46. Origine
Victoria Olsson
Louna et moi, assise, une pizza entre nous et une série à la télé. Je lui avais dit de passer, j'avais prétexté un besoin urgent de soirée entre fille et elle avait accouru. Mais en réalité la vrai raison de mon appel était tout autre.
Le désastre du nouvel an avait eu lieu depuis presque une semaine, et je me sentais toujours aussi mal. J'avais ce poids qui me pesait au coeur et je savais plus quoi en faire.
Je m'étais dis que ce soir là je lui disais tout.
Mais bien sûr j'avais pas réussi à ouvrir ma putain de bouche quand il le fallait. Et j'avais fait comme si tout allait bien. Comme toujours.
Le lendemain, j'avais juste décidé que tout ça c'était trop pour moi. Alors j'avais fait ce que l'ancienne Victoria aurait probablement fait. J'avais pris un billet de train, et je m'étais barrée. J'avais seulement laissé un message à Deen, lui disant que j'avais besoin d'un peu de temps pour moi. Et je m'étais barrée.
Mon périple m'avait mené jusqu'à Toulouse. Inconsciemment j'avais sûrement choisi cette ville parce que mes parents y habitaient. Et peut être que ouais, l'origine de mon problème, c'était eux. Ou plutôt leur absence.
Sans rire, j'avais passé des années a dire que cette situation avec eux ne me touchait pas, que je me portais bien sans leur présence. Mais j'croyais que peu à peu cette mascarade aussi se cassait la gueule.
Assise sur un banc face à la petite maison que mes parents avaient acheté quelques années auparavant, j'hésitais encore sur la façon de m'y prendre. Ou peut être même sur l'idée de vraiment y aller.
Comment renouer les liens avec des gens avec qui les liens n'avaient jamais vraiment été noué?
C'est ce casse tête qui m'avait occupé une bonne partie de l'après-midi. J'étais restée assise un long moment à me faire craquer les doigts, à me ronger les ongles et à me mordre les lèvres. Jusqu'à ce que ma mère rentre du travail. Je ne l'avais pas vu depuis presque deux ans, et pourtant elle n'avait absolument pas changé. Toujours bien habillé, les cheveux tirés, une jolie paire de talon et un tailleur parfaitement repassé.
Sur le moment elle ne me remarqua pas, mais c'est en laissant tomber ses clés à côté d'elle, et en se tournant pour les rattraper que ses yeux se posèrent sur les miens.
Pendant un moment, elle n'eut pas l'air de réaliser que je me tenais réellement là, face à elle.
Moi, la grosse erreur de la vie de ces accros au travail.
- Victoria? finit-elle par demander enfin sortie de son mutisme.
- Salut maman.
Pas de grandes embrassades, pas de câlin, juste un signe de tête rapide et discret.
- Qu'est ce que tu fais là? Je te croyais à Paris.
Elle est si rigide. J'ai l'impression d'être une étrangère face à ma propre mère.
- Je suis de passage, je répondis. J'ai... Faudrait que je vous parle, à toi et papa.
Elle hocha la tête, un petit air suspicieux collé au visage.
- Je peux rentrer? je demanda en indiquant la porte.
Elle me fit entrer en silence. Seul le bruit de ses talons résonnaient contre le carrelage impeccablement propre.
J'étais déjà venu ici, quelques fois, qui se comptaient sur les doigts d'une main. C'était une très belle maison, avec un grand jardin. Sur les murs étaient accroché des dizaines de photographies. Mais jamais une seule de moi gamine.
Des personnes totalement extérieur à la famille pourraient carrément croire que c'est un simple couple sans enfant.
Je m'installa sur une des chaises du salon, elle revint quelques minutes plus tard avec une tasse de thé qu'elle me tendit.
- Ton père ne devrait pas tarder.
J'acquiesça, mal à l'aise. Enfaite j'avais envie de partir en courant. Qu'est ce qu'il m'avait pris?
Je scrutais ma maternelle qui avait l'air aussi tout aussi perdue et peu dans son élément que moi. Les relations humaines c'est vraiment pas notre truc dans cette satanée famille.
Elle n'avait pas tenté de lancer la conversation une seule fois, aucune question sur moi, sur mes études ou tout simplement reliée à ma vie. Elle s'était contentée de s'asseoir et d'attendre bien sagement que son mari rentre. Sans voir les cris silencieux de désespoir que je lui lançais.
Finalement quand un bruit se fit entendre dans la serrure elle se releva immédiatement, et quand mon père apparu elle se précipita vers lui.
- Oscar! Nous avons de la visite! Victoria est là.
