. Carl baisse la tête,  faisant quelques pas pour s'éloigner.
Tous les trois revoient l'étreinte et le baiser que la brune a donné à Emma avant de partir.

Tara les regarde tous un à un, interloquée, pour revenir vers Daryl. Elle ne met pas de temps à comprendre qu'ils ne lui seront d'aucune aide.

"Et toi ? Elle est quoi pour toi ?! reprend la brune en  fronçant les sourcils, portée par sa propre colère cette fois.
-Qu'est ce que tu dis ?! marmonne-t-il.
-Emma, que représente-t-elle pour toi ?  le pointant du doigt.
-Les gars... supplie Rick, las, comprenant que ce n'est pas terminé.
-Elle...
-Vas y je t'écoute ?  Est ce que tu lui as ne serait ce qu'un peu parlé dernièrement ?  Sans lui gueuler dessus, je veux dire ?
-Je... regardant au delà de Tara.
-T'étais là, dans la 74 quand el... !!
-TARA ! Ça suffit, somme Maggie.
La brune fixe la veuve une seconde. Avant de fixer encore le chasseur, le regard sombre.
Daryl à maintenant la tête baissée, visiblement blessé par des mots. Tara réalise qu'elle n'a pas besoin d'aller plus loin. Il est aussi meurtri qu'elle l'est.

"Il l'a briefée... intervient Rick à son tour voyant son ami perdre ses moyens. Il lui a expliqué notre plan,  lui a filé ses armes avant de partir... pensant que ça allait calmer la rancoeur de la brune.
-Parfait, alors... sourit elle amèrement sans lâcher le chasseur des yeux. Mais lui as tu dis ne serait ce qu'au revoir ?...

Non,  finalement c'est plus fort qu'elle. En tout cas son inquiétude lui a fait dire les mots de trop.
Daryl la fusille d'un regard noir, avant de la bousculer pour sortir.
Tara se demande subitement si le chasseur l'a vue embrasser Emma en se tournant pour le regarder fuir une nouvelle fois. Et s'il ne savait pas, pourquoi s'en était il pris à elle ainsi ?

"Oh putain... jure le shérif plus bas en baissant la tête.

Tara recule vers un des bancs pour s'y asseoir, tremblante, sursautant en entendant claquer les portes de l'église derrière Daryl furieux.  Elle sait qu'elle a eu tort. Mais elle se sent libérée d'un poids. Et c'est lui qui l'a attaquée de front.

Ils avaient si bien travaillé. Tout s'était si bien passé. Ils avaient réussi à tout déclencher comme prévu. Tout roulait comme sur des roulettes.

Sauf pour le pasteur.

Sauf pour Emma.

.

"J'arrive, sale débile ! râle Simon en s'approchant de la porte close dans le couloir où la lumière criarde vient de se déclencher.

-Je reste aimable avec toi, Simon, parce que nous nous devons de garder des relations civilisées maintenant que le monde va à vau l'eau. Tu n'as donc aucune raison d'être avec moi plus que tes camarades insult... surgit Eugène au coin de la coursive, à sa suite.

-Ta gueule, lui assène simplement l'homme en ouvrant la porte d'un coup, indifférent, l'interrompant dans sa tirade dépourvue de la moindre intonation émotionnelle.

Eugène s'immobilise à côté du grand homme, tout près, trop près, comme réalisant où il se trouve, tournant et levant la tête au plafond, avant de regarder à l'intérieur de la cellule sombre et dont l'odeur nauséabonde lui saute au visage, comme à chaque fois.

"J'croyais qu'on n'avait personne dans cette cage en ce moment... La salle 2... tournant son regard vers la porte voisine. Mais la salle 1 doit êt...

-Je t'ai dit quoi, putain ?! le toise le moustachu.

-De la fermer...

-C'est trop compliqué pour toi, c'est sûr... soupire l'homme en faisant un pas dans la pièce qu'il vient de déverrouiller et d'ouvrir violemment.

Emma ouvre les yeux avec difficulté, posant une main sale sur son visage pour atténuer la clarté de la lumière trop vive qui éclaire son visage, et tout son corps recroquevillé au sol dans le carré de lueur grise créée par la porte ouverte de la cellule.

"Aller debout P'tite Souris... dit l'homme en se penchant légèrement, tendant la main vers la créature au sol.

Elle le toise, profitant de l'ombre longue qu'il porte sur elle de son grand corps. Elle se redresse assise et se met lentement debout. Elle perçoit déjà l'impatience que ses mouvements lents suscitent en lui, mais elle n'a plus peur de rien. De toutes manières, ses membres ne lui obéissent qu'à moitié, et sa tête a lâché l'affaire depuis longtemps. Même après Gabriel.

"Mais c'est quoi cette fille ? Qu'est ce qu'elle fait là ? demande encore Eugene en la voyant approcher.

Comme s'il s'agissait d'une créature démoniaque, rabougrie, le visage pale et sale, barré de longues mèches noires emmêlées et douteuses. Une entité cauchemardesque ayant élu domicile dans cette cellule sale et noire. Un être répugnant au possible.

"On va la ramener aux femmes. Elles vont s'occuper d'elle, explique froidement Simon sans regarder l'homme planté sur le seuil.

