Chapitre 6 - La faille

TW : Ce chapitre peut contenir des propos difficiles à lire, concernant des agressions sexuelles. Sans qu'il y ait de scène explicite, il en est question dans les dialogues des personnages.

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I'll Be Waiting - Cian Ducrot

"If you ever want one more night
If you ever wanna make things right
If you ever wanna change your mind
I'll be waiting"

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Jules s'est donné pour mission de me divertir aujourd'hui.

J'ai eu beau me plaindre de mon mal de crâne atroce, il m'a tout de même envoyée sous la douche, m'a obligée à enfiler un jogging et un haut difformes, et a osé me faire sortir dehors ainsi. Au moins, pas de risque qu'on me reconnaisse : le fait que Mia Castez puisse sortir dans un tel accoutrement est trop improbable.

Sa gentillesse est incompréhensible. J'aurais pensé qu'il m'en voudrait, comme les autres. Pourtant il est là, à sourire et augmenter la musique dans la voiture, des lunettes de soleil roses positionnées sur le bout de son nez. Je l'observe chanter du rock tout en conduisant vers une destination que j'ignore, le cœur lourd et rempli de nostalgie.

Il nous emmène à un restaurant de service rapide qui propose des milkshakes de toutes les couleurs. On trainait ici quand on était ados. Je lui fais remarquer cette énorme faute de goût, mais il m'ignore et pousse les portes battantes pour aller commander à l'intérieur.

Je l'attends, assise sur la terrasse, des flashs de ma dispute avec Evan ne cessant de frapper douloureusement ma mémoire. Mes lèvres semblent encore souffrir de la brutalité de notre baiser.

Jules revient, deux milkshakes au chocolat entre les mains. J'aspire le liquide dans la paille, attendant de ressentir le réconfort de ce goût familier.

— Regarde la gamine là-bas, on dirait toi, dit-il en pointant une fille du doigt.

L'adolescente est aussi assise en terrasse, entourée de deux filles qui semblent boire ses paroles. Elle centralise l'attention, s'exprime habilement sans un geste de travers. Je déglutis et détourne mes yeux de ce spectacle, me demandant bien à quel jeu Jules est en train de jouer.

— Pourquoi tu fais ça ? Tu cherches quoi, à susciter de la nostalgie chez moi, pour que je regrette mon comportement des dernières heures ?

— Je suis pas aussi vicieux. Seulement, je me doute bien que revenir à Toulouse alors que tu as tout fait pour t'éloigner de cette ville ces dernières années n'était pas un choix innocent.

— Écoute, Jules, je me suis déjà fait remonter les bretelles par Maël et Indiana à ce sujet. Je sais que je suis une sœur et une amie terrible. Je n'ai pas pris de vos nouvelles et je ne peux m'en prendre qu'à moi-même si vous me détestez maintenant.

— Est-ce que quelqu'un qui te déteste serait ici, avec toi ?

Mes yeux me brûlent. J'essaie de retenir mes larmes. Voir son regard franc, sincère et rivé sur moi, sur chacune de mes actions, me rend affreusement vulnérable. Les autres peuvent me haïr, j'en mourrais si Jules en arrivait à un tel extrême.

— Tu deviens quoi, alors ? susurré-je.

Il éclate d'un rire sonore, amusé par le peu de naturel avec lequel j'ai prononcé cette phrase. Il dégage ses cheveux blonds et me répond avec le plus de sérieux dont il soit capable :

— Mon orientation a pas été des plus simples. J'ai commencé par une prépa scientifique mais j'ai cru mourir. J'ai mis un terme à ce calvaire et je suis allé en fac de droit, ce qui est en fait un autre type de calvaire, mais pour lequel les perspectives d'avenir sont plus réjouissantes.

— Du droit ? Tu pouvais pas choisir une école de commerce comme Evan ? Je te jure que ça travaille moins là-bas.

Nous rions en cœur. Ne faisant pas partir du milieu étudiant, les principales moqueries que je peux faire sont sur la formation que je suis de près à travers mon copain... ou mon ex. C'est plus difficile d'en faire sur la licence d'histoire dans laquelle s'est lancée Vic, étant donné qu'elle bosse comme une acharnée pour être la meilleure et décrocher le master de ses rêves.

— Blague à part, j'ai beaucoup discuté à distance avec Evan pendant qu'on était en prépa tous les deux, et il a souffert aussi.

— Je savais pas que vous étiez restés aussi proches...

— On l'est moins depuis que tu es revenue en France. Ce qui nous rapprochait surtout, c'était le manque que t'avais laissé dans nos vies.

