Chapitre 6 : Attrape-moi si tu peux

Un mois plus tard...

J'arpente les couloirs sans but. Malgré le fait que les cours aient débuté il y a un mois, je ne connais toujours pas l'emplacement de mes salles. Je suis donc à la recherche de mon guide habituel, un poil réticente. Quelque chose me dit qu'il va être quelque peu remonté contre moi.

- Mia !

La voix grave d'Evan résonne à travers le long couloir. Je frissonne sans pouvoir m'en empêcher en entendant ses pas rapides et lourds se rapprocher. Il va me tuer.

Je pars en courant comme une gamine, et peine à me frayer un chemin à travers la foule rassemblée dans le couloir. Les pas se pressent derrière moi, signe qu'Evan prend de la vitesse lui aussi.

J'imagine que vous êtes un peu perdus, ce qui n'a rien d'étonnant. Aussi improbable que cela puisse paraître, Evan et moi sommes devenus des amis. Ce lien s'est fait progressivement au fur et à mesure des jours passés ensemble au lycée, de sa proximité avec mon frère, et de sa présence de plus en plus récurrente chez moi. Je le soupçonne de ne pas vouloir passer trop de temps seul dans sa grande maison, son père étant fréquemment absent. Mais je ne lui en parle pas, car je le connais : si je lui demande de me faire des confidences, il m'en demandera en retour. Et il est tout à fait hors de question que je lui en accorde.

J'ai fini par me faire à l'idée que lui et moi ne sortirons pas ensemble. J'en ai eu marre de l'entendre me rabâcher son éternel discours sur l'incompatibilité. Selon lui, nous nous entretuerions dès la première semaine. Sur ce point, il n'a peut-être pas entièrement tort. Etrangement, sa présence en tant qu'ami semble me suffire. Tant que j'ai ma dose quotidienne de lui, je ne ressens pas forcément le besoin de plus.

Et quelquefois, il m'arrive de dépasser les bornes avec lui. C'est le cas aujourd'hui, d'où ma course effrénée à essayer de le fuir.

- Mia, tu ne peux pas t'échapper !

J'accélère le pas, jusqu'à sortir du bâtiment. L'adrénaline a pris possession de tous mes membres.

- Arrête-toi, petite peste !

Il réussit à m'attraper par le bras et me retourne brutalement. J'explose de rire en voyant son expression. Je peux presque voir la fumée sortir de ses cheveux et de ses oreilles, comme dans les cartoons.

- Ah, ah ! Ça te fait rire, hein ?

- À vrai dire, oui, beaucoup.

Mon air enjoué ne contribue en rien à l'adoucissement d'Evan. Au contraire, il semblerait que la fureur monte en lui.

- Je vais te tuer ! Ça t'éclate de casser tous mes coups comme ça ? hurle-t-il.

- Casser tes coups ? Moi qui voulais vous créer une soirée mousse pour vous mettre dans l'ambiance, je pensais que tu apprécierais.

Si mes fréquentations ne se résument, depuis son arrivée, plus qu'à lui, Eva, et Jules - Fanny et Sophia ont été définitivement rayées de la liste -, et que je n'ai eu d'aventure avec aucun garçon, ça n'est pas son cas. Il enchaîne les flirts avec différentes filles, ce qui est assez ironique quand on pense aux reproches qu'il me faisait au début. À vrai dire, je ne suis toujours pas parvenue à m'expliquer son comportement. Evan n'est pas ce genre de tombeur qui a besoin de séduire en permanence pour se revaloriser. Et même s'il va rarement jusqu'au bout avec ses proies, c'est arrivé avec une, et j'admets l'avoir mal vécu.

Depuis, je prends un malin plaisir à casser tous ses coups, étant toujours plus inventive. Cela faisait un moment qu'il voyait cette blonde, et je savais qu'il allait la ramener chez lui hier soir. J'ai beau avoir intégré qu'il ne se passerait rien entre nous, je n'allais pas pour autant le laisser la sauter. Hier, c'était la mousse à raser mon complice.

- Une soirée mousse ? s'étrangle Evan. Bizarrement, Anna n'a pas trop apprécié quand ses jambes se sont retrouvées couvertes de ta foutue mousse à raser en entrant dans mon lit !

