48. Urgence

Idriss Akrour

Une bière à la main, une clope dans l'autre, je matais silencieusement les hauteurs de Paris. Les mecs à l'intérieur étaient surexcités. Il y avait de quoi. Théo venait tout juste de nous annoncer que lui et Jasmine attendaient leur premier enfant. Le premier gosse du S.

J'étais heureux pour mon kho.

Mais j'avais toujours cette putain de boule dans la gorge.

J'avais l'impression de vivre en suspension depuis des semaines.

Parce que j'avais toujours Vi... Putain non. J'devais me sortir ce putain de nom du crâne ou j'allais y laisser ma peau.

La faire disparaître.

Tout oublier.

Effacer.

- Oh Fram gros, qu'est ce tu fous seul comme ça?

C'était Ken. Et il avait un peu trop forcé sur l'alcool je crois.

- Nek ferme la baie vitré il pèle, râla Deen derrière.

Ken roula des yeux avant de me rejoindre et fermer la baie vitrée.

- Il est vénère le burb ce soir, j'crois y'a une histoire de go là dessous, il fait que mater son téléphone comme si sa vie en dépendait.

Je ne lui répondit rien. J'avais plus rien à répondre.

- Tu vas bien kho?

- Ouais, je répondis en finissant mon verre.

- Sur?

- Ouais.

- J'vais faire comme si je te croyais pour ce soir, mais demain on va parler tout les deux.

Putain ce qu'il pouvait être casse couille. Pire forceur.

J'allais me barrer de là quand je remarqua un des téléphones sonner contre la table basse. A répétition.

- Il est à qui l'IPhone là? Ça fait 10 minutes qu'il sonne.

- Ah vas-y il est à moi, file le moi Id, répondit Ken.

Je lui tendis et il décrocha avant de s'éloigner sur le balcon.

J'attrapa mon manteau et commença à tchecker mes frères. Je devais dormir. Ou marcher. Ou manger.

- Tu pars déjà? Mec t'assures pas, se plaignit Théo, pour une fois qu'on s'fait un truc sans nos meufs.

Son visage se ferma des qu'il comprit sa boulette. Pourquoi elle était partout?

Merde je la voulais plus dans ma tête. Pourtant j'avais toujours l'impression de l'avoir dans la peau.

- On se voit demain.

Mais quand j'ouvris la porte d'entrée pour me barrer, Ken entra, son téléphone dans les mains, oscillant entre la panique et la peur.

La gueule des mauvaises nouvelles.

- Fram faut que t'ailles à l'hosto de suite. C'est Vicky.

Le premier à réagir ce fut Deen. En a peine un quart de seconde il était debout, alerte, le visage tordu par la panique.

- Il s'est passé quoi? Elle va bien? Putain j'avais raison de flipper elle répondait plus depuis des heures!

Pourquoi j'arrivais pas à réagir?

- Des mecs l'ont retrouvé dans une rue, elle était inconsciente mais Lou n'en sait pas plus, elle est dans un taxi là.

- Putain je le savais merde! explosa Deen.

Victoria était à l'hôpital?

Ma Rebelle?

Putain mes neurones n'assimilaient plus rien.

- Idriss putain bouge toi la vie d'ma mère c'est pas le moment de faire une introspective sur ta vie.

Deen était hors de lui, pourtant j'arrivais toujours pas à réagir.

Pourquoi j'étais bloqué comme ça?

Et pourquoi tout le monde s'agitait.

- Bougez le ou j'vais le claquer putain! Mekra fait un truc ton frangin il a beugué.

Victoria.

Vicky.

Vic.

Il se passe quoi?

Une énorme claque derrière la tête me refait atterrir sur terre. Hakim me balance une insulte en arabe et je réalise.

Ma Victoria est à l'hôpital.

Il m'en faut pas plus pour courir dans la rue suivit de Deen et mon frère. Mais quand Hakim me voit me diriger vers le volant il m'arrête.

- T'es pas en état, j'veux pas qu'tu fasses une dinguerie. Je conduis.

J'ai pas la force de me battre. Les autres débarquent à leurs tours, et rapidement nos deux voitures se suivent sur le périph.

Deen assis à l'arrière est au téléphone avec Louna. J'entend que des bribes de discussion. J'ai l'impression que mes oreilles bourdonnent.

Hakim n'est même pas arrêter que je saute de la voiture. Pas le temps.

Deen sur les talons, on monte les 3 étages en courant. Je crois que mon coeur va exploser. Ma tête aussi.

Louna est debout, appuyée contre un mur. Elle a les yeux rouges. Elle est encore en pyjama. Quand elle nous voit elle se jette dans les bras de Deen, avant de me regarder avec toute la peine du monde dans les yeux.

Non ça peut pas être ça.

J'vais chialer.

J'vais chialer comme un putain de gosse.

- Elle est...

Ma voix vient de se briser.

- Non, non, sursaute Louna. Elle est là.

J'ai l'impression qu'un poids énorme vient de se barrer de mes épaules. Pourtant je vois dans les yeux de Louna que tout n'est pas si simple.

- Qu'est ce qu'il s'est passé? demande Deen.

