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Au fil de mes prospections j'eus l'occasion de retourner dans le cimetière où j'avais rencontré le vieil homme. Quelques mois à peine après l'expérience interdite. A l'époque je me persuadais de la disparition du vieux monsieur, quelle que fut l'hypothèse. Et puis un jour...

Et puis un jour j'étais devant la tombe de Claire et Jean Dufilleux dans le cimetière d'une petite ville. Cette répétition de coïncidences peut prêter à sourire, mais les évènements se sont bien déroulés de cette façon-là. J'arrangeais des fleurs sur leur tombe, parfois je me le permets. Quand soudain j'entendis derrière moi :

— Bonjour.

— Où étiez-vous ? interrogeai-je, me tournant.

— Bonjour, répéta-t-il.

— Bonjour, répondis-je.

— Vos yeux ont changé.

Je me portai à sa hauteur. Quentin reprit :

— Ils m'ont gardé à l'hôpital, une mauvaise chute, sur une dalle un jour de pluie.

— Les pierres...

— Vos yeux ont changé, vous avez entendu ?

— Une fois. Je vous cherchais depuis. Ça fait un moment déjà.

— Une seule fois ?

— Vous êtes déçu ?

— Non, non, ça viendra, me dit-il sur un ton rassurant.

— Vous croyez ?

— Vous avez le temps. Asseyons-nous.

Je restais silencieux, attendant son commencement, j'avais trop peur qu'il dévoie de son objet. Quelles furent ses propres expériences ? J'arborais le plus attentif des silences. Il débuta d'un ton badin.

— Vous êtes précoce. A votre âge je n'avais pas encore vécu ma première expérience. Je ne me souviens plus exactement où était-ce. Mais ça n'a pas été la plus importante, si ce n'est... Elle m'a poussé à écouter les pierres parler. En fait, la première fois, endormi à même la tombe, je m'étais persuadé d'avoir vécu un rêve. Avec le recul je le sais maintenant, ce phénomène arrive plus souvent dans cet état de sommeil paradoxal, plus rarement dans une grande concentration, ou pendant une méditation. Et puis on n'est pas seul à choisir le moment, il faut quelqu'un de l'autre côté. A ce propos, qu'en pensez-vous : les pierres restituent-elles la mémoire et la voix de ceux qui sont sous la dalle, ou sont-ce les défunts qui nous parlent et dont l'âme entre en résonance avec la stèle ?

— Aucune idée, je ne m'étais pas encore posé la question.

— Je vois.

— Pour une anecdote, vous avez le temps ?

— J'attends d'entendre vos récits depuis longtemps.

L'anecdote devait être au bord de ses lèvres, Quentin commença sans attendre, comme s'il préparait son conte depuis des mois :

— Eh bien un dimanche, en fin de journée, à l'heure où les cimetières se vident, j'ai eu un coup de fatigue. J'en ai profité pour m'allonger sur une tombe. Je ne l'avais pas choisie, je ne m'y étais d'ailleurs pas beaucoup intéressé, ma curiosité m'y a poussé après. Il s'agissait de la sépulture d'Ivan et Aimée Iceli. Ils avaient sûrement tronqué leur nom, s'appelant Ivan, il devait venir de Russie, genre Icelianov. En plus dans sa voix un petit accent de l'Est. Leur sépulture n'est pas du plus grand intérêt dans cette histoire, quoique sans elle, rien ne serait jamais arrivé. Je me suis endormi sur leur pierre tombale, combien de temps exactement je ne sais pas. Pendant mon somme ou pas, illusion ou non ? telle est la question, toujours est-il, voici les paroles parvenues à mes oreilles.


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