Chapitre 1
Il fait sombre et une forte odeur de rance lui coupe la respiration. Son cœur bat jusque dans ses tempes, tandis qu'elle essaie de ne pas laisser la panique l'envahir. L'endroit lui semble familier, mais elle est incapable de dire où elle se trouve, ou plutôt, dans quoi.
Ses doigts glissent le long de la parois, espérant trouver une ouverture dans la pénombre.
Une porte s'ouvre soudain, la lumière s'infiltre et l'éblouit un court instant. Elle ne voit pas la main qui arrive vers elle, mais elle sent une force extérieure l'extraire de sa prison.
La sonnerie du téléphone retentit, tirant Sarah d'un sommeil agité. Elle tend la main vers son portable et une lumière bleutée lui agresse la rétine : 5h18.
– Oui, prononce-t-elle, encore endormie.
Une voix grave résonne dans le combiné :
– Détective Reid ? Inspecteur Rodriguez. Je vais avoir besoin de vous.
Elle se redresse instantanément dans son lit :
– Quand ?
– Vous êtes déjà en retard. Je vous envoie l'adresse.
Il ne prend pas le temps d'attendre la réponse qu'il raccroche aussitôt. L'enquêtrice n'avait pas eu à faire à la sympathie légendaire du policier depuis plusieurs mois, et pourtant, cela lui avait presque manqué. Ceci dit, s'il l'a presse ainsi de si bon matin, ça doit vraiment en valoir la peine.
Détective privée spécialisée dans les cas de disparitions, Sarah est intervenue plusieurs fois en tant que consultante auprès de la police dans sa carrière, et il lui est bien sûr arrivé de faire équipe avec Rodriguez. Si l'inspecteur est très compétent dans son domaine, il est moins doué en ce qui concerne les relations humaines, mais cela leur a plutôt bien réussi jusqu'à présent. Grâce à leurs collaborations ponctuelles, ils ont pu donner une fin positive à plusieurs cas de d'enlèvement et la jeune femme n'en n'est pas peut fière.
Elle passe une main dans ses cheveux humides de sueur et s'empresse de se diriger vers la salle de bain. Elle hume les effluves fleuris de son gel douche pour tenter de chasser cette étrange sensation qui persiste toujours après ses mauvais rêves, avant de terminer de se rincer rapidement. Elle enfile un jean et un pull en laine noir puis finit par attacher ses longs cheveux châtains, à peine séchés. Ni bijoux, ni maquillage, seulement ses éternelles lunettes à monture noire posées sur son nez. Elle n'a ni le temps, ni l'envie d'être coquette, et ce n'est pas dans sa nature.
Au moment de passer la porte, ses cauchemars reprennent forme dans son esprit et se mêlent au présent.
Son souffle s'accélère et sa main tremble sur la poignée. Prise d'un vertige, Sarah se rattrape de justesse au dossier de la chaise haute, titube jusqu'à la cuisine et saisit un flacon dans le placard. Elle gobe deux comprimés qu'elle avale avec la boule d'angoisse coincée dans sa gorge. Elle ferme les yeux, inspire profondément, puis reprend son air impassible avant de quitter la pièce.
Les pluies diluviennes qui s'abattaient sur la Grande Pomme depuis deux jours ont fini par se calmer durant la nuit et ce n'est plus qu'une fine bruine qui tombe sur la ville encore endormie, bien qu'elle ne dorme jamais vraiment. La radio chante dans son vieux pick-up rouge, sans que Sarah n'y prête attention. Les mains crispées sur le volant, elle se contente de fixer la route en serrant la mâchoire, l'esprit encore embrumé par ses rêves. Elle tente de se changer les idées et se concentre sur l'appel de l'inspecteur. Pour que Rodriguez fasse appel à ses services, c'est que l'affaire doit être sérieuse.
C'est un très bon enquêteur, mais c'est aussi un solitaire qui ne fait équipe avec personne, encore moins avec quelqu'un d'extérieur. Heureusement pour elle, lorsque son capitaine ne lui a pas laissé le choix, Rodriguez s'est plié à ses volontés et le binôme a si bien fonctionné que c'est lui qui la contacte directement en cas de besoin. Pas trop souvent, bien sûr, et à condition évidemment de ne pas trop envahir son espace.
Sarah approche enfin du lieu indiqué par Rodriguez, dans les quartiers du Queens. Elle se gare sur la 34ème Avenue à l'abri des lumières des gyrophares et sort discrètement dans l'aube naissante. Elle arrive devant l'adresse indiquée et observe l'immeuble. Un bâtiment aux briques rouges, semblable à tous les autres. Un policier posté dans le hall vérifie son identité et la fait accompagner au deuxième étage où s'affairent plusieurs de ses collègues.
Sarah commence à douter. Autant d'agents pour une disparition ?
L'inspecteur Rodriguez, toujours impeccable dans son jean délavé et sa veste aviateur, l'accueille dans le salon avec son air froid habituel et lui tend le gobelet en carton qu'il tient dans la main.
– C'est pour vous, la salue-t-il sèchement. Il était temps, la police scientifique a fini. Le légiste attend pour emmener le corps.
– Merci. Ravie de vous revoir également, répond-elle sur le même ton, avant de réaliser. Le corps ?
Ce dernier mot lui arrache un frisson qui parcourt son échine et son poing se serre imperceptiblement. Si elle n'a jamais voulu être flic, c'est justement pour ne pas être confrontée à ce genre d'affaires. Elle sent son estomac se tordre, tandis que Rodriguez hausse les épaules et tend la main vers le fond de la pièce :
– Si vous voulez bien me suivre.
Sarah l'arrête d'un geste et recule d'un pas :
– Attendez, hésite-t-elle. Je ne sais pas si je pourrais.
Rodriguez la regarde sans rien laisser paraître, bien que sa ride du lion se creuse un peu plus lorsqu’il répond :
– Je veux bien croire que ce genre de choses soit impressionnant, surtout avec ce que vous vous apprêtez à voir, mais je doute que vous ayez le choix sur ce coup.
– Je ne fais pas partie de la police, le contredit-elle. Rien ne m'oblige à être ici.
– Si, Reid. Vous êtes concernée.
Sa voix est tombée tel un couperet et Sarah ne sait plus quoi répondre.
– Suivez-moi, ajoute l'inspecteur. Vous allez comprendre.
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