9. Vertiges

Victoria Olsson

On s'était frayée une place jusque dans la fosse, et merde, ils étaient tous des putains de phénomènes de scènes. Ils avaient soulevé la foule et chacun d'eux, en groupe ou individuellement avaient fait un triomphe. Ce showcase était une occasion pour tout le groupe de se retrouver sur scène, et les profits de cet événement seraient reversés à une association pour les migrants.

Louna et moi nous déhanchions au fil des morceaux, et merde, je crois que je les aimais encore plus. Ils étaient les mêmes, sur scène ou en dehors.

Au milieu de L'art et la manière, mon regard rencontra à nouveau celui d'Idriss, pendant plusieurs secondes, un peu comme hors du temps, on se fixa. Puis vint son passage, il entama ses premières lignes en me fixant avant de se tourner vers le S-Crew. Il était bon. Vraiment bon.

J'allais chanter, ou plutôt hurler le passage suivant quand je fus prise de vertige. J'avais l'impression que mon corps avait soudainement surchauffé, le sol ne me paraissait plus si stable et les gens autour de moi bougeaient au ralenti. La main plaquée contre mon front, j'essaya de me calmer, de mieux respirer, d'arrêter les vertiges.

Mais j'avais toujours cette sale impression que le sol jouait avec mes nerfs.

A ma droite, Louna remarqua que j'avais soudainement arrêté de sauter partout. Elle se pencha vers moi, une mine inquiète collée au visage.

- Qu'est ce que t'as? cria t-elle dans mon oreille afin de couvrir le bruit.

- C'est la chaleur, répondis-je. J'vais aller boire un truc.

- Attend je viens avec toi.

- Non c'est bon reste ici t'inquiètes pas, y'en a un qui essaie de t'impressionner, lançais-je en indiquant Ken qui commençait Squa.

La blonde me regarda quelques secondes, visiblement entrain d'évaluer ses options avant d'hocher la tête.

Je fendis plus ou moins la foule, après avoir trébuché plusieurs fois. Le seul avantage de tout ce monde, c'était qu'ils étaient tellement collés que je ne risquais pas de tomber. Une fois à l'écart de la foule, j'essaya de reprendre ma respiration.

Mais à l'évidence, plus je me concentrais, plus le sol tanguait. Je m'aventura jusqu'aux toilettes, je m'appuya contre le lavabo en fixant mon reflet.

Merde j'avais vraiment une si mauvaise mine? Mon teint était passé de plus ou moins pâle à carrément blafard. Je soupira en humidifiant mon visage. C'était pas la première fois que ce genre de crise m'arrivait. Mais c'était la première fois qu'elle me faisait vraiment flipper. Les mains légèrement tremblantes, je me laissa tomber, le dos contre le mur et les genoux contre la poitrine.

Ce putain de sol ne voulait pas s'arrêter de tanguer.

Je ne sais pas réellement combien de temps j'étais restée comme ça, assise sur le sol de ces vieux toilettes, à prier pour que ce ne soit qu'une petite rechute passagère.

- Merde! Vic qu'est ce tu fous ici?

Je releva ma tête, auparavant enfouie dans mes bras, vers l'auteur de cette remarque. J'eus un certain moment de flottement avant d'être sûr de qui se trouvait accroupit devant moi, les traits tirés et une main posée sur mon genoux.

- Qu'est ce qu'il s'est passé? Comment tu te sens? résonna la voix tendue d'Idriss dans mes oreilles.

J'avais l'impression d'être complètement sonné,  un peu comme un état secondaire, comme si j'observais ce qui se déroulait face à moi de l'extérieur.

Sa main posée contre mon genoux s'agitait, et je voyais son visage se tendre de plus en plus.

- Merde, répond!

Face à mon mutisme, le kabyle commençait à paniquer.

- Je... Je me sens pas bien, soufflais-je en butant sur les mots.

Son regard me scanna puis il attrapa mes mains. Il se mordit la lèvre avant de parler à nouveau.

- Tu peux te lever? demanda t-il.

J'hocha la tête, il se releva mes mains toujours entre les siennes et m'aida doucement à me lever. Je trébucha légèrement une fois debout, reprise par mes vertiges. Il sentit que je commençais à tanguer alors il passa son bras autour de mes épaules afin de me maintenir debout. Il dégagea quelques mèches de mon visage en me regardant avec un air préoccupé.

- Mais qu'est ce qu'il t'arrive, murmura t-il.

Pas sûr d'être capable de lui répondre, je me contenta de poser ma tête contre son torse. Il me serra contre lui en caressant doucement mes cheveux pendant plusieurs minutes. Quand il comprit que je reprenais peu à peu contenance il m'écarta légèrement de lui, une main posée contre ma joue.