- Elle a été retrouvé dans une rue inconsciente. Les médecins ont parlé d'agression mais ils veulent pas m'en dire plus. Ils sont enfermés là depuis qu'elle est arrivée.

Elle pleure, sa voix est coupée par des sanglots.

Les autres mecs finissent par arriver, et immédiatement ils demandent des nouvelles. Mais le truc, c'est qu'on sait rien. On a aucune putain d'idée de ce qu'il se passe.

J'ai envie de taper sur tout ce que je trouve.

- Vous êtes là pour Mademoiselle Olsson?

Un médecin finit par sortir de la salle, un dossier dans les mains. Immédiatement Louna qui était assise par terre se relève.

- Comment elle va?

Je sais pas si je suis prêt à entendre ce qui va suivre.

- Votre amie à été victime d'une agression. De ce que nous avons pu observer, elle a été étranglée suffisamment longtemps pour perdre connaissance. Les strangulations peuvent dans certains cas entraîner des syncopes. Nous estimons que les victimes de syncopes ne subissent que rarement des dommages quand ils reprennent connaissance dans les trente-six minutes suivantes.

- Mais c'est pas le cas, murmure Louna la voix tremblante.

- Non, malheureusement Mademoiselle Olsson n'a pas reprit connaissance. Une syncope trop longue peut entraîner des conséquences graves comme un coma ou des lésions cérébrales ou cardiovasculaires, et étant donné la maladie de Victoria, nous craignons cette dernière éventualité.

- La maladie? demande Deen blanc comme un linge.

Un silence de mort règne dans le couloir.

Je crois que j'ai fait une connerie.

Je l'ai repoussé mille fois.

Elle peut pas mourir en pensant que je la hais.

Le médecin commence à parler mais mon cerveau a déconnecté, j'arrive plus a suivre, le seul truc qui m'obsède c'est la petite rouquine derrière cette porte.

J'ai l'impression qu'on vient de me dégommer le coeur, et si je croyais avoir souffert ces dernières semaines, ça n'avait rien avoir avec le sentiment que je ressens maintenant.

Elle peut pas mourrir.

Je peux pas vivre sans elle.

Non c'est pas possible. J'ai refusé des dizaines d'appel, j'ai laissé sans réponse le double de message. Je l'ai pas laissé parler au nouvel an. J'ai tout fait pour la tenir éloigné, parce que j'avais peur de souffrir, j'avais peur de connaître la réalité.

Mais la réalité c'est qu'avec mes conneries je vais la perdre.

Je crois que je tremble.

Putain et pourquoi Deen il chiale? Je comprend plus rien, la voix du médecin résonne comme un énorme grésillement dans ma tête.

Faut que je sorte.

J'ai besoin d'air.

- Idriss, mec, assis toi, t'es tout blanc.

Théo me force à m'asseoir. Je suis plus en état de rien. J'arrive même plus à comprendre pourquoi je suis là.

Il me tend une bouteille d'eau.

Il croit vraiment que j'me soucie de boire là, maintenant.

- On peut la voir?

La voix de Louna, c'est le seul truc que j'arrive à capter.

- Pas avant plusieurs heures, nous avons des examens à lui faire passer. Si votre amie reprend connaissance rapidement, il est possible que l'opération soit d'une urgence absolue.

L'opération?

Quelle opération?

Je comprend rien.

J'ai l'impression qu'il se passe des heures entre le moment où le docteur quitte Louna et le moment où je m'aperçois que toute la bande est là, assise par terre, à attendre. Jasmine me tient la main. Je l'avais même pas remarqué.

Moh et Deen ont le visage fermé. Je les ai jamais vu aussi sérieux. Ou aussi triste. Ils adorent tout les deux Victoria. Ils la considèrent comme leur sœur.

- Je comprend pas comment elle a pu cacher ça pendant tant de temps, renifle Louna dans les bras de Ken, ça a dû être si dur pour elle. Je m'en veux tellement de ne pas l'avoir remarqué.

J'ai toujours le cerveau dans le brouillard, pourtant tout devient un peu plus clair. J'ai peur d'assembler toutes les pièces du puzzle et découvrir ce sur quoi je ferme les yeux depuis des mois, par peur. Par égoïsme.

- Elle l'a fait parce qu'elle t'aimait, lui répond Ken. Et parfois, on fait des choses connes pour protéger sa miff.

J'ai besoin de la voir. J'ai besoin de savoir.

Quand je finis par me lever pour chercher un docteur, c'est sûr Hakim et Thylane que je tombe. L'asiatique me sert dans ses bras avant de jeter un regard insistant et courroucé sur mon frère.

Il sert la mâchoire avant de me tendre un papier.

- Victoria m'a filé ça y'a deux semaines. J'pensais qu'c'était des excuses bidons pour s'en sortir alors je t'ai rien passé.

- T'as ça depuis deux semaines?

- Ouais je..

Il a pas le temps de finir sa phrase que je le plaque contre le mur, sous un cri de surprise de Thylane.

Toutes mes terminaisons nerveuses me démangent à mort. J'ai la haine. Plus que jamais.

- Tu t'fous de ma gueule? je hurle. T'avais pas le droit de garder ça! Putain ma meuf est entrain de clamser dans cette sale chambre d'hosto, t'avais pas le droit de garder ça pour toi!

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