Mon père resta bloqué un moment sur le palier de la porte avant de me prendre maladroitement dans ses bras.
Ils se mirent tout les deux à me fixer, attendant que je leur explique pourquoi leur fille habituellement si indépendante, et absente de leur vie, se trouvait dans leur salon.
- J'ai quelque chose à vous avouer, je murmura.
*
Je pensais que lever le voile sur ma maladie à mes parents ne les toucherait pas plus que ça. Après tout, ils n'avaient jamais eu grand chose à faire de moi, et les parents de Louna avaient été bien plus important dans mon éducation qu'eux. Pourtant ma mère qui avait pour habitude de ne jamais laisser transparaître ses émotions n'avaient pas pu retenir un petit hoquet de surprise, peut être de terreur. Et mon père, j'aurai presque juré voir ses yeux se remplir d'eaux.
Je leur avais parlé des derniers événements, de mon départ pour New-York, de mon retour. Et étonnamment, à leurs manières, ils avaient été compréhensifs. Alors quand j'étais finalement parti, je m'étais sentie un peu plus légère, peut être apaisée.
Non pas apaisée. Je ne le serai pas tant que je n'aurai pas récupéré Idriss.
Mais je me sentais moins fausse, un peu comme si je réussissais enfin à me décoller du tissu de mensonge dans lequel je m'étais engluée.
Dans le train de retour vers Paris, deux jours plus tard, j'avais fait ce que Mathieu m'avait dit de faire lors du nouvel an. J'avais écrit cette satanée lettre qui me délivrerait enfin. J'y avais mis mes tripes.
Et poussée par une montée de courage, j'avais décidé d'aller la remettre directement, parce que je me connaissais trop bien, si je ne le faisais pas directement j'allais me dégonfler.
Durant le trajet je n'avais pas arrêter de me ronger les ongles. Je priais pour qu'il ne soit pas là, parce qu'il y avait une différence entre le voir lire l'histoire de ma vie et simplement la déposer dans sa boite aux lettres en espérant qu'il daigne y accorder un tant soit peu d'attention.
Mais quand je traversa le hall de son immeuble, je tomba sur un visage connu. Pas le sien non. Mais celui d'Hakim.
Qui n'avait vraiment pas l'air enchanter de me voir là.
Je soupira en m'avançant vers lui alors qu'il semblait bien avoir envie de commencer le round 2 du studio.
- Qu'est ce que tu fais là? cracha t-il. Ça t'as pas suffit de le foutre en l'air, faut qu'tu recommences? T'es malade ma parole.
Alors là il pouvait pas dire plus vrai.
- Je. Fallait juste que je dépose quelque chose... Écoute Hakim, je sais que j'ai fais n'importe quoi, mais là j'essaie de tout réparer.
- De tout réparer? il demanda avec un rire cynique. Ça s'est bien un truc de petite gamine pourrie gâtée a croire qu'ça peut faire rouler le monde à sa guise.
- Tu crois que je suis une gamine pourrie gâtée?
- T'es une menteuse. Ça m'suffit pour savoir que je veux plus qu't'approches mon frère. Jamais.
- Il est là? je demanda en faisant abstraction de ce qu'il venait de me dire.
Il se tendit instantanément.
- Y'a quoi qu't'as pas pigé dans ce que j'ai dis? T'approches plus de lui. T'es morte pour lui.
Coup dans le cœur. KO émotionnel.
- Barres toi Victoria. Barres toi ou j'te jure que c'est moi qui t'sors de là, et j'en ai rien à foutre de te faire mal.
Il avait la haine. La rage.
En temps normal j'aurai été admirative de cette attitude. Parce qu'il se battait becs et ongles pour son frère, et c'est ce que j'avais fais toute ma vie pour Louna. Mais là c'était contre moi, et j'étais pas de taille face à un Hakim énervé.
Je fis quelques pas en arrière avant de tirer la lettre de mon sac. Je la regarda quelques secondes avant de lui tendre.
- T'as toute les raisons du monde pour déchirer cette lettre immédiatement, mais elle explique tout. Tout depuis très longtemps. New-York, le Bronx Lebanon, mon retour ici. Mon comportement.
Je me mordis la lèvre avant de relever la tête vers lui.
- Je sais que tu ne me penses pas digne de confiance, pas assez bien pour ton frère, et c'est probablement vrai. Mais s'il te plaît, remets lui cette lettre. Il a besoin de ces réponses. Et j'arrive plus à vivre en sachant que je l'ai blessé.
Il la saisit d'un mouvement brusque avant de tourner les talons et sortir du hall. Sans un mot. Mais avec un regard qui aurait pu m'égorger sur place.
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