Chapitre 4 : Provocations
La maison de Sophia est blindée, et plus de la moitié des personnes présentes sont déjà bourrées. En ce qui me concerne je bois un peu, mais ne me saoule jamais. C'est simple, je déteste perdre le contrôle. Et puis vomir mes tripes n'est pas mon but principal lors d'une soirée, sans compter que la gueule de bois n'est absolument pas sexy.
Kyllian est là. Il doit avoir compris que notre semblant d'histoire n'a plus aucune chance de revoir le jour, puisqu'il ne m'a pas approchée. Il en a mis, du temps. Je n'ai pas encore vu Evan, une partie de moi craint qu'il ait décidé de ne pas venir, finalement. Mais je ne désespère pas, ce n'est pas dans ma nature ; en plus il est encore tôt.
Eva m'entraîne au centre de la pièce et nous commençons à nous déhancher. La danse me procure une sensation de confiance dont je ne peux me passer. Les regards avides que je sens sur moi y contribuent grandement, je dois l'avouer, même si j'en fais abstraction. Je ne peux pas en vouloir à ces garçons de me reluquer, je porte une robe qui moule chaque parcelle de mon corps sans exception : c'est spécialement pour cela que je l'ai choisie.
Deux mains chaudes se posent au creux de mes hanches, me faisant sourire. A vrai dire, je m'y attendais. Alors que je me retourne pour en découvrir la provenance, je suis surprise de retrouver Théo en face de moi, le meilleur ami de mon ex-le-lèche-cul. Il me serre plus fort et colle mon corps au sien. Je ne peux pas faire autrement, j'éclate de rire face au peu de naturel dont il fait preuve. Il fronce les sourcils et me demande :
- Quoi ?
- Théo, qu'est-ce que tu fais ?
- Je danse avec toi, ça ne se voit pas ?
Il arbore un sourire tellement tordu que j'en ai des frissons. Pas de plaisir, mais de dégoût. Théo est plutôt mignon, il n'aurait pas de mal à se trouver une copine, mais il ne m'attire définitivement pas. Il ne me donne pas envie de lui retirer ses vêtements, si vous préférez.
J'ôte ses mains de mes hanches, ce qui me vaut un regard interrogateur.
- Théo, Kyllian ne s'est pas remis de notre rupture et je ne veux pas lui faire de mal.
Cette excuse est totalement bidon, j'en rirais presque tant c'est absurde. Concrètement, je m'en tamponne le coquillart de faire du mal à Kyllian, mais je sais que repousser Théo ne ferait que l'inciter à me draguer davantage. Alors j'ai joué la carte de l'amitié pour qu'il se sente coupable, et cela semble opérer.
Il soupire avant de grommeler un misérable « d'accord », et s'éloigne. Bon débarras.
Je vais m'hydrater, ma gorge est sèche et je meurs de soif. J'aperçois Jules et un petit groupe de filles autour de lui. Son fan-club s'est déjà formé, ce qui n'a rien d'étonnant : sa bouille d'ange est irrésistible. Je me faufile au milieu de ces chiennes en chaleur et rejoins mon meilleur ami. Je pointe un doigt accusateur sur sa personne avant de répliquer :
- Toi, tu as un problème, tu es beaucoup trop mignon ! Regarde l'émeute que tu crées !
Il rit et me taquine à son tour :
- ... dit celle qui a réuni tous les mecs de la soirée sur la piste.
- Je ne m'excuserai pas pour ça.
Je lui fais un clin d'œil, provoquant un gloussement de sa part. Toutes les nanas autour de moi ont l'air agacées par ma présence, alors je leur adresse un sourire malicieux. Tout à coup, Jules perd son expression enjouée et se mordille l'intérieur de la joue, signe indéniable d'anxiété chez lui.
- Qu'est-ce qu'il y a ?
Il me regarde avec de grands yeux et me prend par les épaules. Qu'est-ce qu'il lui prend ?
- Tu me promets de ne pas t'énerver ?
- Mais enfin de quoi tu parles ?
- Mia, essaie de te dire que ce n'est rien.
Il fait un mouvement de tête en direction de la porte d'entrée, là où Evan pénètre dans la maison. Evan, accompagné de cette pimbêche de brunette. Jules me connaît par coeur, il ne savait que trop bien comment je réagirais. Il se trouve qu'il avait raison.