Elle est là. La culpabilité. Elle me submerge comme le ferait une vague dévastatrice, inonde chaque recoin de mon cœur que j'aurais voulu insensible.

— Je suis désolée, Jules.

C'est la première fois que je prononce des excuses du séjour. Je ne m'en pensais pas capable.

— Mais j'aimais pas vraiment la personne que j'étais loin d'Evan, continué-je. J'étais persuadée que tu la détesterais aussi. Je veux dire, à force d'attirer toute la lumière, mon ego avait atteint des dimensions démesurées. Puis je suis revenue, et j'ai cru que j'aimerais à nouveau celle que je serai auprès de lui.

— Mais ça n'a pas été le cas, complète-t-il.

— Pas du tout. Je me suis sentie faiblir au fur et à mesure des mois. Pas à ma place. J'ai l'impression d'être cassée, Jules...

Une larme que je n'arrive pas à retenir roule doucement sur ma joue. Je dois être minable, encore défigurée par l'alcool et la fatigue de la veille.

Jules se redresse dans son siège, et le ton de la conversation devient sérieux. Trop sérieux.

— Mia, j'ai besoin de te poser une question. Qu'est-ce qui s'est passé, là-bas ? Aux Etats-Unis ?

Mon cœur manque un battement. Les yeux écarquillés, je l'observe, proche de tomber dans un précipice dont j'ignore la profondeur.

— Comment ça ?

— Pourquoi t'as laissé tomber le mannequinat ?

— Evan me manquait, j'ai pris conscience que je n'avais pas fait les bons choix...

— Tu avais tout. L'argent, la gloire, l'attention. Evan ne t'a pas empêchée d'en profiter pendant deux ans, pourquoi t'as tout abandonné d'un coup ?

Personne ne m'a posé la question. Car mon retour leur a semblé à tous tellement naturel. Evan a été aveuglé par la joie de nous reconstruire une nouvelle chance, ma famille a été convaincue par cette histoire de stylisme. Après tout, c'est la carrière dont j'avais toujours rêvée. Mais j'avais prévu de me lancer seule bien plus tard, quand j'aurais été sûre d'avoir tous mes appuis pour ne pas sombrer comme je suis en train de le faire.

Jules a compris. Je fuis ce qui me fait peur. J'ai fui les Etats-Unis, et je fuis Paris.

­— Il s'est passé quelque chose, lâché-je dans un souffle.

Il accepte les secondes de silence de s'écoulent. Il comprend que j'ai besoin de temps pour reconstruire ces événements dont je n'ai jamais parlé à personne.

— Peu avant que j'abandonne le mannequinat, j'ai changé d'agent. Pour celui qui était réputé être le meilleur et le plus exigeant. Il a vite compris que je n'accepterais de me plier à tous les codes du mannequinat, que j'étais suffisamment installée dans le milieu pour refuser les régimes et les professionnels qui voudraient me changer. On a eu quelques disputes. Alors il s'est assuré de me soumettre à lui d'une autre façon.

Son regard s'assombrit. Je baisse le mien sur mes mains, sur mes doigts que je triture, pour ne pas l'affronter quand j'achèverai le récit de cette histoire.

— Ça a commencé par des petites choses. Une main sur la hanche pour remettre en place ma robe avant un shooting, puis une sur mon ventre nue pour m'indiquer de plus me cambrer quand je posais en lingerie. Notre proximité ne semblait poser problème à personne. Il a senti ma résistance, alors un soir... Après une interview où j'avais dû raconter un tissu de mensonges sur ma supposée relation avec un acteur Hollywoodien, une des idées de cet agent pour faire encore parler de moi, je me suis bourré  la gueule dans ma chambre d'hôtel. J'ai pensé à Evan, à vous... À tout ce que j'avais laissé derrière moi. Puis mon agent est entré. Il avait les clés. Il n'y avait pas un endroit où je pouvais lui échapper. J'étais à moitié en train de dormir sur mon lit quand il a commencé à me toucher... Mon dos, puis plus bas. Sa main s'est glissée entre mon ventre et le matelas, puis...

Je vais vomir. Continuer est au bout de mes forces, pourtant je ne peux pas m'arrêter. Sinon Jules s'imaginera tout type de scénarios et je ne veux pas l'inquiéter plus que nécessaire.

— Il m'a juste... tripotée. Il a arrêté après. Il ne m'a pas déshabillée ou quoi, il est juste parti. Moi, je n'ai pas su bouger. Ni pendant ni après. J'aurais voulu lui crier de s'écarter, mais mon corps ne réagissait pas...

