Partie 4
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The waves have come - Chelsea Wolf
I wanna be yours - Arctic Monkeys
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Maggie pénètre lentement dans le salon plus au fond de la maison.
"Depuis ta douche, si je t'ai autorisée à t'étendre sur le divan, ce n'est pas pour que tu y sois déjà assise ! s'écrit-elle en se précipitant plus avant. Je vais t'obliger à te mettre au lit dans ces conditions ! menace-t-elle sans conviction, déjà fatiguée.
-Je veux rentrer chez moi... se justifie Emma, assise, la tête basse.
-Je préfère que tu restes là encore quelques heures... s'il te plait.
-Dans mon lit... je serai mieux, non... ? Promis, je n'en bougerai pas, et je laisse la porte ouverte pour que tu viennes quand bon te semble, marchande-t-elle faiblement.
-Maggie a raison... Tu dois rester là, jeune fille... appuie le soldat roux dans le fauteuil vide près d'elle.
Emma regarde le siège vide fixement.
"S'il vous plaît... supplie-t-elle encore, tout autant à Maggie qu'au fantôme.
-Maggie a besoin de te savoir là... Elle est inquiète pour toi... elle n'est pas en colère contre toi...
Emma semble regarder Maggie, mais la brune tique en voyant bien que son regard est fixé à quelques centimètres de son épaule droite.
"Bien sûr qu'elle est fâchée... dit Emma
-Quoi ? A qui parles-tu ? demande Maggie, regardant sur sa droite.
-Personne... baissant la tête une nouvelle fois. Je dois y aller... se levant lentement, avec précaution.
-Emma... tendant les bras vers sa patiente.
-Ca va aller... regarde je tiens debout ! lui souriant faiblement.
-Tu es pâle comme un fantôme ! alarmée.
-Certainement oui... rit-elle en pensant à son compagnon roux... Accompagne moi si tu veux... mais moi j'y vais.
-Emma... cède Maggie, fatiguée tout autant.
Emma avance lentement à travers le salon, jusqu'à la porte d'entrée. Maggie pousse un soupir puis la rejoint pour l'accompagner dans son avancée lente.
Le soleil envahit le perron.
Encore une impression de déjà-vu saisit l'aînée... Quand elle rentrait chez elle, après la nuit cauchemardesque qui avait emporté Glenn et Abraham.
"Restez là, les gars..." dit-elle tout bas.
Maggie la fixe, interloquée, la soutenant par le bras pour descendre les quelques marches, mais ne fait aucun commentaire. Emma a perdu énormément de sang, cela, ajouté à la fatigue, doit jouer sur sa cohérence. Elle va dormir et tout va revenir dans l'ordre se convainc la jeune fermière.
Les rues sont encore désertes, mais Maggie se doute que les gens peuvent toujours les observer, avançant lentement sur la voie calme. Ils peuvent sans mal se rendre compte que leur amie n'est pas au mieux de sa forme et elle réalise que seuls Aaron, Tara, et elle savent exactement ce qu'il en est de l'urgence du matin. Maintenant, c'est à Emma d'informer qui elle souhaite. Ou pas. A commencer certainement par Daryl.
Encore quelques minutes et les deux femmes se retrouvent seules dans la maison, à l'abri des regards.
Emma est surprise de découvrir son lit, propre, fait, comme si tout ceci n'avait pas eu lieu. Elle tourne un regard interrogateur à Maggie plantée prêt d'elle qui lui sourit tendrement.
"Je crois que c'est Tara et Aaron qui sont coupables... cafte-t-elle gentiment. Le jeune homme est venu la chercher, affolé, le rejoignant dans la 74, y trouvant Tara, hissant Emma, les jambes a priori en sang sur la table d'examen.
Emma porte une main à sa bouche pour faire taire le sanglot de reconnaissance qui lui serre la gorge.
