Un jour de plus
Cette nuit avait été une nuit sans rêves. Les rayons du soleil matinal filtraient à travers les rideaux entrouverts de ma chambre, éclairant doucement la pièce d'une lueur timide. Allongé sur mon lit, le regard fixé au plafond nacré de mon petit appartement, je laissai échapper un soupir. Une vague de lassitude m'envahit, comme si réfléchir était devenu une corvée pesante et tonitruante. La sonnerie stridente de mon réveil me tira brusquement de mes pensées, me ramenant à la réalité peu accueillante de la journée qui m'attendait.
Avec un mouvement lent et résigné, je m'extirpai des draps, laissant mes pieds toucher le sol frais de la chambre. Il était sept heures, et comme tous les matins à sept heures depuis une semaine, c'était le moment pour moi de me lever. Je venais tout juste d'être embauché comme comptable et je me sentais déjà las de ce travail. Ce n'était pas faute d'avoir essayé pourtant. Des années d'études, un diplôme et un an de recherches d'emplois acharnées pour trouver un poste à côté de chez moi dans une boite qui me plairait un minimum. Le marché du travail était ingrat et fermé. Il fallait envoyer un nombre incalculable de CV à un nombre incalculable de gens pour se prendre un nombre incalculable de refus.
C'était vrai, avec autant de fois le mot « incalculable », on pourrait s'attendre à une blague de mauvais goût sur les comptables. Mais il n'y avait rien de drôle dans cette foutue vie d'adulte.
Je fis couler un café, affreusement conscient du « tic-tac » incessant de l'horloge au-dessus de ma tête qui m'empêchait d'oublier que l'heure du départ approchait. Assis à la table de la cuisine, je regardai le ciel gris dehors en jouant avec mon pilulier. Il allait pleuvoir dans peu de temps et je n'avais vraiment pas envie d'arriver trempé au bureau. Je bougonnai, marmonnant une insulte aux nuages.
Ma mère m'aurait sûrement repris, avec son petit air moralisateur tellement agaçant. Penser à mes parents me donnait la nausée et je finis rapidement mon café avant qu'il ne devienne froid. J'avais toujours été le vilain petit canard de la famille – contrairement à mon frère qui avait toutes les louanges à chaque repas où nous étions conviés.
Il était l'un des juges les plus réputés de ce pays. Ayant pris la relève de mon père à sa retraite, assurant à lui et sa famille une vie paisible dans une grande maison en bordure de la ville. Il avait trente ans à peine mais déjà un avenir bien construit. Sa femme était adorée de ma mère et respectée de mon père. Ils attendaient leur deuxième enfant ; le petit Théo allait bientôt avoir cinq ans et tout le monde voyait déjà en lui un grand avocat comme son père et son grand-père avant lui.
La seule chose qu'on retenait de moi, c'était mon échec en licence de droit. Et ma maladie, qu'on avait longtemps reléguée au second plan. Ma famille l'avait considérée comme une plaie contagieuse et m'avait répété pendant de longues années que je ne devais pas en parler.
Mais parfois, je voulais le crier à en crever. J'étais atteint de la maladie d'Addison, pas de la peste. Plutôt peu commune, elle découle d'une insuffisance des glandes surrénales – c'était une maladie que j'aurais à vie et qui m'affaiblissait un peu plus chaque jour qui passait. Je devais prendre des cachets sans jamais les oublier, tous les jours, endurant une grande fatigue quotidienne et un rythme de vie dicté par mon corps. J'étais prisonnier d'une enveloppe charnelle qui ne correspondait pas à mes attentes, à mes envies et à mes rêves.
Les premiers signes étaient apparus alors que je venais de fêter mes quinze ans. J'étais dans une équipe de rugby très prisée à l'époque et je rêvais d'un avenir de sportif. Sauf qu'aujourd'hui, mon corps ne pouvait plus assurer ce genre d'effort. Je n'étais qu'une marionnette subissant les jours avec le goût amer de l'injustice et des regrets. Mon corps avait perdu en masse, me laissant avec la peau sur les os. Des taches brunes, caractéristiques de ma maladie, parsemaient mon épiderme, de mes bras jusqu'à mes pieds en passant par mon dos. C'était ce qui répugnait le plus ma famille. Ma mère m'avait longtemps acheté des vêtements longs et amples, le plus souvent sombres. Elle essayait de cacher au mieux ces éclats de différence qui l'horrifiaient.
