Chapitre 3 : Rejet

Me voilà sur le cul, encore une fois. Quel est le problème de ce mec ? Il semblait réellement offensé, pourtant je n'en comprends pas la raison. Habituellement, il me faut à peine trois mots pour mettre un garçon dans ma poche. Non, en fait je n'ai même pas besoin de parler, un regard suffit. Peut-être qu'il est gay, après tout...

Je rejoins ma petite bande à la cafétéria, qui est déjà au complet. Kyllian est là lui aussi, à mon plus grand regret. J'ai le pressentiment qu'il va me coller encore un moment, ce qui est loin de me ravir. Je pensais pourtant que les mots "c'est fini" étaient assez explicites. Visiblement, il n'a pas totalement saisi le message.

Tous mes amis se retournent pour me voir arriver et Eva déclare solennellement :

-       Voilà princesse Mia !

Elle se lève et me prend dans ses bras.

-       Les Caraïbes t'ont réussi, qu'est-ce que t'es bronzée ! La prochaine fois tu m'emmènes avec toi, obligée.

Je ris en lui répondant :

-       C'est ça, compte là-dessus !

Eva est donc l'autre personne que j'arrive à supporter, avec Jules. C'est peut-être parce qu'elle fait partie de ma famille, il s'agit de ma cousine. Elle connaît mon passé et m'a toujours soutenue, même quand je l'envoyais bouler. Et Dieu sait que je l'ai fait à maintes reprises...

Je prends place entre elle et Jules, histoire de rendre ce repas de rentrée un minimum supportable. Sophia et Fanny sont assises en face de moi, et Théo et Kyllian complètent le cercle. Théo est le meilleur ami de Kyllian, j'avais hésité entre les deux avant de faire mon choix. Kyllian était le plus beau et Théo le plus drôle, bien sûr j'ai privilégié la beauté, puisque les relations sérieuses ne m'intéressent pas. J'aurais peut-être dû choisir Théo, il est moins lourd.

Alors que je n'ai absolument pas envie de l'aborder, Fanny met le sujet d'Evan sur le tapis :

-       Dis-nous tout Mia, comment tu vas t'y prendre avec le nouveau ?

-       Evan, il s'appelle Evan.

-       Alors tu connais déjà son nom ? T'as pris de l'avance ! sourit Sophia.

Je m'appuie sur le dossier de ma chaise en soupirant. A peine quelques heures que nous avons repris le lycée, et j'en ai déjà marre. Et comme si j'en avais besoin, Kyllian décide de s'en mêler :

-       C'est qui ce mec ?

-       Oups.

Mes deux meilleures amies gloussent, me faisant rouler des yeux. Il faut vraiment que je me débarrasse d'elles, leur stupidité apparente me file la nausée.

-       Ralentissez, quelqu'un peut me dire de qui on parle ? intervient Eva.

Jules prend la parole, afin d'éclaircir l'incompréhension qui règne entre nous : 

-       Il y a un nouveau dans la classe, et apparemment Mia a flashé dessus.

Les yeux de Kyllian lancent des éclairs, alors que sa poigne se serre autour de son verre d'eau. Il est franchement ridicule. Jules et Eva se regardent, et ne peuvent s'empêcher de pouffer de rire à sa réaction. J'esquisse un sourire moi aussi. Mais pourquoi suis-je sortie avec ce guignol déjà ?

-       Raconte Mia, on veut tout savoir.

Eva adore les ragots, elle est toujours au courant de tout dans le lycée. Elle est pour ainsi dire une fouineuse professionnelle.

-       Rien de spécial, on s'est un peu parlé tout à l'heure.

-       Il t'a dit d'où il venait ? Il a une copine ?

L'interrogatoire de mes amis commence véritablement à me taper sur les nerfs.

-       Ça vous regarde pas.

Mon ton est sec et cassant, traduisant mon agacement intérieur, et suggère de ne pas m'énerver davantage. Il faut ça pour qu'ils se décident à la fermer.

