Cérémonie

Alors que j'allais le bombarder de questions, le silence s'abattit comme une chape de plomb sur l'assemblée. Tous les regards convergèrent vers le haut de l'escalier. Je tournais la tête pour savoir ce qui avait bien pu attirer l'attention de tout le monde. Sur la première marche, se tenait une femme rousse. Sa longue tunique pourpre la distinguait nettement du reste de la foule. Dans ses cheveux, une couronne de lierre en or scintillait au clair de lune. Sa présence éclipsait celle des autres. De toute évidence, c'était quelqu'un d'important.

- Néréides, l'heure est venue d'accueillir dans notre peuple un nouveau membre.

Elle tendit alors la main vers moi. Je vis toutes les têtes se tourner pour observer ma réaction.

- Rejoins-la, me souffla Thésée à l'oreille.

Aussitôt, je montais les marches jusqu'à elle et lui pris la main. Quand elles se touchèrent, la femme tressaillit légèrement, mais son visage resta de marbre. Nous nous tournâmes ensuite face à l'assemblée. Je me sentais réellement mal à l'aise de voir autant d'yeux qui me dévisageaient.

- La cérémonie va pouvoir commencer.

La mystérieuse femme m'emmena à l'intérieur, suivie de près par la foule. Le temple me rappela celui dans lequel je m'étais réveillée mais, à la place des trois trônes, une gigantesque statue de dieu de la mer occupait le fond de la salle. Elle semblait presque toucher le plafond qui se trouvait à une hauteur vertigineuse. Soudain, je me sentis toute petite, comme écrasée par toute cette pierre. Les architectes avaient réussi leur coup. On se sentait tout de suite vraiment ridicule et insignifiant aux pieds de ce dieu de marbre.

- En ce jour, Callistée va devenir une Néréide, commença-t-elle, d'une voix forte. Pour cela, elle va devoir prêter serment.

Elle marqua une pause puis se tourna vers moi.

- Es-tu prête à servir ton dieu, jusqu'à que ton âme rejoigne le royaume d'Hadès ?

Ah ! parce que je devais prêter serment ! Ça me donnait l'impression de rentrer dans une secte. La rousse se mit à froncer les sourcils et je compris qu'il était temps que je réponde.

- Oui, oui, pardon, m'excusai-je, confuse.

- A partir d'aujourd'hui, tu devras te donner corps et âme à Poséidon. Tu le loueras pour ce qu'il te donne et il t'offrira ce qui te reviens de droit.

Elle leva les mains vers la statue. Lentement, se dessina, entre ses doigts, une coupe. Elle sortait de nulle part, se matérialisant particule par particule. Mes yeux s'écarquillèrent de surprise. Bordel ! Il y a réellement de la magie ici. Ce n'était pas une fantaisie de mon esprit. La femme me tendit alors la coupe. Je la pris le plus délicatement possible, comme si je redoutais qu'elle ne disparaisse si je m'y prenais mal. A l'intérieur, un liquide doré dansait au gré de mes mouvements.

- Maintenant, bois. Ceci scellera ton engagement envers la communauté des Néréides et envers ton dieu.

Sérieusement ! Je ne savais pas d'où venait ce machin, j'avais même du mal à concevoir son existence et je devais l'avaler ! Thésée ne me lâchait pas des yeux, ainsi que l'ensemble de la salle. Il semblait qu'il n'y avait pas d'autre solution. Je bus d'une traite le breuvage ambré, en priant pour ne pas mourir foudroyée dans la seconde ou finir transformer en cochon. Il avait le goût du miel et de la cannelle, comme le pain d'épice que ma mère faisait pour Noël. C'était une sensation vraiment étrange de retrouver dans cette boisson le goût de mon enfance. La coupe vidée, je la rendis à la rousse qui la fit disparaitre d'un geste souple.

- Maintenant, louons Poséidon de nous avoir envoyé cette nouvelle Néréide.

Toutes les personnes en face de moi posèrent leurs mains sur leur poitrine et soudain, une nuée de feux follets bleutés s'éleva dans la salle. C'était juste magnifique. Ils semblaient flotter dans les airs, comme des milliers de petites lucioles. Lentement, ils s'estompèrent et disparurent dans la lumière diffuse de la lune.

- C'est à ton tour, Callistée, me dit la femme d'une voix douce.

J'acquiesçai d'un hochement de tête et fermai les yeux. Comme je l'avais fait un peu plus tôt, un halo indigo se forma devant moi. Doucement, il s'éleva puis disparut dans le néant. J'en étais émerveillée.

- Maintenant, place à la fête, mes amis, tonna la rousse.

La foule poussa un cri de joie et s'éparpilla aussitôt. Alors que je cherchais des yeux Thésée, la femme me tourna vers elle.

- Je suis heureuse de faire ta connaissance, Callistée. J'espère que tu te plairas chez nous. Thésée est un excellent mentor. Il saura te guider et t'enseigner nos lois. Ecoute attentivement ses conseils et tout devrait bien se passer. Si jamais tu souhaites discuter, je serais toujours disponible pour toi, ici, au temple.

Une main se posa alors sur mon épaule. Thésée nous avait rejoint. Il salua respectueusement la femme et prit congé. Elle nous regarda nous éloigner, nous couvant de son regard vert qui semblait vouloir lire en moi. Il y avait quelque chose de dérangeant, comme une froideur inexpliquée. Cette femme m'intriguait. Lorsque nous fûmes assez loin pour ne pas être entendu, je me penchais vers Thésée.

- C'était qui cette femme ?

- Notre prêtresse, Médée.

Médée, Médée... Ce nom me disait quelque chose. Si seulement j'avais Internet !

- Elle a quelque chose de spécial, non ?

- C'est le moins que l'on puisse dire. Elle est le chef de notre communauté et en tant que prêtresse, elle est la seule à pouvoir faire appel à Poséidon. De plus, elle a le don de divination.

- Divination ? Vous voulez dire qu'elle voit l'avenir ?

- L'avenir, le passé, l'âme. Ses pouvoirs sont très étendus.

Je déglutis avec la désagréable impression d'avoir été mise à nue par cette inconnue.

Lorsque nous arrivâmes au village, la fête battait déjà son plein. Les chants et les danses résonnaient dans les rues pavées. Tout le monde voulait me parler, me toucher, voir qui était donc cette nouvelle Néréide sortie de nulle part. J'étais vraiment gênée par ce trop-plein d'attention, non pas qu'ils aient été désagréables, bien au contraire, mais je détestais attirer l'attention sur moi. Je me sentais encore plus gauche qu'à mon habitude. On me servit un verre de vin, mais celui-ci semblait ne jamais se vider. A croire que quelque magie le remplissait dès que j'avais le dos tourné. Thésée se détendit au fur et à mesure qu'il enchainait les verres et je découvris que c'était quelqu'un de foncièrement gentil, serviable et affreusement bavard. En fin de soirée, ma tête tonnait comme pas possible. Thésée tentait de me soutenir, mais il avait autant de mal que moi à marcher droit. Je finis par m'effondrer dans le lit, complètement saoule mais curieusement bien.

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