Début des ennuis (suite)

Les centaures se détournèrent et repartirent vers l'intérieur des terres, me laissant avec encore plus de questions et d'appréhension. C'était de pire en pire. L'hostilité évidente qu'on me témoignait me comprimait les poumons. J'avais envie de pleurer. Pourquoi toute cette haine ? qu'avais-je fait pour mériter cela ? Bien que tout danger semblait écarté, Thésée était toujours aussi tendu. Alors que je le contournai, je m'aperçus alors que son visage avait affreusement blêmi.

- Thésée...

Ma phrase resta en suspens. Il attrapa aussitôt ma main et me tira avec force hors de l'eau.

- Nous devons retourner de toute urgence auprès de Médée. C'est pire que ce que nous pensions.

Pire ? Comment cela pouvait être pire ? Il ne me laissa pas le temps de le questionner, m'obligeant à suivre sa cadence. Nous passâmes à la hâte les portes de la ville, sans même saluer les gardes. Thésée commençait à me faire mal à force de tirer sur mon poignet, mais impossible de l'obliger à ralentir. Nous atteignîmes bien vite la maison de Médée. Elle était vide et nous nous rendîmes donc au temple.

- Médée ! Il faut que je vous parle ! Les centaures...

Thésée s'arrêta net. Je faillis même lui rentrer dedans. Devant nous se tenait la prêtresse, accompagné d'un homme que je ne voyais que de dos. En nous entendant arrivés, il se retourna, dévoilant alors son identité. J'en eus le souffle coupé. Cet homme était le portrait de Thésée, excepté la barbe fine qu'il arborait. Les mêmes traits, les mêmes yeux. Ils se ressemblaient comme deux gouttes d'eau à quelques détails près.

- Bonjour Thésée.

Ce dernier ne répondit pas. Son visage s'était durci, son regard devenu plus sombre.

- Que fais-tu ici ? répondit-il sèchement.

- Tu sais très bien ce que je fais ici. La prophétie.

Ces quelques mots échangés suffirent à électriser l'atmosphère. Au sens propre du terme. L'air se chargea en humidité, un orage était sur le point d'éclater. Comme si le ciel voulait refléter la tension qui existait entre les deux hommes. Médée vint alors s'interposer entre les deux.

- Calmez-vous, je vous en prie.

Comme ni l'un ni l'autre ne semblait vouloir se calmer, elle posa une main délicatement sur l'avant-bras de Thésée. Leurs regards se croisèrent. Celui de Médée ne lui laissa aucune échappatoire. Il devait respecter son ordre. Thésée se détourna dans un soupir d'agacement. L'inconnu étira un sourire satisfait avant de continuer.

- Notre oracle nous a parlé d'une vision dans laquelle un nouvel être était apparu et qu'il serait l'instigateur de la fin des mondes. Etant donné que les Néréides ont accueilli un nouveau membre, je me suis dit que ça ne pouvait être que celui-là.

Il se tourna alors vers moi et me détailla de la tête aux pieds. Je ne devais pas être belle à voir. J'étais encore couverte de vase et ma tenue dégoulinait sur les dalles du temple. Une grimace de mépris vint alors déformer son visage.

- C'est elle ?

Devant son air arrogant, je le toisais à mon tour. Avec sa coupe courte et son air renfrogné, il contrastait avec Thésée. Il émanait de lui une sorte de dureté, de froideur. Son accoutrement me fit d'ailleurs tiquer. Sa tunique noire, sa longue cape pourpre et ses bottes en cuir me firent penser à un chevalier noir, fourbe et sans foi ni loi. Je lui rendis donc son regard dédaigneux. Il haussa un sourcil en me voyant froncer les miens.

- Elle n'a pas l'air d'être très dangereuse.

- Vous n'avez pas l'air d'être très poli.

Thésée, Médée et l'ignoble inconnu me regardèrent avec des yeux ronds. J'étais moi-même surprise par l'aplomb dont j'avais fait preuve. Qu'importe, il ne fallait pas que je me démonte. Je conservais donc cette posture défensive.

- Pour qui vous prenez-vous ? lança alors l'inconnu avec véhémence.

- Pour ce que je suis. Callistée, terrienne et nouvellement Néréide. Ni plus ni moins. Et vous, qui êtes-vous ?

L'homme fit un pas menaçant vers moi. Aussitôt, Thésée s'interposa.

- N'y pense même pas, Tristan. Elle est ma protégée. Je ne te laisserai pas la toucher.

L'inconnu partit dans un rire sarcastique qui emplit le temple et me fit sursauter malgré moi.

- Et comment comptes-tu accomplir une telle prouesse, mon frère ?

Médée vint prendre le bras du chevalier et le sortit son plus beau sourire.

- Venez, Chevalier. Inutile de faire un esclandre. Nous avons à parler.

Tristan se laissa guider, tout en jetant un dernier regard plein de fiel en direction de son frère. Quand enfin ils disparurent derrière une porte, je le sentis se détendre.

- Bon sang, mais qui est cet homme ? C'est votre frère ?

- Pour mon plus grand malheur, oui.

- Je ne comprends pas. Il n'est pas un Néréide ?

Thésée soupira et me prit la main.

- Venez, allons-nous-en. Je vous expliquerai tout quand nous serons rentrés.

Attablée, je regardais Thésée tripoter nerveusement son verre de vin. Il ne tenait plus en place. Le silence pesant qui s'était installé commençait à me porter sur les nerfs. Je soupirai bruyamment pour lui faire comprendre que je perdais patience. Il leva les yeux vers moi. Son regard était rempli d'inquiétude.

- Tristan est bien mon frère. C'est même mon jumeau. Mais nous avons été séparés à la naissance. En fait, tout cela est assez compliqué à expliquer.

- Essayez toujours.

Il prit une grande inspiration devant mon entêtement et reprit.

- Quand ma mère nous a mis un monde, on ne lui a laissé le choix. Soit elle tuait l'un de ses enfants, soit elle confiait l'un d'eux à un autre peuple. Je vous ai déjà expliqué que les dieux tiennent à ce que les populations humaines soient strictement équivalentes d'un monde à un autre. C'est pourquoi, même un individu est de trop. De plus, les jumeaux sont réputés pour être plus forts car ils sont deux et partagent la même âme. Alors deux Néréides, plus puissants que la moyenne, cela ne se pouvait pas. Alors notre mère a choisi le moindre mal et a confié Tristan au peuple des Erinyes. Mon frère a donc grandi loin de moi, pratiquement seul et depuis que nous nous sommes retrouvés, il me voue une haine sans bornes.

Et moi qui pensait avoir une famille difficile, j'étais loin du compte. Je posai doucement ma main sur la sienne pour l'apaiser. Son regard croisa de nouveau le mien et je lui souris.

- Je comprends. Ça ne doit pas être facile.

- Vous ne pouvez pas savoir à quel point ! soupira-t-il.

J'avais de la peine pour lui, mais une question me trottait toujours dans la tête.

- Mais pourquoi est-il habillé en chevalier ? Je croyais que les dieux étaient plutôt l'Antiquité grecque.

- Unelubie de Zeus, se moqua Thésée. Il a un penchant pour le côté seigneur deguerre de cette époque terrienne. En fait, chaque dieu a ses petitespréférences et manies. Enfin, vous le découvrirez bien assez tôt, vu qu'a priori,vous en faites partie.

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