Je croisai mon regard dans le miroir, remettant de l'ordre dans mes cheveux bruns. Mes yeux, d'un bleu gris étaient éteints et sans vie. J'essayai de sourire à mon reflet mais il me renvoya l'image du clown que j'étais. Je pris ma petite sacoche, ajustai ma cravate et ouvris la porte pour me lancer dans cette nouvelle journée.
À peine avais-je posé un pied en dehors de ma demeure que ma chemise se plaqua sur mes bras ; des trombes d'eau se déversaient dans la rue, me faisant frissonner.
— Foutue journée... grommelai-je en hésitant sur le pas de ma porte.
Je laissai mon esprit m'imposer des images de vacances sur une île perdue au milieu des mers. Je m'étais promis de partir à l'autre bout du monde quand j'aurais amassé assez d'argent pour quitter ce trou perdu.
Mon téléphone vibra dans ma poche et je décrochai en grognant.
— Allo maman.
— Liam ! Je voulais savoir si tu étais disponible la semaine prochaine pour venir manger chez nous. Ton frère a une grande annonce à nous faire.
— Eh bien, qu'il m'envoie un message, ce sera suffisant, marmonnai-je en cherchant les clés de ma voiture dans mon sac.
Je les avais jetées nonchalamment la veille et me voilà à présent bien idiot, à subir l'assaut de la pluie torrentielle, alors que j'aurais pu les chercher lorsque je me trouvais encore à l'abri.
— Ne commence pas. Tu sais qu'il sera heureux de te voir faire le déplacement, me réprimanda la voix de ma mère à travers le combiné, étouffée par le bruit assourdissant de la pluie.
— J'ai un travail maintenant, maman.
— Oui, oui, si on peut appeler ça un travail. Ça ne te prendra qu'un après-midi de ton temps. Fais-le pour ton frère. Philippe avait l'air très empressé au téléphone.
Nous avions été très proches avec Phil lorsque nous étions enfants. Mon grand frère aimait m'entrainer dans des aventures plus dingues les unes que les autres, faisant angoisser ma mère plus que de raison. Mais c'était de l'histoire ancienne. Le jour où ma maladie s'était déclarée, ma famille avait commencé à me mettre à l'écart. À me traiter différemment. Et mon frère avait pris assez de distance avec moi pour anéantir toute la fraternité qui existait auparavant entre nous. Je retins un cri de victoire lorsque je mis enfin la main sur mes clés de voiture.
— Il va sûrement nous annoncer le sexe du bébé. Quelle différence cela peut-il faire que je l'apprenne par téléphone ou lors d'un repas ? Je suis sûr que mon futur neveu ou ma future nièce ne se sentira pas offensée, assénai-je, las de cette conversation.
Sans perdre de temps, je m'engouffrai dans ma voiture avec empressement, me mettant enfin à l'abri. Je fixai un moment ma porte d'entrée. Cette maison n'avait vraiment aucune âme. Pas de fleur, pas de couleur, pas de personnalité. Je poussai un énième soupir ; qu'importait l'endroit où mon regard se posait, tout me renvoyait à mes pensées moroses.
— C'est important pour Phil, conclut-elle dans une dernière tentative.
Je n'avais toujours pas démarré – j'allais être en retard mais franchement, je n'en avais pas grand-chose à faire. Si je n'avais pas autant besoin de cet argent, je serais retourné me coucher sans plus me soucier du monde extérieur.
— Très bien. Quel jour ? marmonnai-je en sortant mon petit agenda.
— Samedi prochain. Ne sois pas en retard.
Et elle raccrocha. Je n'étais pas indispensable à ma famille comme elle le laissait croire. Mais c'était leur façon de maintenir un semblant de liens familiaux avec moi. Le moteur de ma voiture ronronna enfin lorsque je me décidai à partir.