Je me précipite dans leur direction en bousculant tout le monde. La voix de Jules prononçant mon prénom retentit en écho derrière moi, elle me parait déjà loin. Cette petite garce n'a pas saisi ce que je lui ai gentiment expliqué, dans ce cas finies les amabilités.
J'empreinte mon plus beau sourire à l'abord d'Evan, et ignore complètement la brunette.
- Evan, tu as pu venir finalement !
- Euh, ouais.
- Je pense que les fêtes d'ici devraient te plaire. Sans compter que je suis souvent présente.
Une sorte de rictus se forme sur le visage d'Evan, donnant un résultat... étrange. Je ne saurais l'interpréter. Une voix faible intervient, me tirant de mon analyse :
- Les « fêtes d'ici » n'ont pas l'air si exceptionnelles, pourtant.
C'est cette petite peste qui a ouvert la bouche. Il semblerait qu'elle n'ait pas saisi la nature de son adversaire.
Je réplique d'un air mesquin :
- Elles le sont. Par contre, je ne me rappelle pas t'avoir invitée... ?
- Non en effet Mia, c'est Evan qui l'a fait.
Son sourire victorieux me donne envie de la gifler. Elle glisse sa ridicule main dans celle d'Evan, ses pupilles brillant d'un éclat qui ne me plait pas du tout. Oui, c'est sûr, je vais la gifler.
Je fais tout mon possible pour ne pas sortir de mes gonds tout en gardant un air provocateur. Cette petite a beaucoup plus de culot que je ne l'aurais pensé.
- Eh bien, hum... C'est quoi ton nom, déjà ?
Un ton peut difficilement être plus méprisant quecelui que j'adopte avec elle, et elle en tressaille. Pas si infaillible que ça, à ce que je vois.
- Emma.
- Eh bien Emma, tu vas devoir t'en aller, puisque de toute évidence tu n'es pas la bienvenue.
- Arrête ton cinéma Mia, tu ne peux pas la virer des fêtes ou lui dire de ne pas m'approcher, intervient Evan. On ne se connait pas, merde !
Sur ce, Evan tire Emma par la main et s'éloigne de moi. Je n'y crois pas, il vient encore de me planter ! Il faut qu'il arrête de faire ça, sérieusement, je ne vais pas le tolérer longtemps. Et cette petite lui a tout balancé, quelle cafteuse ! C'est normal, c'est une petite chose fragile, il faut la protéger. Pitoyable.
Elle est dos à lui, les mains d'Evan glissent sur sa taille, puis ils commencent à bouger au rythme de la musique. Dans un excès de jalousie, je balaie la salle du regard et il se pose sur Théo, assis avec une boisson alcoolisée entre les mains. Il va peut-être me servir, finalement.
Il lève la tête quand j'arrive devant lui, visiblement surpris. Je lui fais des yeux de biche en me mordant la lèvre inférieure, puis m'approche de son oreille et murmure :
- J'ai bien envie de danser, finalement.
- Quoi, mais je croyais que...
Je m'éloigne précipitamment et hausse les épaules, avant de déclarer :
- OK, tu ne veux pas, je vais voir ailleurs.
Je tourne les talons mais il m'attrape fermement par le poignet avant de m'attirer à lui. Je m'humecte les lèvres, lui faisant le grand jeu, il déglutit. Tellement prévisible.
Il enlace ses doigts avec les miens et m'emmène au milieu des danseurs. Je place ses mains sur mes hanches et positionne les miennes autour de son cou. D'ici, j'ai vue sur Evan et sa pouffiasse, et lui a vue sur moi. Parfait. Je descends petit à petit les mains de Théo sur mes fesses, nos deux corps collés.
J'observe Evan, qui ne fait même pas attention à nous. Au contraire, il reste concentré sur Emma la sangsue. J'ai beau la regarder, je ne vois vraiment pas ce qu'il lui trouve. Elle porte une espèce de gros sac à patate et ses chaussures sont plus plates que les fesses de mon professeur de maths.
