Rencontre instructive (suite)


Je suivis Thésée avec toujours un million de questions en tête. Est-ce qu'ils vivaient réellement comme à l'époque antique ? Du genre, avaient-ils des toilettes ? Et pour se laver, allaient-ils toujours aux bains publics ? Que des questions terre à terre mais on ne peut plus importantes. Et celle qui m'obsédait à ce moment-là : qu'y avait-il sous cette fichue jupe ?

- Ce soir, vous allez être officiellement présentée à la communauté et devenir une Néréide à part entière. Mais avant cela, il faut que je vous explique certaines choses.

Alors qu'il me parlait de je ne sais quelle tradition millénaire de la cité, Thésée se retourna vers moi et croisa mon regard. Malheureusement pour moi, je n'avais pas été assez rapide et mes yeux trainaient encore sur les plis parfaits de son pagne. Je rougis aussitôt et détournai les yeux pour échapper à son regard interrogateur. Non, mais quelle gourde !

- Au fait, les déesses m'ont dit que je devais servir Poséidon, demandai-je pour le distraire de ce qu'il venait de surprendre. Elles entendaient quoi par-là ? Parce que moi, l'esclavage, ce n'est pas trop mon truc !

Thésée réprima un sourire.

- L'esclavage est interdit dans les quatre royaumes. Il va à l'encontre des règles primordiales établies par la déesse Gaia. Etre au service d'un Dieu signifie simplement le louer pour chaque chose qui vous arrive, bonne ou mauvaise.

- C'est tout ? rétorquai-je, un peu déçue. En gros, je lui fais une petite prière et le tour est joué ?

- A condition que ce soit sincère. Sinon cela n'aura pas d'impact.

- Très bien, j'essaie.

Je pris mon air sérieux et me lançai.

- Merci de m'avoir envoyé Thésée pour m'expliquer toutes les subtilités de votre monde.

Thésée leva un sourcil.

- Sincère, sinon ça ne fonctionne pas.

Je pestai intérieurement et recommençai, en fermant les yeux et en pensant chaque mot.

- Merci de m'avoir fait venir ici, même si je ne sais pas vraiment pourquoi. Et merci de m'avoir donné un guide aussi prévenant.

Alors que j'allais râler en pensant qu'il s'était fichu de moi, j'ouvris les yeux et constatai qu'une lueur scintillait au milieu de ma poitrine avant de se diffuser dans l'air. Je tournai vivement la tête vers mon interlocuteur, qui était tout sourire.

- Voilà ce qui se passe quand on sert un dieu. On lui donne une petite partie de notre énergie vitale. En échange, il nous offre tout ce dont nous avons besoin.

J'en restai bouche bée. Moi qui étais si cartésienne, me voilà confrontée à de la magie. C'était la chose la plus incroyable que je n'avais jamais vu.

- Maintenant, fini de rêvasser. Bientôt, le soleil finira son cycle. Il est temps d'aller vous changer parce que cette tenue étrange n'est pas vraiment de circonstance.

J'inspectai mes habits. Un tee-shirt du groupe Dionysos, un jeans et une paire de bottes qui m'avait coûté les yeux de la tête. Je ne me trouvais pas si mal. Bon, d'accord, je n'étais pas à la mode du coin, mais tout de même, ce n'était pas si moche.

Thésée me donna une robe, enfin, plutôt une sorte de sac à enfiler. Je lui jetai des regards dubitatifs.

- Quand vous aurez fini de la passer, je vous aiderais à mettre la ceinture.

Je haussai les épaules et montai dans la chambre. Après l'avoir mise, j'hésitai. Elle était vraiment ample et j'avais l'impression d'être nue. Mais avais-je vraiment le choix ? Après avoir bougonné toute seule, je décidais de descendre les escaliers en serrant contre moi le bout de tissu. Il était tellement grand qu'il trainait par terre et baillait à chacun de mes pas, dévoilant ma nudité.

Thésée patientait dans le vestibule, avec un grand lacet doré à la main. Il me fit lever les bras et se plaça derrière moi. Ses mains se positionnèrent de chaque côté de mon torse et il commença à lacer de manière experte mon abdomen. Je sentis son souffle sur ma nuque et mes joues prirent feu. Cela faisait longtemps que je n'avais été aussi proche d'un homme, et jamais d'un mec aussi sexy que lui. Il finit par un nœud bien serré, me libérant enfin de mon supplice.

- C'est un vêtement de cérémonie. Il est un peu compliqué à mettre seul, mais il vous va très bien. Si vous souhaitez vous rafraichir, la salle d'eau est par là.

Je m'y dirigeai à la hâte, avant qu'il ne s'aperçoive de mon trouble. La pièce ne comportait pas de porte, juste une toile tendue en guise de séparation. Mais ces gens n'avaient-ils pas de vie privée ? Je sentais que la cohabitation allait être difficile. La salle d'eau était à peu près identique à celle qu'on pouvait trouver dans mon monde. Cela me rassura un peu. J'aimais bien mon petit confort.

Je m'approchai du grand miroir fixé sur un des murs. J'eus du mal à me reconnaitre. On aurait dit une statue grecque, mais ce qui me frappa le plus était ma ressemblance avec ma mère. J'étais son portrait craché au même âge, trait pour trait. Aucune trace des gênes de mon père. J'aurais aimé avoir quelque chose de lui, mais rien.

C'était le plus grand mystère de ma vie. Ma mère avait toujours refusé de me parler de lui. Longtemps j'avais essayé de découvrir son identité mais à force de rentrer bredouille, j'avais abandonné. Je soupirai en y repensant. Je nourrissais encore l'espoir fou qu'un jour, j'aurais pu le rencontrer mais loin de mon monde, c'était à présent impossible.

Alors que je sortais de la salle de bains, je tombais nez à nez avec Thésée qui avait revêtu, lui aussi, ses habits de cérémonie. Son torse musclé était couvert d'un plastron de cuir, orné d'un cheval à la queue de poisson tissé de fils d'or. Son pagne était caché par une tunique rouge, sur laquelle pendaient des lanières de cuir clouté. Il avait troqué ses sandales pour des bottes couvrant ses jambes jusqu'en haut des genoux. Pour parfaire l'ensemble, Thésée arborait sous son bras un casque en laiton, surmonté de crin rouge sang. Un vrai guerrier. Je comprenais mieux pourquoi il montrait autant de fierté en parlant de sa fonction. Il avait une prestance incroyable et cela se voyait qu'il était fait pour ça.

- Il semblerait que nous soyons prêts tous les deux. Alors allons-y. Nous devons nous rendre au temple et ce n'est pas la porte à côté.

Nous remontions les ruelles au pas de course – afin je tentais de le suivre car nous n'avions pas du tout les mêmes conditions physiques, vu que j'en avais aucune. Nous arrivâmes devant le temple aux premiers rayons de la pleine lune. Il y avait déjà foule mais quand ils aperçurent Thésée, les gens s'écartèrent pour nous laisser passer.

- Je ne pensais pas que vous étiez quelqu'un de si connu, chuchotai-je, un peu mal à l'aise à l'idée d'avoir dépassé les bornes avec lui.

- Certes, j'ai de l'influence ici, mais c'est surtout vous qu'ils regardent.

- Moi ? m'écriais-je, surprise.

En effet, cela fait plus de cinquante ans qu'uneterrienne n'a pas intégré notre communauté.    

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