45. Le Polak

Victoria Olsson

- Et t'as pas eu de nouvelle depuis qu'elle est partie? demanda Alpha en s'installant à côté de Mathieu, un verre à la main.

Le polonais secoua négativement la tête.

- Ça à juste fait trop pour elle, toutes ses histoires tu sais. J'crois que si elle n'était pas partie il serait arrivé une connerie tu vois.

- Elle reviendra, vous deux ça a toujours été évident.

Mathieu haussa les épaules, pas vraiment convaincu. Ken qui était de l'autre côté de la table prit alors la parole.

- Mec, crois moi, une gamine qui te soutient depuis que vous êtes gosses c'est pas anodin. Y'a des trucs qui sont fait pour aller ensemble, et vous deux j'parie sur la tête de Louna que ça l'est.

- Eh! s'exclama la blonde en mettant un coup de coude dans les côtes de son copain.

- Désolée chérie, mais si tu les voyais ensemble. Ils finiront tout les deux. C'est comme Id et...

Le grec se stoppa avant de me jeter un coup d'œil.

Putain j'arrivais pas à me lancer, pourtant il était là, à même pas à une dizaine de mètres de moi. Mais j'y arrivais pas.

Il m'impressionnait, et j'flippais et j'avais mal au ventre.

Putain c'était pas mon genre d'être une trouillarde pareille.

J'avais passé presque la moitié de la soirée à hésiter en fixant mon verre comme une demeurée. Mais j'avais jamais réussi à faire plus que le regarder. Lui il s'évertuait à bien m'ignorer. C'était mérité.

Je me leva pour rejoindre les toilettes. J'avais besoin de me remettre les idées en place.

Après plusieurs secondes à me fixer dans le miroir, la porte grinça et je vis apparaître PLK. Il se frotta les yeux. Il avait l'air crevé lui aussi.

Quand il capta que j'étais là il s'arrêta dans son mouvement.

- Victoria c'est ça?

- Ouais, je répondis en lui tendant la main, et toi Mathieu je sais, t'as pas besoin de te présenter. J'aime bien tes sons.

- Ah euh. Bah merci, il répondit en se frottant le crâne.

Je lui répondis avec un petit sourire avant de m'avancer vers la sortie. Mais je m'arrêta avant.

- Eh, hum. J'ai entendu ta discussion avec Alpha et Ken tout à l'heure.

Le polonais se tendit instinctivement en m'entendant.

- Bats toi pour elle si tu l'aimes, tu le regretteras sinon je peux te l'assurer.

J'étais vraiment entrain de donner des conseils alors que l'homme que j'aimais était dans la pièce d'à côté, probablement entrain de me haïr de toutes ses forces?

- Si tu penses qu'elle vaut le coup, que vous deux ça vaut le coup, ne lâche pas. Les relations, tout ça, c'est jamais facile, mais si il y a une chose que j'ai retenu c'est qu'abandonner ce qui nous rend vivant c'est jamais une bonne solution. Alors peu importe vos problèmes, si vous vous aimez, c'est ensemble que vous les règlerez.

Il me fixa plusieurs secondes avant d'hocher la tête, les yeux et le coeur sûrement bien loin de ce petit bar.

- Tu es amoureux de cette fille n'est ce pas? je demanda en m'appuyant contre la porte.

- Ouais. Elle a toujours été là et moi j'ai fait de la merde.

- Tu regrettes?

- J'm'en veux à mort. Je me suis jamais senti aussi mal que depuis qu'elle est partie. Je.. J'l'ai prise pour acquise, j'croyais qu'elle pourrait jamais me lâcher, qu'on avait vécu trop de truc pour qu'elle m'abandonne.

Il s'arrêta quelques secondes, le regard vide.

- J'ai brisé sa confiance. Et j'suis pas sur qu'elle puisse me le pardonner un jour.

- Comment elle s'appelle? je demanda en m'asseyant au sol suivit du rappeur.

- Azra. Elle est... C'est vraiment la meilleure chose qui me soit arrivée dans ma vie. Et je... Putain. Quelle merde.

Il posa son poing contre sa mâchoire avant de jurer des insultes en polonais.

- Je comprend, je murmura. J'ai tout foutu en l'air avec...

- Avec Idriss. Ouais je suis au courant. Ken blablate beaucoup quand il a bu.

Je soupira en laissant tomber ma tête en arrière.

- Faut que je lui parle, je le sais, mais je sais pas, ça me paralyse. Je flippe comme une malade.

- Ouais j'connais ça. Il a passé la soirée à te mater.

- C'est vrai?

- Ouais, même un aveugle l'aurait remarqué. Je te connais pas Victoria, et je connais pas non plus ta relation avec Framal, mais je pense que tu devrais lui parler. T'as pas l'air bien, et lui non plus, alors autant crever l'abcès maintenant.

- Même si ça finit mal? je demanda.

- T'as quelque chose à y perdre? il répondit.

Non. J'avais plus rien à perdre.

Je me releva avant de lui tendre la main pour qu'il se relève à son tour.