J'ai beau être habitée d'un calme olympien au quotidien, quand je vois les mains de cette fille caresser le visage du garçon qui m'est réservé, mon sang bouillonne tellement que mes veines manquent d'éclater. Alors que je ne pensais pas ça possible, Evan croise mon regard. Pendant une demi-seconde, quand je plonge dans ce mélange de confusion que constituent ses yeux, le temps semble s'arrêter. Je stoppe mes mouvements tant l'effet qu'il a sur moi me trouble. Il continue de danser, mais ça ne l'empêche pas d'être ailleurs. D'être avec moi, je ne peux m'empêcher de penser. Je sens une pression comprimer mon cœur, qui ne dure pas, étant donné qu'Evan cille au même moment.
Je me ressaisis, et tente de faire disparaitre ce vide qui étreint ma poitrine maintenant qu'il ne me regarde plus. C'était quoi, ça ? Il est impossible qu'il n'ait pas ressenti les mêmes sensations que moi, cette fois. J'ignore pourquoi il s'acharne à me tenir tête, mais je vais lui montrer qu'il ne pourra pas me résister bien longtemps.
Je n'ai pas le temps de réfléchir à un plan, la bouche d'Emma se baladant près de l'oreille d'Evan me fait perdre le fil de mes pensées. Je ne peux plus la laisser faire.
Je m'écarte soudainement de Théo, et me dirige avec rage vers cet immonde petit couple. Je bouscule brutalement Emma, afin qu'elle se décolle d'Evan. Elle en tombe presque par terre tant elle est faible.
- Hé ! s'écrie-t-elle.
- Oups, je ne t'avais pas vue, il faut dire que tu es si petite.
Elle pose les poings sur ses hanches et me fusille du regard. Ridicule. Je glousse, réaction qui la fait sortir de ses gonds.
- C'est quoi ton problème à la fin !
Je m'approche d'elle en plissant les yeux.
- C'est toi, mon problème. Je t'ai déjà avertie et ça n'a pas suffi apparemment.
- Mais Mia, tu comprends pas qu'il n'en a rien à faire de toi ! Il me préfère moi, j'ai gagné !
- Eh oh, je suis pas un trophée, que ce soit bien clair, s'énerve Evan.
Mais sa petite camarade ne prend pas en compte sa plainte et continue :
- Tu ne peux pas maîtriser tout le monde !
- Je te préviens, si tu ne me laisses pas tranquille, je vais...
- Tu vas quoi, Mia ?! Ça des menaces tu sais en faire, mais ce que je vois pour l'instant, c'est que tu ne fais rien.
Un attroupement s'est formé autour de nous, profitant pleinement de la scène. Evan nous écoute attentivement, tout en restant silencieux.
- Vas-y Mia, humilie-moi ! Fais de ma vie un « enfer » parce que là, tu perds toute crédibilité.
Chaque mot que j'aimerais prononcer reste coincé dans ma gorge. Je ne peux pas m'acharner sur elle devant tout le monde ou lui faire un coup bas, je n'en suis pas capable. Ce silence la fait rire, un rire mauvais qui me fait me sentir complètement nulle. Pourtant j'en aurais des choses à lui balancer, tellement que je pourrais lui faire verser toutes les larmes de son corps.
Décontenancée, je murmure alors :
- Je ne peux pas.
- Quoi ?
- Je ne peux pas !
Cette fois j'ai crié et la foule me considère, surprise. Je croise le regard d'Eva qui m'adresse un sourire d'encouragement. Elle seule connaît la raison de mon incapacité à remettre cette morveuse à sa place.
Quant à mon ennemie, elle jubile comme une gamine.
- Tu ne peux pas ? C'est une blague ! Tu es pathétique, Mia.
Quelques ricanements me parviennent, et c'en est trop. Je m'en vais précipitamment, ne supportant pas cette humiliation. Je m'oxygène à l'extérieur et ferme les yeux pour laisser l'air entrer dans mes poumons. J'aurais dû tout lui dire, tout lui balancer.
- Mia ?
Je commence à reconnaître ce timbre de voix. Mais ça ne peut pas être lui, il y aurait alors un énorme manque de logique dans cette histoire. Et pourtant, quand je me retourne, Evan se tient derrière moi, les mains dans les poches.
- Tu vas bien ? me demande-t-il timidement.
- Pas vraiment.