Son prénom est donc Anna. J'aurais  donné cher pour voir son expression.

- Du coup, elle m'a laissé en plan ! rugit-il.

- Oh, pauvre petit chou ! Tu as dû te soulager tout seul du coup ?

- Mia Castez, tu viens de signer ton arrêt de mort.

Il me prend en sac à patates sur son épaule, m'arrachant un cri de surprise. Ses bras enroulés autour de mes jambes m'empêchent de me débattre. Les élèves autour de nous s'écartent pour le laisser passer, hilares.

Arrivés dehors, il me dépose sur un banc et m'immobilise. J'essaie de m'extirper, mais son corps élancé me bloque, ce qui rend la chose impossible. Evan sort quelque chose de son sac et me le plante sous les yeux.

- Tu dois reconnaître ce que c'est !

Oh non. Une bombe de mousse à raser.

- Evan Pérez, je te préviens, si tu oses...

Je n'ai pas le temps de finir ma phrase, la mousse atterrit directement sur mon visage. Je hurle pendant qu'il ricane, en étalant partout sur mes vêtements.

Quand il cesse enfin son petit jeu, je suis complètement recouverte de cette matière répugnante, et lui affiche un sourire satisfait. J'ai la bouche grande ouverte tandis qu'il déclare fièrement :

- Voilà, maintenant on est quittes.

Une lueur de regret passe dans son regard alors qu'il détaille mon état dégradé et mon expression décomposée, toujours assise sur le banc. Il se penche pour essuyer mon front de son pouce, et y dépose un léger baiser.

- À plus tard, mon joli bonhomme de neige.

Fier, ilm'accorde un dernier sourire ravageur avant de s'éloigner en sifflotant. Si jene le trouvais pas si sexy, je n'aurais pas abandonné la bataille. Mais je meretrouve stoïque à fixer ses fesses avant qu'elles ne disparaissent.   

Je passe la journée avec des vêtements crasseux en maudissant Evan intérieurement à chaque minute qui passe. Alors que je m'apprête à rejoindre Eva à la cafet, une voix qui m'est familière m'arrête.

- Mia, mais qu'est-ce qui t'est arrivé !

Je lève la tête et cligne des yeux plusieurs fois. Robin, autrement dit le garçon le plus canon du lycée, se tient devant moi. Ce blondinet est la perfection incarnée, et il est en terminale. J'avais brièvement tenté une approche l'année dernière lors d'une des fameuses soirées arrosées de mon frère, mais il ne semblait pas s'intéresser aux secondes. Peut-être que maintenant que je suis en première, les choses sont différentes.

- Une mésaventure avec un soi-disant ami que je ne vais pas tarder à égorger.

Il rit. Mon humour fait toujours effet, on dirait. J'ai tendance à l'oublier ces temps-ci. Il faut absolument que je me remette à séduire, ne serait-ce que pour ma satisfaction personnelle.

- C'est agréable de voir que même dans cet état, tu es toujours sublime, constate-t-il.

Je lui plais, j'en suis sûre. J'empreins mon plus beau sourire séducteur et m'humecte les lèvres, ce qui le fait déglutir. Il observe ma bouche tandis que je me rapproche de lui, prenant bien soin de balancer mes hanches. Je sors de la poche arrière de mon jean un papier sur lequel est inscrit mon numéro de téléphone, puis le glisse dans la poche avant de sa chemise. J'en ai toujours un sur moi, juste au cas où. Je n'avais pas eu l'occasion de m'en servir depuis un bon bout de temps, mais je suis ravie d'avoir gardé cette habitude.

- Appelle-moi, et peut-être que tu me proposeras de sortir et tu verras à quel point je peux être sublime.

Je lui fais un clin d'œil avant de me retirer. Je suis persuadée que Robin est en train de lorgner mes fesses. Je jette juste un petit coup d'œil, bingo ! Tous les signes sont là : il est déjà dingue de moi.

Je passe le reste de la journée le sourire aux lèvres. Un garçon qui m'intéresse vient de m'aborder, enfin. Je commençais à être en manque. À côté d'Evan tous les garçons me paraissaient sans intérêt, mais Robin, quoi ! Eva ne me croyait pas quand je le lui ai dit, et après avoir sauté de joie, sa seconde réaction a été de me demander « et Evan ? », ce qui m'a agacée. Je ne vais pas attendre Evan indéfiniment, il ne veut pas de moi eh bien tant pis, il ne sait pas ce qu'il rate.