"Ca va aller, Em'... la prend Maggie doucement dans ses bras. Je te promets que ça va aller... alors que la plus vieille pose sa tête contre son épaule, fondant en larmes silencieuses. Vous aurez d'autres chances... murmure-t-elle.
Emma ouvre des yeux terrorisés, la repoussant en douceur, réalisant sa méprise.
"... Maggie... Je sais que ça va contre... ce que tu es... mais... ça... regardant son ventre, je l'ai voulu... j'ai tout fait pour... avoue-t-elle en levant à nouveau les yeux vers son amie.
-Je me doute que vous avez tout fait pour... un petit sourire poussant au coin des lèvres.
-Je ne voulais pas de ce ... Je n'en ai jamais voulu... n'y tenant plus, s'exprimant alors clairement.
-Tu dis quoi ?! articule-t-elle plus froidement.
Maggie fait un pas en arrière, posant instinctivement une main sur son propre ventre, comme si Emma avait avoué être le diable en personne.
"Je sais que toute vie est précieuse... surtout maintenant... que c'est sans doute ce que tu penses mais...
-Daryl était d'accord ? Il était d'accord pour que tu risques ta vie ?! Parce que tu l'as risqué ! J'ai failli te perdre sur la table, tout à l'heure ! avoue finalement la plus jeune dans un cri de colère plus que de reproche.
-Non... murmure-t-elle. Il ne sait pas... enfin... il ne savait rien... il a forcément vu l'état du lit... émettant tout haut son idée subite.
-C'est pas juste Emma ! Que tu n'en veuilles pas... ok... je peux comprendre... maintenant... mais qu'il ne sache rien.. ?! C'est aussi son bébé ! offusquée.
-NON ! CE N'EST QU'UN VER ! hurle Emma saisie de rage et secouée toute entière d'un frisson de pure répulsion. Daryl... n'a rien à y voir... ! Ce monstre n'est que... Negan... tombant sur elle-même, secouée d'un tremblement, à bout de force, épuisée aussi d'avoir dû garder ce fardeau trop lourd et trop longtemps.
Maggie reste tout aussi figée, ne venant pas tout de suite en aide à son amie affalée à même le sol, au pied du lit. Elle n'en croit pas ses oreilles. Elle s'imaginait bien que le séjour d'Emma chez les Sauveurs n'avait pas été une partie de plaisir, tout comme celui de Daryl, ou le sien chez le Gouverneur. Mais elle ne s'était jamais imaginé qu'elle avait subi l'impensable. Emma n'en avait jamais montré les moindre signes, toujours prête, jamais malade, toujours disposée pour aider le groupe tant qu'elle a pu. La jeune femme n'a jamais soupçonné une seule seconde qu'elle puisse revenir enceinte de ces quelques jours loin d'eux, et encore moins qu'Emma fasse tout pour déclencher une fausse couche.
Maintenant qu'elle y réfléchit, elle revoit les hématomes, les meurtrissures couvrant son corps et principalement son bas ventre. Chose à laquelle elle n'a pas prêté tout de suite attention, prise par l'urgence de son hémorragie trop importante. Maintenant qu'elle comprend mieux, elle réalise que tout ça date de plusieurs semaines. Emma a tout fait pour parvenir à ses fins, mais sans songer une seule seconde au risque qu'elle encourait pour sa propre survie. Du moment que son ventre expulsait le foetus.
Un frisson la fait revenir à la réalité et au calme.
Elle se penche et reprend la femme dans ses bras, la guidant doucement vers son lit où elle l'étend avec précautions, sans un mot.
Emma parvient à lui accrocher un regard navré.
"Ne dis rien à personne d'accord ? Je voulais que tu le saches toi... même si j'en perds ton amitié au final... Les autres... on leur dira que j'ai fait... un gros malaise, une crise d'angoisse plus importante que les autres, que sais-je, mais ils ne doivent rien savoir d'accord ? agrippant sa main de plus en plus fébrilement.