Soudain, Fanny pousse un cri aigu. Là, je perds patience.

-       Qu'est-ce qu'il y a encore ?

J'ai appuyé sur chaque syllabe pour qu'elle comprenne mon exaspération.

-       Il est là.

-       Comment ça, il est là ?

-       Là, dans la cafet'. Maintenant.

Je me retourne et vois Evan entrer à l'autre bout de la pièce, toujours incroyablement séduisant. Cela vous surprend ? Pour ma part, pas le moins du monde. 

Après le bruit d'une chaise qui frotte sur le sol, j'ai à peine le temps de discerner Kyllian qui vient de se lever et qui, en deux temps trois mouvements, fait face à Evan. Il va vraiment me rendre folle. Je me dépêche de le rattraper, dans le but de limiter les dégâts. Evan n'a pas l'air de comprendre pourquoi mon ex lui fait face, l'air menaçant.

-       Je peux t'aider ? réplique Evan, tout en haussant un sourcil.

Ce qu'il est sexy quand il fait ça... Je crois que même s'il mangeait un vulgaire hamburger, il trouverait le moyen de rendre la chose sensuelle. Il me faut définitivement ce nouvel arrivant.

-       Ouais, tiens-toi loin de... commence Kyllian-le-pot-de-colle.

Je l'interromps avant que tout cela ne dégénère :

-       Kyllian, à quoi tu joues ?

-       Bébé, retourne t'asseoir à la table.

Je croise les bras sur ma poitrine pour lui montrer que je ne bougerai pas. Il est déjà gonflé de me faire la cour comme si je n'étais pas au courant de ses activités estivales, alors cette scène de jalousie n'en parlons pas.

Je m'adresse à lui de mon ton le plus méprisant possible :

-       Je ne suis plus ton « bébé » depuis un bout de temps déjà. Il est temps que tu te fasses une raison.

Evan assiste à la scène silencieusement, cependant je pressens tout de même le jugement émaner de son être. En fait, c'est ce que je ressens à chaque fois que j'ai une altercation avec lui. L'expression de Kyllian change du tout au tout, la colère laissant place au désespoir.

-       Ne dis pas ça... Je sais que t'as encore des sentiments pour moi, tout comme j'en ai pour toi.

Je m'approche davantage de lui, nos visages ne se retrouvant plus qu'à quelques centimètres. Je sens l'espoir renaître en lui, et je vais me faire un plaisir de le réduire en miettes.

-       Que ce soit clair : je n'ai jamais eu de sentiments pour toi. Je n'ai jamais été amoureuse de toi et ne le serai jamais. Maintenant, oublie-moi.

Je vois chaque partie de son visage se décomposer sous mes yeux, alors que j'affiche mon célèbre rictus pour l'achever. Vous devez vous demander si j'éprouve une quelconque once de culpabilité. La réponse est non, je ne ressens rien. Car Kyllian n'a jamais été plus important qu'un simple petit ami de passage à mes yeux. Maudissez-moi autant que vous le voulez, traitez-moi de fille sans cœur, je vous promets que la vie est plus facile comme ça. Une vie sans attaches.

 Kyllian s'en va enfin en marmonnant :

-       Très bien, j'ai compris...

Je respire un grand coup, puis reporte mon attention sur Evan, pour lui adresser mon plus beau sourire.

-       Excuse-le, il a des réactions un peu extrêmes parfois.

-       Un peu extrêmes ? Il t'aime, c'est évident.

Je suis plus qu'étonnée par la réaction d'Evan. Est-il en train de prendre la défense de Kyllian ? Ce garçon est très difficile à suivre.

-       Il ne m'aime pas. Il a certainement passé l'été à coucher avec toutes les filles qu'il croisait.

-       C'est ça, il n'empêche que...

J'écoute attentivement ce qu'il s'apprête à me dire, mais la suite ne vient pas. Au lieu de quoi il prend une profonde inspiration en pressant les paupières, et se passe la main sur la nuque.

