47. Le dernier souvenir
Victoria Olsson
J'avais laissé la lettre à Hakim, presque deux semaines plus tôt.
Et il ne s'était rien passé. Aucun signe de vie d'Idriss. Rien. Alors peut être que j'avais surestimé la capacité d'empathie de l'aîné des kabyles ou alors Idriss n'en avait juste rien eu à faire. Dans tous les cas, cette fichue lettre n'avait rien engendré.
A part m'exploser encore plus le cœur.
Pourtant ça n'avait pas détruit ma motivation. J'allais tout réparer. J'allais nous réparer.
Pendant ce petit laps de temps, j'avais passé pas mal de temps à faire des examens, j'avais enchaîné les allers retours à l'hôpital.
Un soir, en rentrant de l'école, j'avais reçu un message d'Hugo me proposant d'aller boire un verre ensemble. Au début j'avais été un peu surprise, puis je m'étais rappelée qu'il avait prit mon numéro quand on s'était croisé le jour de tout ce fiasco, dans le métro. J'avais hésité un petit moment avant de lui répondre par l'affirmative.
Hugo, c'était un peu l'histoire de toute mon adolescence, même de mon enfance. J'avais rarement accordé ma pleine confiance à des gens, mais lui il l'avait eu très rapidement.
C'était un peu mon meilleur ami, mon frère, mon partenaire. Puis la dernière année de lycée on était sorti ensemble. Ça avait été bref, mais intense. Puis on s'était rendu compte qu'on marchait mieux en tant que pote. Lui, moi, Louna et Jonathan on formait notre petit quatuor. Quelle douce ironie.
Un avait battu sa petite amie pendant des semaines avant de se suicider en prison.
Une avait vécu l'enfer et avait prit des années à s'en relever.
L'autre s'était barré pendant des années sans donner de nouvelles.
Et la dernière était une bombe à retardement, une grenade pouvant être dégoupillée à tout moment.
J'avais appréhendé ces retrouvailles, et sur le trajet du chemin je n'avais pas pu m'empêcher de me ronger les ongles.
Saleté de toc.
Il m'avait donné rendez vous dans une petite brasserie dont je n'avais jamais entendu le nom. Elle était au milieu d'une rue totalement paumé, et la nuit qui était tombée depuis quelques temps déjà ne m'avait pas vraiment rassurée. Toujours aussi parano.
Toujours aussi flippée.
Pourtant pour une fois j'aurai du suivre mon instinct.
Parce que ce qui m'attendait n'était pas beau. Vraiment pas beau.
A l'angle d'une rue, alors que je vérifiais pour la énièmes fois le trajet sur Mappy, je me sentis propulsée contre le sol. Ma tête tapa contre le béton de la rue totalement vide, et avant que je réussisse à lever les yeux pour comprendre ce qui se passait, une paire de main s'écrasait sur ma gorge.
Et j'eus l'impression qu'on me broyait la trachée.
Le noir, et la capuche de mon agresseur m'empêchèrent de le distinguer correctement. Pourtant j'aurai pu jurer que je reconnaissais ce visage.
Non impossible.
Mes tentatives pour me libérer se résumèrent à brasser du vent. Sa prise sur mon cou se resserra et peu à peu je sentis ma tête tournée, mon coeur accélérer et mes poumons brûler à la recherche d'air.
J'allais mourir.
J'allais partir au milieu de cette rue, et je n'allais plus jamais le revoir. Je n'aurai jamais l'occasion de m'excuser. Je n'aurai jamais l'occasion de revoir une dernière fois son sourire, de l'embrasser, ou de le serrer contre moi.
J'allais crever alors qu'il me détestait.
Je sentais que je perdais peu à peu connaissance, tout devenait flou autour de moi, dans mon esprit, pourtant j'arrivais toujours à distinguer les traits d'Idriss.
C'est en luttant pour me représenter une dernière fois son visage que je ferma les yeux. Un souvenir précis dans le coeur.
Les yeux fermés et les bras croisés derrière la tête, le kabyle fixait le plafond silencieusement. Sa rouquine était endormie contre lui, et sa respiration calme et posée sonnait comme une mélodie, un truc dans lequel n'importe quel homme aurait pu se perdre. Pourtant elle était là, avec lui.
Pour seul habit, trônait autour de son cou le médaillon qu'il venait de lui offrir pour ses 24 ans.
Ce même médaillon qu'il avait hérité de ses parents décédés. Longtemps il s'était senti incapable de se séparer de ce bijou, qui avait été son seul lien avec ses ascendants.
Mais l'évidence l'avait frappé quelques jours plus tôt, quand sa petite copine, cette petite rouquine insupportable qui lui faisait tourner la tête, s'était pointé à l'improviste chez lui, un sachet de bouffe à la main, et son horriblement adorable sourire collé au visage.