Maggie hoche la tête en serrant les lèvres, reposant sa main en douceur. Puis elle tourne les talons, pour sortir.
"Je suis désolée Maggie... si je t'ai fâchée... je suis désolée... merci d'avoir sauvé ma misérable vie..."
Emma ferme les yeux, poussant un lourd soupir de soulagement, comme si elle venait de prononcer ses derniers mots.
Maggie prend une inspiration et revient sur ses pas.
"Em'... dit elle fermement, lui faisant ouvrir les yeux dans un faible sursaut alors qu'elle pose ses mains à plat de part et d'autre de la tête brune allongée. Ta vie n'a rien de misérable. Elle est aussi précieuse que n'importe laquelle d'entre nous. N'en doute jamais. Compris ? Negan va payer, sois en sûre. Pour Glenn, Abraham, Sasha... pour toi tout autant. J'y veillerai, le ton et le regard déterminés. On y veillera tous. Repose toi. On a besoin de toi... le ton plus adouci avant de déposer un baiser sur le front d'Emma restée figée, et avant de se diriger lentement vers la sortie, elle aussi épuisée.
-Elle est balèze, pas vrai ? demande Glenn en regardant sa femme, admiratif
-Tu m'étonnes mon pote... chuchote Emma en tournant la tête vers l'armoire où se tient le jeune asiatique, avant de sombrer définitivement cette fois.
Maggie regarde l'armoire à son tour, la chair de poule parcourant son bras tendu sur la poignée de la porte qu'elle referme doucement derrière elle.
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Toi, je te vois aller facilement vers les autres. Tu les laisses venir, tu les laisses t'approcher, si près, t'apprivoiser si rapidement. Ils te parlent, t'entraînent ; ils te soutiennent et t'encouragent, se confient. Ils t'enlacent. Ils te touchent, ils te veulent et t'obtiennent. Si vite. Si naturellement. Tu es si accessible. Si douce et avenante avec eux tous. Avec cette voix et cette lumière qui fait tout toi, qui fait toute ta force et ton pouvoir sur eux.
Moi, je n'ai aucun accès réel à toi, au contraire de tous les autres, tu es toujours à peine trop loin, à portée, mais intouchable inaccessible. Juste là pourtant. Ta lumière, ta voix, ta chaleur m'effleurent sans jamais être vraiment pour moi. Alors que je suis juste là, à côté de toi, à te voir, comme eux. A te vouloir. Comme eux.
Personne n'est attiré par moi, Daryl. Personne ne me veut, ni ne me désire. Encore moins. Tu as bien vu, même les rôdeurs ne sont pas intéressés par moi, ni par mon odeur, ni par ma chair. Alors qui puis-je vraiment attirer ? Je n'ai jamais été désirée de personne. Je ne suis à personne. Je ne suis pour personne. Je ne suis personne. Personne d'important. Encore moins maintenant.
Tu vois que personne d'autre n'a accès à mon lit. Personne d'autre n'écoute ce que je dis, quand la nuit tombe. Personne ne veut ni l'entendre, ni en tenir compte. Ni même savoir que cela existe.
Est-ce que je te répulse vraiment ? C'est ça : je pense que je te rebute. Tant et tant que tu refuses même de m'effleurer quand on s'endort, tu restes dans le contrôle. Toujours. Alors que Tara t'a pour elle, Aaron t'a pour lui, Ezekiel... même Negan t'a eue, lui aussi.
Mon corps ne peut que te repousser toi. Cette enveloppe décharnée et répugnante qui est la mienne, que je n'ai jamais aimée, dont je n'ai jamais pris soin, si ce n'est le temps d'avoir mon enfant... mon premier.