-       Tu sais quoi, oublie. J'espère que tu es fière de toi, je ne savais pas qu'on pouvait être aussi insensible.

Il me jette un regard noir avant de s'éloigner. Mais pourquoi me laisse-t-il toujours en plan comme ça ? Et qu'est-ce que ça peut lui faire, que je blesse mon ex ? Il ne le connaît même pas. 

Je passe de la confusion à la colère en trois secondes, top chrono. Evan a rejoint la petite brunette à sa table et s'est assis avec elle et ses copines. Je me mets à bouillonner intérieurement et si je ne m'en vais pas tout de suite, je vais exploser. Je regarde une dernière fois mes amis, qui me fixent tous, évidemment, et me dirige vers la sortie.

J'avais besoin d'un peu de temps seule pour essayer de comprendre le comportement de ce garçon. Mais j'ai beau avoir retourné le problème dans tous les sens, je n'arrive pas à trouver d'explication. Peut-être que je ne lui plais pas... Non, impossible, je suis le type de tout le monde. Une chose est sûre, je n'abandonnerai pas aussi facilement. Evan sera à moi quoi qu'il arrive.

C'est alors que j'aperçois la petite brunette au fond du couloir. Je me dirige vers elle à grands pas, sans réfléchir à ce que je vais lui dire. Mes paroles spontanées sont toujours les meilleures.

Une vague de panique traverse son visage en me voyant approcher. Je l'intimide, tant mieux. Je m'arrête à quelques centimètres d'elle, et me réjouis du fait qu'elle fasse une tête de moins que moi, comme la plupart des filles. Il faut bien admettre que mon mètre soixante-treize m'aide vraiment dans ces cas-là. 

Moi, adoptant mon petit sourire hypocrite, elle, écarquillant les yeux, elle bredouille :

-       Qu'est-ce que... qu'est-ce que tu veux ?

-       Mettre les choses au clair. Je ne voudrais pas que tu te fasses des idées pour rien.

-       Mais... à propos de quoi ?

-       Tu le sais très bien. Evan, tu peux faire une croix dessus, il est pris.

Elle semble se ressaisir et croise les bras sur sa poitrine - minuscule soit dit en passant - d'un air qu'elle veut provocateur.

-       Parce que vous êtes ensemble ?

-       Ça ne saurait tarder.

Je m'approche d'elle pour la faire reculer. Elle se retrouve bloquée par le mur, prise au piège entre mes filets.

-       Si tu te mets en travers de mon chemin, je me ferai un plaisir de faire de ta vie un enfer. Garde ça en tête, petite, c'est un petit conseil.

Je lui souris une dernière fois avant de tourner les talons. C'était trop drôle de la voir si effrayée, pauvre petite chose. Je sais qu'elle ne voudra pas se mettre une fille telle que moi à dos, je connais bien ces spécimens, ça déteste les histoires et elle fera tout pour rester tapie dans l'ombre.

Je dois dire que cette altercation m'a revigorée, ma bonne humeur refait surface. Je rejoins Fanny et Sophia devant notre salle de classe. Elles me posent des questions sur Evan, ce à quoi je m'étais préparée, et je me contente de leur dire que ça avance. Ce dernier arrive peu après moi, et Sophia l'interpelle :

-       Evan, attends !

Il stoppe et la regarde d'un air interrogateur.

-       Je fais une fête ce soir, tu devrais venir.

-       Ce soir ? Je ne sais pas.

-       Je te donne l'adresse et tu y réfléchis.

Sophia prend un stylo et lui écrit sur la main. Elle ajoute :

-       Tout le monde sera là, y compris Mia.

Il me regarde et je m'attends à ce qu'il me démonte devant mes amies, mais il n'en fait rien.

-       Je passerai peut-être.

Il ne me déteste peut-être pas tant que ça, finalement. Une chance que cette rentrée tombe un vendredi. Une fête, c'est exactement ce qu'il faut pour me rapprocher de lui. Entre la danse et l'alcool, il sera impossible qu'il me résiste.

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