*****
La pluie avait cessé aussi vite qu'elle était arrivée. Les rayons du soleil perçaient à nouveau les nuages et un arc-en-ciel surplombait l'horizon. Le bâtiment des bureaux s'élevait devant moi, une masse de verre et de métal reflétant la lumière du matin d'une manière presque aveuglante. Je garai ma voiture dans le parking souterrain, éteignis le moteur et restais assis quelques instants, laissant la quiétude relative de l'habitacle m'envelopper. La douce mélodie d'une chanson familière s'échappait des haut-parleurs, apportant un semblant de réconfort dans le tumulte de mes pensées. Je souris en reconnaissant l'air. C'était une vieille chanson que j'écoutais souvent lors de mon adolescence.
Avec un soupir résigné, j'éteignis la musique et ouvris la portière. Je m'extirpai de la voiture et me dirigeai vers l'ascenseur, une mallette à la main. Elle me faisait penser à un poids mort, une enclume qui raidissait mon bras et qui semblait peser un peu plus à chaque pas. Une fois au bon étage, je sortis et traversai un grand couloir éclairé par des néons blancs pour rejoindre mon petit bureau. Les conversations animées des collègues autour de moi étaient un bruit de fond indistinct, une cacophonie de paroles que je préférerais ignorer. Cela me déprimait de constater qu'après quelques jours, je n'avais toujours pas réussi à me faire une petite place ici.
Les dossiers empilés et l'écran noir semblaient me regarder avec une sorte d'indifférence, comme s'ils étaient eux aussi las de cette routine interminable. Et dire que cela ne faisait qu'une semaine...
Heureusement, cette journée se déroula sans encombre. En rentrant chez moi, je sentis mon énergie se réchauffer à la vue de la petite voiture noire devant la maison. Un énorme chien me sauta dessus et je lui rendis son salut d'une caresse.
— Raja. Ravi de te voir aussi, dis-je avec un sourire.
Le bouvier bernois pencha la tête sur le côté, semblant chercher le sens de mes paroles.
— Il t'a toujours préféré à moi. Je pense que je vais l'abandonner ici un matin.
Je relevai les yeux sur la jolie tête blonde qui venait vers moi en sautillant. Elle enjamba les trois marches qui menaient à ma porte d'entrée avec agilité, comme si les effleurer lui aurait fait perdre un jeu imaginaire. Ses yeux noisette brillaient d'une malice que je lui connaissais depuis toujours.
— Tu parles. Tu aimes bien trop ton chien pour penser seulement une seconde à l'abandonner. Tu le traînes toujours partout où tu vas mais peut-être qu'il voit cette maison comme des vacances bien méritées.
— Je n'ai pas pris un chien pour le laisser enfermé dans une maison toute la journée, dit-elle sans laisser de place au débat.
Elle me sourit avant de venir m'embrasser sur la joue. Son parfum chatouilla mes narines, me plongeant dans des vapeurs de bonbons et d'épices. Elle sortit une sucette de sa poche et m'en proposa une, que je refusai d'un mouvement de tête.
— Ton addiction au sucre finira par avoir ta peau, Hope.
— Toi en revanche, ce serait bon pour ce que tu as. Tu as une mine affreuse. Pas d'hypoglycémie en vue j'espère.
Je souris, amusé, avant de secouer la tête. Ma meilleure amie me tira la langue avant de se diriger vers la porte de chez moi. Hope prenait toujours soin de moi sans jamais le faire de façon frontale. Ce n'était que par des questions détournées, un regard attentif ou des actes qui auraient pu paraître anodins. Elle savait que je voulais me sentir comme n'importe qui et non comme quelqu'un de faible, portant un corps à bout de bras – tout en étant conscient que ma différence.
— Tu m'ouvres ou il faut crier « Sésame ouvre-toi » ? demanda-t-elle en sortant la sucette de sa bouche et en tendant les bras devant elle.
— À la différence que je n'ai aucun trésor entre ces murs.
— Parce qu'ils sont tous là.