Le chasseur ouvre les yeux, affolé, à bout de souffle. Recroquevillé, inconfortable, sur le vieux canapé, dans le salon silencieux, il se redresse d'un coup. Son dos proteste déjà de courbatures nouvelles. Il s'élance sans bruit dans l'escalier, pris d'une panique inexpliquée. La nuit baigne toute la maison calme. Il pousse la porte de la chambre qu'il a laissée entre ouverte, volontairement, avant d'aller s'allonger en bas. Au cas où. La lumière lunaire passe à travers un pli du rideau, tombant sur la couche occupée par la femme étendue. La couverture est poussée sur un côté du matelas. Elle est allongée, sur le dos, les jambes presque hors de la couche, comme deux petites branches de bois flotté, blafardes. Ses cheveux sont épars tout autour de sa tête, le maillot est tortillé autour de son petit corps à force de remuer. La peau de son ventre est si pâle dans la lumière faible, qu'elle apparaît quasi évanescente, marquée de taches plus sombres sous le nombril resté plat. Il est toujours saisi de voir son corps si petit, si mince, si maigre mais enfin apaisé. Saisi mais pas rebuté.
Non.
Il écoute sa respiration régulière, calme et discrète. Elle dort. Cela fait déjà deux jours et deux nuits consécutives qu'elle dort là sans avoir émergé une minute. Maggie assure qu'il n'y a rien d'inquiétant. Qu'elle récupère.
Ce n'était qu'un rêve.
Il est planté sur le seuil, voulant se rassurer. La minute d'avant, il se tenait déjà là, sur le pas de cette porte, et elle lui répondait, assise dans ce même lit, bien droite, le dos appuyé contre la tête du lit, dans une pénombre bien plus épaisse que maintenant. Il revoit nettement la silhouette de son corps, de ses épaules et de sa tête, définie, assise en tailleur, se souvenant parfaitement de la courbe de ses genoux maigres si nette, comme une ombre, comme un esprit sombre, comme une âme lourde, ancienne. Calme mais pesante, présente et pleine, à l'écoute de ce qu'il n'a jamais dit ni éprouvé pour personne. Il réalise que cette conversation onirique, il ne l'aura jamais avec elle, ni avec quiconque.
"Dors bien Muskogee..." murmure-t-il en tirant à nouveau la porte sans bruit.
Il espère juste qu'il pourra la voir une fois le jour levé. Impatient de la retrouver. En vrai.
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"Je viens avec vous..."
Le flic et le chasseur s'interrompent, tournant la tête vers la porte du jardin qui vient de s'ouvrir sur la petite silhouette qui habite cette maison. Elle tend le bras vers l'encadrement de la porte, posant délicatement le bâton fin contre le mur, les yeux fixés sur les deux hommes.
"Qu'est c'que tu fous là, Em' ? J'te croyais au lit ! rouspète Daryl en faisant les pas qui le séparent d'elle, lui montrant l'étage en tendant le bras vers le ciel.
-Je viens avec vous... répète-t-elle tel un automate, fixant le shérif, avançant lentement elle aussi.
-Tu rêves, Muskogee... baragouine le chasseur dans un rire sec, à moins d'un mètre d'elle, comme un avertissement qu'elle seule peut entendre, convaincu qu'il va être soutenu par Rick resté sur place.
-Bien entendu... commente plus haut et plus distinctement le flic, d'un hochement de tête, sans hésiter.
-Quoi ?! se retourne encore Daryl face à l'homme. C'est quoi c'délire ?!
-Tu vas la briefer et vous nous rejoignez comme on a dit. C'est aussi simple que ça... haussant les épaules.
-Elle vient de se... d'être super malade, mec ! Elle vient pas ! revenant vers son ami.
-Parce que tu crois que tu fais le poids face à elle ? Tu l'as bien regardée ?! un sourire aux lèvres, désignant Emma qui s'est approchée en silence, dans le dos du chasseur et qui continue de toiser le flic froidement.
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*L'image ne m'appartient pas. Je l'ai modifiée personnellement. Lien de l'originale dans le lien externe. *
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