— Mia, il t'a pas « juste » tripotée. C'est une agression sexuelle. Ce mec n'aurait jamais dû te toucher.

J'éclate en sanglots. J'ai essayé de refouler ces souvenirs, encore et encore. Pourtant, aujourd'hui, je les revis avec la même force que cette nuit-là.

Jules se lève pour venir à côté de moi et m'étreindre. Je m'accroche à ses bras, furieuse et humiliée. Je m'en veux d'être si faible.

— Alors j'ai tout lâché, finis-je en pleurant. Je suis partie. J'avais besoin de retrouver Evan, de me sentir en sécurité auprès de lui. De toute façon, je n'aurais rien pu faire, mon agent avait trop de relations, il était intouchable... Et je pouvais plus bosser avec lui, ni même dans le milieu. Pour me prouver qu'il ne m'avait pas détruite, je me suis promis de devenir une grande styliste. Je voulais équilibrer notre rapport de force. Mais j'arrive à rien, j'ai plus confiance en moi... J'arrive plus à rien.

Jules s'accroupit devant moi pour la seconde fois de la journée. Mes mains dans les siennes, j'observe la colère qui naît en lui, mais qui n'efface en rien son affection pour moi.

— Il m'a tout pris, Jules. Je me reconnais plus.

— Écoute... C'est normal qu'il te hante depuis. Il n'avait pas le droit de te faire ça et même si t'as envie de l'oublier, ce sentiment d'injustice, il est toujours là.

— Mais je veux pas qu'il ait ce pouvoir. Une seule nuit ne peut pas déterminer toute ma vie... Je ne veux pas être ralentie à cause de ça.

— Ne minimise pas ce qu'il t'est arrivé. T'as raison, c'est dégueulasse que ça te poursuive alors que t'as l'impression que sa vie à lui n'a pas changé. Mais tu as le droit d'en souffrir. Ça veut dire que tu pourras ensuite en guérir.

— Comment ?

— On va trouver. Je te lâcherai pas.

Je ne pourrais estimer le temps que nous passons, mes mains dans les siennes, en attendant que mes larmes se tarissent. Tous les deux, nous faisons abstraction du monde extérieur, parce qu'au-delà du poids de ma révélation, il s'agit de nos retrouvailles.

Ensuite, nous marchons indéfiniment dans les rues de Toulouse. Il n'y a que quand la fatigue de la veille me fauche que nous décidons de nous rediriger vers la voiture. Sur le chemin, je lui demande de me déposer chez le père d'Evan. En espérant que son fils ne soit pas déjà reparti à Paris...

J'aurais eu le temps d'abandonner dix fois mon courage sur la route, mais Jules ne me l'aurait pas permis. Alors, quand nous arrivons devant chez Evan, je n'ai pas d'autre choix que de sortir de la voiture. J'indique à Jules qu'il n'est pas obligé de m'attendre pour rentrer, que j'appellerai Maël, mais il reste garé devant jusqu'à ce que je toque à la porte de la maison.

C'est Evan qui m'ouvre. Mon cœur se contracte ; je ne m'attendais pas à lui faire face de sitôt. Lui non plus, si j'en crois ses sourcils qui se froncent. Il m'observe sans rien dire, et je réalise alors que mon accoutrement inhabituel doit l'interpeller.

— Je peux entrer ?

Résigné, il se décale et me laisse la place de passer. Son père a réalisé des travaux depuis la dernière fois que je suis venue : les espaces communiquent entre eux alors que les différentes pièces étaient auparavant cloisonnées.

— Ton père n'est pas là ?

— Non. Il est au cinéma avec sa copine.

— Sa copine ?

— Oui. Je viens de l'apprendre, moi aussi.

Une vue me comprime le cœur. Sur le canapé gît son sac de voyage, dans lequel il a commencé à ranger ses affaires.

Je me tourne vers lui. Il peine à soutenir mon regard et préfère visiblement fixer un point invisible au-dessus de mon épaule.

— Tu repars à Paris ?

— Demain, ouais. C'est pas comme si j'avais le choix, ni que quelque chose m'attendait ici.

Je me rapproche de lui, incertaine. Finalement, je m'arrête avant d'être trop proche. J'aimerais simplement construire un climat intimiste entre lui et moi.

— Je voulais te dire... Il s'est rien passé hier, avec Augustin.

— Tu t'es déplacée pour me dire ça ?

— Je voulais pas que tu croies le contraire...