Il pousse la femme devant lui, sous l'oeil scrutateur du plus petit qui la détaille sans gêne, indifférent. Puis il se précipite derrière les deux individus qui avancent rapidement dans le couloir. Eugene est curieux de voir ça. Au moins il ne sera pas la cible de cette mise à nue.

-Ca répond pas à la question, continue le pseudo scientifique, trottinant derrière son grand accolyte.

-Parce qu'y a pas de question. Ta gueule Eugene. C'est ma seule réponse, putain, t'es vraiment chiant comme mec...se retournant vers lui, en continuant d'avancer. Si t'étais pas à moitié handicapé, j'te tabasserais bien dans un coin, j'te promets...

-Je ne suis pas handicapé Simon... déclare platement Eugene, comme une évidence.

-Tu devrais faire des tests quand même... nan ? T'en penses quoi P'tite Souris ? se penchant en avant, pour approcher sa bouche de l'oreille de la petite femme qui galope devant lui.

-Elle est quasiment toute nue... continue Eugene.

-Par contre, t'as pas besoin de lunettes mon pote, je te confirme ! sarcastique.

-J'croyais qu'on leur mettait le jogging à tous...

-C'est pas la même procédure pour celle-là...

-Y a qu'une seule procédure Simon...

Mais il a sans doute raison. Pour les êtres démoniaques, c'est une autre procédure. Forcément.

-Putain... tu me fais chier... s'immobilisant subitement dans le couloir, retenant la fille en attrapant quelques mèches, tirant sa tête en arrière sans prévenir, tandis qu'Eugene s'arrête à sa hauteur.

L'homme le regarde froidement, levant ses yeux sombres et sa moue éternellement dubitative vers le grand moustachu, pas impressionné pour un clou.

"Negan sait pas que j'ai cette fille, tu piges ?

-Alors même si tu as déjà provoqué un vice de procédure sur une règle que tu n'as pas su respecter dès le début alors qu'elle est fondatrice de toute la tenue et du respect du système tout entier, t'as pas l'droit...

-J'ai pas... quoi ? Mais on n'a pas huit ans mon pote ! J'fais c'que j'veux ! grimace le moustachu.

-N'empêche que t'as pas l'droit. Et tu le sais. Negan n'aime pas ça. Surtout avec les filles. Aussi démoniaques soient-elles.

-Tu vas vraiment finir par crever, planté derrière une porte, j'te jure...

Simon ne prend pas la peine de relever sa dernière remarque, le considérant comme définitivement irrécupérable. Eugene s'applique à regarder encore une seconde entière la prisonnière qui reste figée, droite, prête à repartir, le regard bloqué face à elle, face au couloir qui s'ouvre devant eux.

"En plus c'est Emma, déclare-t-il pour se rassurer et enlever l'option démon qui saute et rebondit dans sa tête.

-Quoi ? Tu connais cette fille ? fronçant les sourcils, sentant que la situation dégènère.

-Negan va t'en vouloir.

-Negan va rien m'en vouloir du tout... Les filles vont la décrasser et il n'y paraîtra rien, d'ac' mon pote ? Il v...

-Daryl aussi.

-Quoi... ? Daryl ? C'est qui Daryl ? secouant la tête d'incompréhension.

-Son mec... et il est pas commode... crois moi... j'préférais Abraham, et il m'a foutu un pain qui m'a mis pourtant K.O. pendant des heures en plein soleil... mais j'préfère Abraham à Daryl... Tu sais pas c'qu'il pense vraiment et il peut te mettre sur la gueule sans que tu te relèves plus jamais... J'préfère Abraham, c'est sûr... Parce qu'Abraham, il peut dire des conneries aussi grosses que lui, mais au moins tu sais ce qu'il pense. J'préfère Abraham parce que même s'il ne l'a jamais vraiment dit, je sais que c'est mon am...

- C'est qui Abraham, putain ?! glapit Simon, à bout. Ah, son homme des bois ! comprenant les propos ininterrompus de son voisin, le pauvre con qu'a rien voulu savoir et qui s'est barré !? Tu parles ! rigole le géant, reprenant sa route en poussant encore Emma, presque soulagé. On va le choper. Encore... et on sera bien moins aimables avec lui, tu peux m'croire... Toi aussi ma p'tite Salope... tu peux m'croire : je vais lui faire sa fête à ton homme des bois s'il pointe le bout d'sa queue pour toi... lui parlant avec le même volume sonore, à quelques millimètres de l'oreille de la femme.

-N'empêche... Il va te tuer d'avoir dévêtu sa copine... et de lui avoir écrit sur le ventre au marqueur... Il est pas commode... j'voudrais pas m'y frotter... pourtant j'me suis frotté à Abraham, mais lu...

-T'as vraiment un grain... commente encore Simon alors qu'il ralentit le pas.

Les voilà arrivés. Emma s'arrête devant la porte close, sentant Simon dans son dos qui lâche enfin la masse de ses cheveux.

---
Merci déjà à toutes les petites étoiles assidues et silencieuses qui parsèment gentiment, toujours là,  invariablement.  Je ne vous entends pas mais je vous vois très bien.
Merci à vous ❤

Merci aussi  à toi, ma jolie Saya600 , j'espère que tu vas moins galérer et moins flipper cette semaine 😏

A vos avis qui me sont toujours plaisants et précieux.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top