Je n'arrive pas à déterminer ses intentions. Peut-être essaie-t-il simplement d'être gentil avec moi pour ensuite m'enfoncer plus bas que terre.
Il soupire en se massant la nuque, et je lance :
- Tu devrais rejoindre ta copine, elle doit sûrement savourer sa victoire à l'heure qu'il est.
- J'en ai pas envie. Elle n'est pas celle que je croyais, elle n'aurait pas dû agir comme ça. J'apprécie que tu ne sois pas entrée dans son jeu.
Et maintenant, il prend ma défense. Un moment je crois qu'il me juge, et l'autre il est de mon côté. Les contradictions de ce garçon me donnent le tournis.
- J'aurais dû. Maintenant elle va se croire supérieure.
- Qu'est-ce que ça peut faire ?
Il s'approche de moi, ne se tenant plus qu'à quelques centimètres. Il y a quelque chose de rassurant dans sa façon d'être. Son bon mètre quatre-vingt cinq, peut-être. Et cette façon de vous regarder comme si vous aviez un intérêt immense pour lui.
Il me fait peur. La confiance que je meurs d'envie de lui accorder alors que je ne le connais pas me fait peur.
- Ta réaction était beaucoup plus mature, insiste-t-il.
- Tu ne te rends pas compte de tout ce que j'ai dû faire pour en arriver là. Si tout s'écroule maintenant, je suis foutue.
- Ne dis pas n'importe quoi. Tu as plein d'amis, ça ne changera rien.
- Je n'en suis pas sûre...
Un sourire réconfortant se dessine sur son visage. Il pourrait être un grand manipulateur qui use de ses charmes pour arriver à ses fins. Pourtant, je n'en crois pas un mot.
Alors que j'ai enfin l'impression d'avancer avec lui, quelqu'un est obligé d'interrompre ce moment. Théo apparaît en titubant et s'accroche à mes épaules pour ne pas tomber.
- Hé, ma puce, t'es partie sans rien dire.
Je regarde Evan et lui apprends :
- Il est saoul.
Evan opine et Théo articule péniblement en pointant mon interlocuteur du doigt :
- Toi je te préviens, elle est à moi. Pendant toute l'année dernière elle a jonglé entre moi et mon meilleur pote, cette fois c'est mon tour.
Oh non. Si Evan commençait à avoir une bonne opinion de moi, elle va se dégrader, je le sens.
- Théo, arrête de dire n'importe quoi.
- Si c'est vrai ! D'ailleurs là, tu n'as eu aucun scrupule à danser avec moi devant Kyllian, comme tu le faisais avec moi l'année dernière. Je suis même sûr que tu l'as fait exprès.
Evan fronce les sourcils. Pendant un instant, je crois lire de la déception sur son visage. Puis je comprends l'avoir rêvée face à son agacement évident.
- Evan, c'est pas ce que tu crois, je...
- Non, c'est bon Mia. Toi et moi, on ne s'entendra pas. J'ai cru que tu n'étais peut-être pas si mauvaise au fond, mais tu n'arrives pas à agir autrement qu'en horrible garce. Salut.
Il s'en va, me laissant seule avec un ivrogne. J'avais le sentiment qu'il commençait à m'apprécier, mais bien sûr, il a fallu que ce merdeux de Théo vienne tout faire foirer.
La sensation que j'éprouve à l'instant m'est complètement inconnue. Jamais les propos d'un mec ne m'avaient tant touchée que ceux d'Evan ; enfin pas cette dernière année. J'aurais dû envoyer chier Emma, le résultat aurait été le même.
Théo exerce une pression sur mon bras pour me ramener à terre.
- Mia, viens avec moi... siffle-t-il.
- Tu veux aller où comme ça ?
- Dans une chambre, pardi !
Il adopte un accent du sud qui le fait glousser. Quel imbécile.
- Allez, Mia... Tu sais que je peux te faire oublier cette soirée.
Soudain, je me rends compte qu'il a raison. J'ai ressenti bien trop de pression, de frustration, et tout un tas d'émotions inhabituelles en une seule soirée. De plus, Evan m'a dévalorisée et je déteste ça. Je ne connais rien de mieux que le sexe pour ranimer cette inébranlable confiance en moi, qui est une nécessité.
Je soupire et le tire par le bras jusqu'à la chambre la plus proche.
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