Elle tapota ma tête avec son doigt avant de remettre sa sucette dans sa bouche. Hope était ma meilleure amie depuis aussi longtemps que je m'en souvienne. Elle avait emménagé avec sa grand-mère dans la maison voisine à la mienne alors que j'avais quelques années à peine. Nous nous étions connus dans les bacs à sable et ne nous étions jamais séparés depuis. Elle était l'unique raison qui me poussait à me lever le matin et à sourire à la vie pour m'avoir offert une meilleure amie comme elle.
— Qu'est-ce que tu viens faire ici ?
— Quoi ? J'ai besoin d'une raison pour venir voir mon champignon ?
Je grognai avant de la bousculer doucement. Son rire m'enchanta et je lui offris un sourire en réponse, le premier depuis le début de la journée.
— Je croyais que tu étais débordée en ce moment, répondis-je en cherchant mes clés.
— En effet. Mais j'ai toujours du temps pour toi.
Je lui ouvris grand la porte. Elle fit une révérence avant de tendre son bras comme l'aurait fait un homme du XVIIe siècle.
— Mademoiselle, chantonna-t-elle d'une voix grave.
Je secouai la tête avant de passer devant elle. Hope avait ce côté farfelu que je n'avais jamais rencontré chez une autre personne. Elle était décalée et c'était ce qui la rendait forte. Loin de rentrer dans le rang, elle aimait bousculer et ébranler les gens. Je l'admirais pour ça, pour la flamme qui brûlait dans ses yeux.
— Alors cette journée de boulot ? m'interrogea-t-elle innocemment.
Elle avait balancé avec négligence ses chaussures dans l'entrée – avec son jean blanc troué et son tee-shirt noir, elle était à la fois élégante et déjantée. Avec de l'élan, elle se jetta en travers du fauteuil, les jambes croisées sur l'accoudoir, sa maudite sucette encore à la bouche. Quand elle était dans une pièce, elle occupait tout l'espace ; et ça, sans jamais s'en rendre compte. Nous étions pareils avant. Mais ma maladie avait volé cette étincelle en s'imposant dans ma vie. Ou bien était-ce une excuse.
— Une journée comme les autres, dis-je en haussant les épaules.
Le sujet de la conversation me rendait maussade ; il n'y avait rien à dire sur ce travail.
Je vis mon amie se redresser et m'observer de son œil inquisiteur. Elle brandit sa sucette dans ma direction, son joli visage durci par le froncement de ses sourcils. Je lui tournai le dos pour faire ma vaisselle, lançant parfois un regard par-dessus mon épaule.
— Alors rien d'exaltant ? s'indigna-t-elle après quelques secondes de silence.
C'était ce qu'elle cherchait dans chacune de ses journées. Quelque chose d'exaltant. Si elle avait eu un travail comme le mien, elle aurait été capable de le quitter simplement parce qu'elle s'ennuyait. Heureusement pour elle, elle avait choisi une autre voie, une qui lui correspondait à la perfection. Une vocation.
— Ça ne me dérange pas et tu le sais très bien. C'est un travail. Un travail qui va me permettre de manger et de vivre hors de la maison de mes parents. C'est tout ce qui compte, soupirai-je.
— Combien de temps tu as prévu d'y rester ?
Nouveau haussement d'épaules.
— Jusqu'à ma retraite sûrement. Je n'en sais rien, Hope. On verra bien le moment venu.
— Pourquoi te faire autant de mal ? Tu pourrais trouver mieux.
Je reposai brusquement l'assiette que j'étais en train de laver.
— Écoute, je n'ai pas d'autre choix.
— On a toujours le choix.
Je me retournai vers elle d'un geste raide, affrontant son regard et ses traits graves.
— On a déjà eu cette discussion. Ça fait des mois que je cherche un travail. Il est hors de question que j'arrête seulement parce que « je n'y vais pas en chantonnant ou de gaité de cœur ».
— Tu m'imites très mal, me lança-t-elle en levant un sourcil.
— Hope... On n'est pas dans un de tes livres. On est dans la vraie vie. Et dans cette vie, il faut un travail pour gagner de l'argent et vivre convenablement. Il n'y a pas de formule magique ou d'histoire à dormir debout qui peut nous y soustraire.