C'était elle.
C'était elle et pas une autre.
C'était Victoria ou personne.
C'était eux deux ou rien du tout.
Perdu dans ses pensées, il ne sentit pas sa rouquine se réveillait, mais se sont ses baisers contre son torse, remontant doucement dans son cou qui le firent réagir.
Un petit sourire s'afficha sur le visage de la rouquine qui continua ses baisers sur la mâchoire du rappeur.
- Si tu savais l'effet que tu me fais Rebelle, grogna t-il en attirant les lèvres de la rousse contre les siennes.
- J'en ai une idée plutôt précise en faite, elle se moqua avec un petit rire.
Le kabyle grogna avant de l'attirer à nouveau contre lui, plus près, toujours plus proche.
Des femmes, il en avait connu des masses, mais jamais aucune ne lui avait donné cette confiance en l'avenir. Jamais aucune ne lui avait donné cette envie de se projeter. Pire encore, jamais aucune ne l'avait fait tomber amoureux.
Parce que oui, il était raide dingue de cette petite nana.
- Il te va bien ce médaillon.
La rousse eut un petit sourire, en caressant doucement du pouce la petite pièce en or. Elle releva le visage vers le brun.
- J'en prendrai soin toute ma vie, murmura t-elle.
Il avait envie de lui répondre que lui, il prendrait soin d'elle toute sa vie. Mais c'est le genre de réflexion auquel elle aurait répondu avec un ton cinglant qu'elle n'avait besoin de personne pour prendre soin d'elle.
- Vic, il demanda.
Elle releva les yeux, la tête posée contre le torse de son amant.
- Je t'aime.
Un petit sourire se dessina sur les lèvres de la jeune femme.
Elle fit glisser ses doigts sur les côtes du brun, les yeux toujours fixés dans les siens.
Puis soudain elle se releva et disparu quelques secondes de la pièce, avant de réapparaître, un survêtement sur le dos et ses baskets aux pieds.
- Qu'est ce tu fous? grogna Idriss.
- On va faire un tour.
Elle attrapa quelques vêtements traînant avant de les jeter sur son petit copain.
- Bouge toi Id.
Sans vraiment comprendre ce qu'il arrivait à sa rouquine, il se laissa traîner dans les rues de la capitale. Ce n'est qu'après un long moment qu'il reconnu l'immeuble où Victoria avait grandi.
L'endroit où ils s'étaient embrassés pour la première fois.
Elle le traîna dans les couloirs et d'un coup d'épaule débloqua la porte un peu rouillé donnant accès au toit.
L'air frais du mois de décembre leur piquait les yeux.
Victoria qui jusque là tenait la main d'Idriss, la lâcha pour faire quelque pas, face à lui, en reculant.
- Rebelle, qu'est ce qu'on fout là? On va choper la mort avec tes conneries.
- T'es si impatient, se marra la rouquine.
Elle s'installa sur le rebord.
- Tu te souviens du soir où on est venu? demanda t-elle, alors que le rappeur s'installait à son tour. Tu m'as demandé où est ce que je me verrai dans 10 ans. J'y avais jamais pensé avant. J'étais trop jeune, c'était trop loin, j'avais pas envie de me prolonger a long terme. L'avenir je voyais ça vraiment comme un truc flou.
- Pourtant tu as répondu.
Elle hocha la tête en glissant sa main dans la sienne.
- Oui. Je t'ai dit avec toi.
Un bruit dans la rue la fit se taire quelques secondes. Puis elle reprit.
- Tu connais ma vision de l'amour, des relations et de tout le bordel qui va avec. T'as un peu la même. Et je crois que c'est pour ça que tu m'as plu. Au début je pensais réussir à ne pas m'attacher, que c'était une tension purement physique, ou une question de guerre d'ego, a qui piquerait le plus. Pourtant aujourd'hui, si on me demandait de répondre à la même question, ça serait toujours la même réponse. C'est avec toi que je veux être dans 10 ans Akrour.
Le rappeur qui l'avait laissé parlé depuis le début ouvrit la bouche, mais elle le coupa avant qu'il ne puisse parler.
- Je sais pas exprimer mes sentiments et je suis une catastrophe ambulante avec les déclarations. Mais ce que tu ressens, je le ressens aussi. Et quand tu me regardes, quand tu me souris, même quand tu me fais tes gros yeux ou qu'tu me gueule dessus ça me fait ce truc dans le ventre. Et là.
Elle avait sa main posé contre son cœur.
- Et tout les matins, quand je me réveille et que t'es à côté de moi, je me demande ce que j'ai bien pu faire pour t'avoir avec moi.
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