Je pousse justement la porte d'entrée de chez lui, et m'écrie :

- Tête de bite, t'es où ?

Son père n'étant pas là, j'en profite pour user d'une de mes fabuleuses insultes. Attirée par des voix en provenance du salon, je le surprends allongé au-dessus d'Anna, sur le canapé. Très classe.

- Tu ne peux pas te retenir, c'est pas possible, t'es pire qu'un animal !

- Mia, tu ne peux pas frapper avant d'entrer ! s'énerve-t-il.

- Pourtant toi, tu ne demandes pas la permission pour entrer, si tu vois ce que je veux dire.

La blonde affiche une mine horrifiée suite à ma blague perverse. On ne dirait pas qu'elle s'apprêtait à retirer ses sous-vêtements quelques secondes plus tôt. Evan, lui, soupire d'exaspération.

J'attrape son tee-shirt par terre et le lui balance à la figure, tentant de masquer mon énervement de les surprendre tous les deux. Je sais que cette réaction n'est due qu'à mon ego, pourtant mon coeur se comprime tellement à chaque fois en le voyant avec une autre que j'en ai la nausée. 

Je le pousse pour avoir de la place sur le canapé, et agis le plus naturellement possible. Je jette un coup d'œil au plan cul d'Evan, désormais toute gênée. Mes yeux ont le malheur detomber sur sa lingerie. Je souris vicieusement alors qu'Evanm'avertit vainement du regard.

- Ce sont des sous-vêtements Victoria Secret ? Très bon choix, j'adore cette marque.

Elle est abasourdie et Evan ne sait plus où se mettre.

- Anna, je suis désolé... Mia va s'en aller, dit Evan à sa copine.

- Encore toi, Anna ! C'est tout Evan ça, il ne supporte pas de ne pas conclure alors il revient à la charge ! C'est étonnant que tu sois revenue après sa petite blague d'hier, il adore ridiculiser ses plans cul. D'ailleurs qui sait, il a peut-être mis un coussin péteur sous le canapé, ce serait bien son genre !

Je vous l'accorde, je suis en train de dépasser les bornes, mais je m'amuse beaucoup trop pour m'arrêter.

- Plan cul ? Evan, c'est quoi cette histoire ? C'est qui cette fille ?

Ah, la blondasse a finalement une langue ! Ses cheveux sont en pétard et son mascara a coulé, je devrais peut-être le lui dire.

- Je peux tout t'expliquer, bégaie Evan. Je... enfin, Mia... je veux dire, je...

- Evan couche avec une fille différente presque toutes les semaines, alors si tu as cru que tu étais spéciale, j'ai le regret de t'apprendre que ce n'est pas le cas.

Je mens. Elle l'est peut-être, spéciale. Si Evan l'a choisie parmi les autres, et a décidé de coucher avec elle, c'est pour une bonne raison. Mais je ne peux l'accepter.

Anna fait les gros yeux à Evan, et je réprime un sourire satisfait.

- J'en ai assez entendu, réplique-t-elle, je m'en vais.

Elle ramasse ses affaires par terre et se dirige d'un pas lourd vers la sortie. Si elle se croit intimidante, elle se trompe, c'est ridicule. Je lui fais un petit signe de la main, ma bouche s'étirant d'une oreille à l'autre, et crie en entendant la porte s'ouvrir :

- Tu devrais te débarbouiller, le noir ça se met au-dessus des yeux, pas en-dessous !

Le claquement de la porte est ma seule réponse. Je me munis de la télécommande et commence à zapper d'une chaîne à l'autre, tout en ignorant l'être fulminant à mon côté.

- C'était quoi ça ?

Je regarde Evan, un rictus innocent aux lèvres, et bats des paupières.

- Quoi donc ?

Ça n'a pas l'air de le faire rire. Il prend une grande inspiration, puis lâche :

-       Pourquoi tu lui as dit que j'enchainais les plans cul ?

-       C'est presque le cas. Tu flirtes avec plein de filles différentes, elle méritait d'être au courant.