Mon ton avait été dur et je regrettai instantanément mes paroles. Je venais de l'attaquer frontalement sur un sujet bien trop sensible. Hope était écrivaine, et ce depuis toujours. Son premier livre était paru peu de temps après son dix-huitième anniversaire et depuis, elle en vivait très bien. Les gens s'arrachaient ses romans, les dévoraient, et à seulement vingt-cinq ans, elle avait déjà plusieurs best-sellers à son actif. Ma meilleure amie vivait dans un monde particulier que peu de personnes comprenaient ; parce que les lecteurs et surtout les écrivains ont ce pouvoir de voyager uniquement en tournant une page. Hope avait une imagination débordante qui la faisait vivre et respirer – qui la rendait libre au-delà des barrières de l'univers et du commun des mortels.
J'étais la seule personne avec qui elle partageait son monde. Et je venais de tout balayer avec cette stupide réponse. Je vis ses yeux s'agrandir et se teinter de tristesse. Pourquoi est-il toujours plus simple de blesser les gens qu'on aime ?
— Hope, je...
Je ne savais pas quoi dire pour me rattraper. Je voulus m'approcher mais je finis pas changer d'avis, les épaules affaissées. J'avais bien merdé.
La jolie blonde se leva doucement de son fauteuil avant de s'approcher de moi.
— Hope, je suis désolé, mes mots ont dépassé ma pensée...
— Tu sais, le pire, ce ne sont pas tes paroles.
Elle prit ma main entre ses doigts délicats et la fixa.
— C'est qu'une part de toi y croît vraiment, là où à une époque ça aurait été impensable.
Elle releva ses yeux et les plongea dans les miens. Nos regards s'accrochèrent.
— Qu'as-tu fait de ta part d'enfant, Liam ?
Ses mots me brisèrent le cœur et divisèrent mon âme. C'était comme si je venais de me scinder en deux. Sa question en amena une autre. Qui étais-je devenu ?
Aux alentours de nos huit ans, nos histoires à quatre mains nous avaient fait découvrir l'écriture. Du haut de notre mètre trente, nos textes nous initiaient à ce monde sans barrière. Au collège, nous avions même gagné un concours de poèmes. Nous voulions être écrivains. Ensemble.
Mais, avec le temps, ma maladie m'avait même enlevé cela. J'étais tellement dévasté de voir mes projets et ma santé ébranlés que je n'ai plus jamais noirci une page d'un récit. Dix ans. Presque autant qu'il m'en avait fallu pour découvrir cette passion. Bien sûr, il m'arrivait d'écrire des textes, des ébauches dans l'obscurité de ma chambre. Mais ce n'était jamais suffisant, jamais aussi bon que lorsque ma plume dansait dans le passé.
J'avais perdu une partie de moi-même et mon seul réconfort était de voir Hope réussir là où j'avais échoué. Et malgré ça, j'avais cette impression qui me collait toujours à la peau, celle de jouer un rôle et d'avoir oublié ce que c'était, de vivre pleinement.
— Je...
Elle serra ma main plus fort, devinant le cours de mes pensées. Parfois, je me demandais si nous ne partagions pas un seul et même cerveau. Malgré nos différences, nous nous passions souvent de mots pour communiquer.
— Allez viens. On va faire à manger et dévorer des pop-corn devant un bon film, dit-elle sur un ton plus léger.
Elle me sourit avant de m'entraîner vers le frigo. Je cherchais quelque chose à dire, une excuse qui en vaille vraiment la peine, des mots pour exprimer ce que je ressentais au fond de moi. Elle avait raison, j'avais parlé sans réfléchir et jamais ma part d'enfant n'aurait pu dire une chose pareille. La personne que j'étais devenue, morne et triste, m'était détestable. Pourtant, je ne trouvai rien à dire sur le moment.
Plus tard dans la soirée, alors que sa tête était posée sur mon épaule et ses yeux clos depuis un long moment, je m'entendis répondre à sa question.
— Mon âme d'enfant... Je pense que je l'ai noyée pour qu'elle ne souffrejamais d'être restreinte et soumise par cette maladie. Qu'elle n'ait pas à voirle changement dans le regard des autres. J'espère même avoir réussi à tel'offrir. Merci de vivre notre rêve pour nous deux, mon étoile.
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