L'unique fenêtre de ma chambre donnait sur la cime d'un frêne. Cet arbre avait plusieurs jumeaux disséminés un peu partout dans le parc de l'hôpital. J'y aperçus deux gros oiseaux noirs perchés sagement, patients. Je savais qu'ils étaient là pour moi. Non pas annonciateurs d'un mauvais présage, comme le racontent les légendes, non. Même si j'avais effectivement eu de meilleurs jours, ces corbeaux indiquaient simplement l'entrée en territoires sorciers. Ces volatils peu aimés en préservent secrètement les pourtours, tels des remparts ancestraux. Convoler près de leurs nids est suivis de violentes représailles de leur part afin d'éloigner les perturbateurs. D'où le doux surnom d'oiseaux de malheur.
J'envoyais encore un coup d'œil vain, tout là-haut, derrière les nuages. Énième espoir bafoué d'une réponse chimérique. Le ciel, ce jour-là, possédait une teinte grisâtre, tons de vieux pavés parisiens, une couleur triste et propice à la dépression.
Et ce matin-là, mon ami imaginaire n'était pas plus gai.
— Qu'est-ce qu'il y a ? Pourquoi fais-tu cette tête ? demandais-je alors face à sa flagrante mélancolie.
Ozral était un elfe, une ombre, un mirage impalpable, une pensée visuelle, d'une complicité et d'un dévouement sans borne, il me comblait l'âme. Il était le vestige d'un voyage en féérie qui, comme du mercure, mettrait plusieurs siècles à se dissoudre. Avec les miens, nous avions visité psychiquement cet univers parallèle et depuis ce jour-là, Oz ne me quittait pas...
— C'est juste que...
— Tu vas réussir à me faire pleurer si tu continues, des yeux comme les tiens ne devraient jamais se torturer ainsi. Qu'est-ce qui te ronge ?
Il ne m'offrit d'abord que du silence, puis se lança enfin.
— Et moi ? Moi, est-ce que tu m'emmèneras ?
— Ou ça, Oz ?
Il soupira, hésitant.
— Là-bas, après ta mort ?
Sa réponse me percuta de plein fouet, si violente et soudaine que j'en eu le souffle coupé quelques instants.
— ... Je... Je ne crois pas... Enfin, bien sûr que tu peux venir avec moi, mais... enfin... Tu comprends ? Je préférerais te savoir bien vivant, toi.
— Non, si je le peux, alors je t'accompagnerais, je te le promets !
— Te voilà qui fais des promesses maintenant ? Ça, c'est la meilleure ! Tu as tout appris de la nature humaine, mon cher !
— Ce monde n'est pas difficile à lire, même si j'ai toujours cette impression de passer à côté d'un grand réservoir de sagesse, d'un puits de traditions qui me sont étrangères, des choses que les humains ressentent très vivement, au point d'avoir besoin d'en parler et de les traduire en paroles, des sentiments pourtant si clairs... enfin pas toujours, cela est vrai...
— Hum...
Même si je ne comprenais pas toujours, moi aussi, je m'étais habituée à sa présence, ma bulle de vérité et de douceur. Accepter ces « hallucinations » m'avait soulagé, allégé, et il était maintenant devenu un pilier de mon état mental. Ma soupape de décompression face aux agressions extérieures de ce monde violent. J'avais négocié avec mes névroses, accepté ma folie. Ozral, tel un capteur de mauvais rêves, purifiait mon air et en chassait la noirceur. Personne, à ma connaissance, n'était au courant de ce dérangeant détail...
***
Alors ? Que pensez-vous de ces 4 premiers chapitres? J'ai besoin de votre avis, de vos idées afin de progresser ;-) Alors lâchez-vous !
A bientôt.
Laura.
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