Je m'enfonce dans le canapé, et fixe le présentateur de la télé, le suppliant mentalement de me donner du courage pour la suite.

-       Tu vas pas me faire croire que t'as fait ça pour son bien ! J'ai des envies, Mia, comme n'importe quel mec. Je n'ai couché qu'avec une fille depuis que je te connais, et je te l'ai dit.

Oh, génial, il veut une médaille pour être si honnête ?

-       Je m'ennuyais. La faire fuir était mon divertissement de la journée, pas la peine d'en faire un plat.

Comme à chaque fois que je prends notre discussion à la légère, Evan abandonne, lassé, et soupire. Nous restons quelques minutes silencieux, sans réellement écouter le son que la télé diffuse. Hésitante, je cale ma tête sur son épaule. Celle-ci se relâche, puis il pose une main sur ma cuisse. Je suis pardonnée.

-       De toute façon, elle n'est pas une fille pour toi, murmuré-je.

-       Comment tu peux le savoir ?

-       Je le sais, c'est tout.

Il n'y avait qu'à la regarder pour s'en rendre compte. Evan est quelqu'un d'extraordinaire, il mérite ce qu'il y a de mieux.

Heureusement, il ne me demande pas plus d'explications, mais décide de me menacer :

- Tu sais que je vais devoir me venger, ça fait deux fois que tu la fais fuir...

- Toi, te venger ? Tu ne sais pas comment t'y prendre.

- Tu as oublié ce qui s'est passé ce matin ?

Mon corps se tend. D'accord, je l'admets, Evan s'est plutôt bien débrouillé avec la mousse à raser. J'ai peur de ce qu'il va faire cette fois.

Je m'apprête à me lever mais il m'attrape par le poignet, pour la seconde fois de la journée, et m'oblige à me rasseoir. Il se penche au-dessus de moi, l'air menaçant.

- Tu as oublié que je connais ton point faible, Mia... me susurre-t-il à l'oreille.

Oh non. Je sais ce qu'il va faire, et je hais Maël pour lui avoir dit ce que je redoute le plus au monde.

- Non, Evan, s'il te plait !

Mais c'est trop tard, il s'est déjà mis à me chatouiller partout et je suis pliée en deux. Je finis recroquevillée sur le canapé, lui me surplombant, sans cesser sa torture. Je gigote dans tous les sens, à bout, alors qu'il est mort de rire. J'arrive à lancer entre deux gloussements :

- C'est un coup bas, Pérez !

- Non : ce que tu m'as fait est un coup bas. Moi, je rends la justice.

Il ne me cède pas une seconde de répit et je n'en peux plus de rire, j'en ai mal au ventre. Alors je fais quelque chose de vraiment petit, j'en suis consciente, mais je ne vois pas d'autre moyen de m'en sortir : je lui donne un coup de genou en plein dans l'estomac. Il gémit de douleur et s'affale de tout son poids sur moi.

Je le laisse se calmer, sa tête sur ma poitrine, mes mains dans ses cheveux.

- Tu es démoniaque, souffle-t-il.

Mon adversaire pose son menton sur mon thorax.

- Mais tu m'aimes bien.

- Non, je ne t'aime pas, répond-il, impassible.

- Si, je sais que tu m'aimes bien.

- Non, je traîne juste avec toi pour trouver des filles à draguer.

- N'importe quoi, en plus les filles ont plutôt tendance à me fuir, ce n'est donc pas un argument de taille.

- C'est de ta faute si je n'ai plus de repartie, tu t'es acharnée sur la partie la plus douloureuse de mon anatomie.

Je souris et il m'embrasse sur le front, avant de se lever.

- Tu as faim ? me demande-t-il.

- Oui, après avoir gagné cette bataille, je suis affamée.

Il plisse les yeux.

- Tu n'as pas gagné, tu as été déloyale.

- Mais bien sûr.

Je me redresse et lui prends la main pour l'emmener jusqu'à la cuisine.

***

Hey !

Personnellement j'ai adoré écrire ce chapitre, j'admets avoir rigolé toute seule devant mon ordinateur !

Que pensez-vous de l'amitié Mia/Evan ?

Bisous,

Laurène.

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