- T'es un mec bien, j'espère que tu retrouveras ta Azra.

Puis je sortis de la petite pièce adjacente aux toilettes.

Idriss était assis avec les gars du S-Croums. Je souffla, comme si ça pouvait me donner un peu de courage, avant de m'avancer vers lui. A chaque pas je me sentais un peu plus défaillir, mais je devais lui parler. Je devais arranger la situation. Je devais lui expliquer. Tout lui expliquer.

- Idriss, demandais-je.

Il se retourna et son regard croisa le mien. Pourtant je n'y vis rien. Rien à part du dégoût.

J'allais vomir.

J'étais plantée là comme une pauvre gamine perdue. Et je n'arrivais plus à rien.

- Qu'est ce que tu veux?

Sa voix était tellement tranchante. Froide. Insensible.

Merde. J'allais pleurer. J'allais m'effondrer d'un moment à l'autre.

- Je dois te parler.

Le regard des autres ne m'aidait pas non plus à prendre confiance. Hakim me foudroyait littéralement.

- J'ai pas envie de parler avec toi Victoria.

Boum. Première claque.

- S'il te plaît, le suppliais-je du regard.

Il soupira avant de se lever, d'un signe de tête il désigna la sortie du bar. Le froid me brûla le visage, mais ce n'était rien comparé à la douleur qui me tordait les entrailles.

Je crois que je n'avais jamais au aussi mal au coeur de ma vie.

Pourtant j'avais pas le coeur le plus vigoureux de la terre. Sans mauvais jeu de mot.

On s'éloigna de quelques mètres avant qu'il s'arrête. Il était dos à moi, et je pouvais voir rien qu'à sa façon de se tenir à quel point il était tendu.

Putain, merde, j'allais jamais y arriver.

- Explique moi, finit-il par lancer en se tournant vers moi.

J'hocha la tête en tentant de formuler dans ma tête quelque chose de correcte. J'avais du mal à ordonner mes pensées, un peu comme si mon cerveau n'était plus qu'un gros brouillon.

- Je... Hum. C'est un peu long. Je vais... Putain. Merde, grognais-je en me mordant les lèvres.

Il me fixait, et je voyais très bien qu'il était à deux doigts de me lâcher. De se barrer et de m'abandonner définitivement.

Parce que dans son regard, je ne voyais plus que du dégoût, de la répulsion. Plus d'amour. Plus d'affection. Plus rien. Et ça venait de définitivement me trouer le coeur.

J'arrivais plus à parler. Tout était coincé dans ma gorge, dans mon coeur.

- Putain si tu parles pas j'me barre.

- Idriss je..

Il lâcha un soupir avant d'hocher négativement la tête, secoué par un sale rictus qui me tordit instantanément le bide.

- C'est toujours la même chose avec toi Victoria. T'es tellement empêtrée dans tes mensonges que t'arrives mêmes pas à t'en sortir.

Mes larmes hypothétiques n'étaient plus si hypothétiques.

- Tant que tu seras pas capable de jouer franc jeu avec moi, reste loin.

Et après m'avoir craché ces derniers mots il tourna les talons et rejoignit le bar.

Je resta un moment, un peu sonné. J'avais l'impression que mon cerveau avait clairement disjoncté.

- Tu pleures?

C'est la voix de Mathieu qui me tira de ma transe. Il avait rabattu sa capuche sur sa tête et avait une clope au bec.

J'essuya rapidement les larmes qui avaient coulé sur mes joues en reprenant ma respiration.

- Non. Non. Tu pars? je demanda en m'éclaircissant la voix.

- Ouais, y'a qu'des couples ça me plombe le moral. Tu veux qu'on aille marcher un peu? J'ai croisé Idriss, il avait pas l'air bien, et quand j'te vois je me dis que j'aurai dû fermer ma gueule et pas te pousser à aller t'expliquer.

- C'est pas ta faute, je répondis. C'est compliqué.

- Tu m'expliques? il demanda en m'indiquant de le suivre.

Sans vraiment rechigner je le suivis. On marcha pendant plusieurs minutes dans le silence. J'avais besoin de m'éloigner d'Idriss et de tous les drames qui nous entouraient.

- J'ai menti à Idriss. Fin, théoriquement c'est plus une omission qu'autre chose, mais tout à déraillé il y'a quelques semaines. Il supporte pas que je lui ai caché des choses, et sur ce point je le comprend. Mais c'est quelque chose de tellement gros que j'ai du mal à l'expliquer. Et il m'en donne pas vraiment l'occasion.

- Enfaite t'arrives pas à lui expliquer quoi, résuma grossièrement le rappeur.

- Ouais voilà.

Il s'arrêta et enfonça ses mains dans ses poches.

C'est à ce moment que je me rendis compte de sa tête de gosse. Après tout il n'avait que 22 ans. C'était sûrement pour ça qu'on avait aucune gêne à parler, j'avais à peine deux ans de plus.

- Si t'arrives pas à lui dire, écris le, lança t-il sérieusement. Tu prends un stylo et tu lâches tout.

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