— Parce que ça aurait changé quelque chose ? Tu m'as bien fait comprendre que j'avais plus d'importance pour toi.

Je ne veux pas pleurer. Mon expression est suffisamment défaite comme ça. Je me mets même à regretter de ne pas m'être apprêtée avant de le rejoindre. Il doit me trouver minable et je ne veux pas que ce soit le dernier souvenir qu'il ait de moi.

— Je ne sais plus ce que je ressens, lâché-je finalement dans un souffle.

— Qu'est-ce que je suis censé comprendre ?

— Je sais pas.

J'aimerais me confier à lui. Mais c'est au-dessus de mes forces. Parce que je ne saurais pas justifier la raison pour laquelle j'ai gardé cette histoire pour moi et je ne veux pas qu'il me voit autrement que cette fille qui garde un contrôle sur ses sentiments. Je ne veux pas qu'il voit cette faille parce que ça la rendrait réelle.

— Je sais pas ce que je ressens, mais je n'aurais pas dû me comporter comme ça avec toi. C'était injuste.

— Plutôt, oui.

Je vois ses barrières s'abaisser au fur et à mesure que nous nous dévisageons. Malgré son ego, il ne peut pas masquer la souffrance que je lui ai provoquée. Je me déteste pour ça.

— Qu'est-ce que je dois attendre ? finit-il par demander. Que tu reviennes ? Ou tu ne reviendras pas ?

Des larmes épaisses se forment dans mes yeux. Après tout ce que je lui ai fait subir, il a encore espoir que je revienne. Et il est prêt à me reprendre.

— J'aimerais pouvoir revenir. Mais pour le moment, tout est flou... Je t'ai fait croire que ça avait un lien avec nous, mais c'était faux. Le problème, c'est moi.

— Tu me fais quoi, là ? Le coup du « c'est pas toi c'est moi » ?

— Je me moque pas de toi. Il y a plein de problèmes que je dois régler... Des problèmes qui ne concernent que moi. Et j'ai besoin de faire ce chemin seule, tu comprends ?

Abattu, il comble l'espace entre nous et prend mon visage en coupe entre ses mains. De ses pouces, il écume mes larmes. J'aimerais que ce soit suffisant pour effacer la douleur qui en est à l'origine.

— Je ne peux pas te perdre. Je te l'ai peut-être pas assez montré ces derniers temps, Mia, mais tu es tout pour moi. Ma vie, c'est toi.

— C'est ce que je ressens aussi. Mais c'est peut-être ça aussi, le problème. Je t'ai toujours perçu comme la solution magique aux dysfonctionnements chez moi. Ça m'a empêchée de me poser les bonnes questions et d'y faire face seule.

— Tu n'es pas dysfonctionnelle. Tu as souffert mais je n'ai jamais cessé de voir cette lumière en toi.

— À quoi ça sert si tu es le seul convaincu qu'elle existe ?

Ses sourcils se froncent encore. J'attrape ses poignets, mais ses mains résistent et restent accrochées à mes joues. Je renonce et lui demande d'une voix faible :

— J'ai besoin que tu me laisses ce temps. Je t'aime, Evan. Mais je ne supporte plus ce flou perpétuel.

— OK, répond-il après une hésitation.

Il abaisse ses bras. À ma demande, il me laisse partir pour une durée incertaine. Peut-être indéfiniment. Je vois à son regard que l'idée lui traverse l'esprit.

— Il y a juste une chose que j'aimerais vérifier avant, murmuré-je.

Je m'approche à nouveau et enroule mes bras autour de son cou. Je l'embrasse, doucement puis puissamment. Comme au premier jour, une envolée de papillons prend vie dans mon ventre. Et plus rien n'interfère dans mes pensées, pas même le souvenir de ce que j'ai vécu.

Une distance s'est installée entre Evan et moi quand j'ai commencé à être hantée par ce qui m'était arrivé, après une période de déni. Pour autant, je n'ai jamais cessé de me sentir proche de lui intimement. Et j'espère que jamais on ne pourra nous arracher ça.

Il soupire contre mes lèvres, probablement de soulagement, puis referme à nouveau sa bouche sur la mienne. Ses mains enveloppent à nouveau mon visage, dans un geste protecteur tout d'abord, puis elles descendent dans ma nuque pour raffermir leur prise. Je glisse mes bras dans son dos et l'emprisonne proche de moi. Alors qu'il s'accorde une demi-seconde pour reprendre son souffle, j'attrape sa lèvre inférieure entre mes dents. Je ne veux pas que ça s'arrête.

— Mia...

Il m'embrasse encore.