- J'vais te ramener chez moi, d'accord? Les autres veulent sortir en boîte, et c'est mort je te laisse pas toute seule, j'veux pas que tu me clamses entre les doigts.

J'hocha simplement la tête, pas sûr de tellement pouvoir faire plus.

Il m'entraîna à travers les couloirs, en prenant soin de bien me maintenir contre lui. Les vertiges se calmaient peu à peu, mais j'étais totalement lessivée. J'avais l'impression que le plus petit des gestes me coûtait tellement. Je me laissa tomber contre le siège de son Audi. Il m'adressa un regard inquiet avant d'attraper son téléphone, il pianota pendant quelques secondes avant de le poser.

Quand je me réveilla, ou plutôt quand j'eus réellement conscience de mon entourage, il me tenait contre lui tout en galèrant à fermer la porte de son appart. Je l'entendis grogner avant d'allumer la lumière. Il me traîna jusqu'à sa chambre, en murmurant que ça lui apprendrait à être gentil. Je n'en tint pas rigueur, mon cerveau était complètement en pause. Et je ne pouvais pas lui en vouloir. C'était moi le problème.

Il me fit m'asseoir sur l'extrémité du lit avant de s'accroupir devant moi en attrapant mes mains.

- Tu vas réussir à te changer? demanda t-il.

J'hocha la tête, mais en me voyant peiner à retirer mes chaussures il m'aida. Il balança mes chaussures à l'autre bout de la pièce avant de me jeter un regard, cherchant à avoir mon consentement. J'acquiesça d'un regard et il défit la ceinture de mon pantalon avant de me le retirer le plus précautionneusement possible.

Assise devant lui, simplement en culotte et tee-shirt, je me sentais tellement faible. Tellement à sa merci. Et rien que cette idée me faisait peur. Jamais je ne m'étais retrouvée dans une position de telle faiblesse.

Il écarta les couvertures de mon lit avant de m'inviter à m'y glisser. Avec plus ou moins de difficulté j'exécuta ses ordres, pas d'humeur à me débattre. Il me recouvrit avec la couverture avant de passer une main sur mon front.

- Si t'as besoin je suis dans le salon, murmura t-il.

J'hocha la tête, mais quand il traversa la chambre pour sortir je me surpris en l'interpellant.

- Restes avec moi. S'il te plaît, chuchotais-je.

Il me fixa plusieurs secondes avant d'hocher la tête. Il fit passer son tee-shirt par dessus ses épaules et enfila un vieux pantalon de jogging avant de se glisser à mes côtés.

Tourné l'un vers l'autre, on se fixa plusieurs secondes, avant qu'il m'entraîne contre lui et pose un baiser sur mon front.

Trop fatiguée pour répondre quoi que ce soit je le laissa faire. Peut être même que je trouvais ça agréable. C'était un truc un peu incompréhensible avec lequel j'avais plutôt du mal à me faire, mais Idriss me mettait à l'aise, là où j'avais toujours fait passé ma gêne, ma confusion pour de la confiance en moi, Idriss me forçait à être moi même. J'avais une étrange confiance en lui.

Et j'étais absolument certaine que jamais il ne ferait rien pour nuire.

Je bougea légèrement et posa ma tête contre son épaule, il tourna un peu sa tête et je sentis son souffle effleurer le sommet de mon crâne.

- Je suis désolée, murmurais-je. Je voulais pas te pourrir ta soirée.

Et c'était la vérité. Jamais je n'avais voulu que quiconque s'oublie pour moi. Encore plus depuis que j'étais devenue une putain de bombe à retardement.

- Elle est loin d'être pourrie, répondit-il la voix légèrement endormie.

Quand je me réveilla, plusieurs heures plus tard, nous étions toujours dans la même position. Je me frotta les yeux, restituant mentalement les événements de la veille. J'étais toujours là, c'était une bonne chose non?

Quand Idriss me sentit bouger contre lui, il grogna avant de resserrer le bras qu'il avait passé autour de ma taille. J'hésita à me lever, histoire de fuir le moment gênant du réveil, mais le brun ouvrit les yeux avant que je parvienne à une solution face à mon dilemme intérieur. Il cligna des yeux avant de marmonner.

- Ça y est, on est au stade de se réveiller ensemble?

Je grogna en cachant mon visage contre l'oreiller. J'aurai du me lever. Définitivement.

Je m'écarta des bras du rappeur et me leva, il m'indiqua un bas de jogging étalé par terre. Je l'enfila avant de m'échapper dans la cuisine.

La tête posée sur mes mains et le regard fixé sur le mur face à moi, je ne me rendis compte de la présence du brun qu'une fois qu'il fut face à moi.

- Faut qu'on parle de ce qu'il s'est passé Victoria.

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