Je niche ma main dans la sienne et l'emmène à l'étage. À peine arrivée dans sa chambre, je le ramène contre moi, sans prendre la peine de me refamiliariser avec les lieux. Ses mains à lui attrapent le bas de mon pull et rencontrent ma peau nue. Je l'aide à le retirer, car j'ai besoin de le sentir contre moi.

Il me retourne, se colle contre mon dos. Sa bouche joue avec le lobe de mon oreille, avant de déposer une traînée de baisers humides le long de mon cou. Je balance la tête en arrière et ferme les yeux.

Il me rapproche du lit, sur lequel il m'allonge sur le ventre. Dans mon dos, je l'entends retirer son pull avant de caresser le creux entre mes omoplates. Je me détends tandis que ces doigts courent le long de ma colonne vertébrale. Et puis cela se produit : à l'instant où il frôle le bas de mon dos, je revis le cauchemar.

L'odeur trop forte de lessive des draps. La tapisserie rouge pourpre sur les murs. Le téléphone fixe posé sur la table de nuit relié à la réception, dont je n'arrive pourtant pas à me saisir.

Ses sales pattes sur moi alors que je suffoque dans l'oreiller.

— Mia ? Tu vas bien ?

Evan. C'est la voix d'Evan.

Tu es avec Evan.

Je me ressaisis, me faisant violence pour revenir au présent. J'aurais dû me douter que forcer le retour des souvenirs de cette nuit-là avec Jules causerait des dégâts.

Evan ne me touche plus, il attend une réaction de ma part.

— Pardon ! J'ai eu un moment d'absence.

Voyant qu'il ne reprend pas où il en était, je me retourne pour le regarder. Les sourcils froncés, il me scrute d'un air exigeant une réponse. Je me redresse et attrape son visage pour l'embrasser à nouveau, mais il me repousse.

— Qu'est-ce qui se passe ?

— Rien. Tout va bien.

— Tu trembles.

Maintenant qu'il le dit, je constate ma propre fébrilité. L'ensemble de mon corps est tremblant, comme prêt à se craqueler. J'ai froid, d'ailleurs. Les bouts de mes doigts sont glacés.

— Mia... Qu'est-ce qui t'arrive ? demande-t-il, très sérieux.

Je le sens proche. Trop proche. Tellement que feindre l'indifférence m'apparaît être l'épreuve la plus insurmontable. À la terreur dans mes yeux, il comprend la peur qui m'obsède. La peur que ça recommence.

Mon masque s'effondre. J'aimerais le maintenir en place, mais c'est trop tard, mon expression parle pour moi. Je tâte le drap, cherche à couvrir ma poitrine nue, soudain vulnérable.

Son incompréhension laisse place à la souffrance que je lis sur son visage. Son regard s'illumine, aussi, comme s'il trouvait des réponses à des questions qu'il n'était pas encore parvenu à se poser.

— Qui ? balbutie-t-il.

Je déglutis difficilement.

— Mon agent... Quand j'étais encore aux Etats-Unis.

Je vois qu'elle le traverse : la colère. Il a envie de le tuer. C'est aussi la raison pour laquelle je ne voulais pas lui en parler : dès l'instant où j'incarnerais le statut de victime, je savais qu'il s'improviserait justicier et se focaliserait sur lui. Alors que c'est moi qui saigne à l'intérieur.

Comme si mes pensées avaient été trop bruyantes, il se reconcentre pourtant sur mon visage. Sa colère s'efface au profit d'une compassion que je lui reconnais davantage.

Il me prend dans ses bras et me serre contre lui. J'enfouis mon visage dans son cou, soulagée.  Dans l'oreille, il me murmure à quel point il est désolé, et je trouve la force de lui avouer le secret que je me suis cachée à moi-même durant des mois.

Il ne pose pas plus de questions. Il m'allonge avec lui, me couvre avec les draps, et me protège dans ses bras. Quand l'extrême fatigue de la journée et de la nuit dernière m'emporte, j'ai enfin l'impression que ce mur entre nous a été abattu.

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🥀

Well, well, well...

On obtient enfin des réponses !

Je ne cache pas que ce chapitre n'a pas été des plus faciles à écrire, et en même temps les sujets qu'il aborde sont tellement importants. J'espère que vos petits cœurs n'ont pas trop souffert. ❤️‍🩹

Le prochain chapitre sera le dernier ! N'hésitez pas à me donner vos avis et vos projections pour la fin de cette histoire.

En ce moment je croule sous le travail mais je vais essayer de vous poster ça au plus vite.

With love,

Laurène

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