44. Sans goût

Victoria Olsson

Idriss. Voilà ce que mes mensonges m'avaient coûté.

Ils m'avaient coûté l'une des personnes les plus importantes à mes yeux, et tout ça pour quoi? Pour maintenir un secret déjà bancal, un truc qui se cassait déjà la gueule.

Quand j'avais quitté son appartement, j'avais essayé de retenir mes larmes, j'avais vraiment essayé de tenir, de ne pas m'effondrer, mais quelques rues plus loin, quand Louna m'avait rattrapé, je n'avais pas réussi à m'empêcher de fondre en larme. Parce que tout ça, toute cette histoire, c'était juste trop.

Trop compliqué, trop intense, trop destructeur.

On était restée tellement longtemps assise sur ce trottoirs moi à pleurer et elle a essayé de me réconforter. Je lui avais pas expliqué, j'en avais pas été capable. Une semaine plus tard je m'en sentais toujours incapable.

J'avais passé des mois à avoir peur de révéler ma maladie à Louna de peur de la blesser, de la rendre triste, et au final c'était mon copain que cela m'avait fait perdre.

La vie a un drôle de sens de l'humour.

Le karma ils disent.

Je m'étais littéralement traînée pour aller en cours, et mes seules sorties s'étaient résumés à aller faire les courses. Putain toute ma vie je m'étais foutue de la gueule de ses meufs qui se transformaient en légume quand leurs mecs les quittaient, pour au final me retrouver à m'apitoyer sur mon sort tous les soirs.

C'était tellement pas moi putain.

Ça me foutait les nerfs.

Ça me donnait envie de pleurer.

Peut être même de gerber.

Si j'avais pu disparaître, croyez moi je l'aurai fait avec plaisir. J'avais l'impression de vivre dans une nouvelle dimension toute terne.

Comme quoi, l'adage est vrai, une personne vous manque et tout est dépeuplé.

Je n'avais pas eu de ses nouvelles. Dans des excès de courage par moment, j'avais appuyé sur le bouton d'appel, mais il n'avait jamais répondu. Je m'étais dite que si il décrochait je balançais tout, toute la vérité, j'expliquais tout, je mettais fin à cette mascarade.

Mais il n'avait jamais décroché.

J'avais appris quelques jours après par Ken que les deux frères Akrour étaient parti au bled pour passer les vacances de Noël.

Putain même ça ça avait un goût terne. Noël ne m'avait jamais semblé aussi vide de sens. Pourtant j'étais pas une grande fan, il avait le même statut pour moi que les anniversaires. Mais ce noël avait été de loin, le noël le plus dure de ma vie.

Pourtant je n'étais pas restée seule. On l'avait fêté chez les Dubernat, les parents de Louna, avec Ken et même Thylane. Et même après la dose incroyable de bonne humeur qui avait pu circuler, même après les délicieux plats, mêmes après les cadeaux sous le sapin, et la cure de Disney, le monde ne m'avait jamais paru aussi terne et dénué de sens.

Louna et Tyl avaient essayé de me faire sortir, de me pousser à parler, à m'amuser. Mais comment s'amusait quand on venait de réduire à néant la seule chance de bonheur qu'on avait?

Un jour Moh m'avait dit que je m'étais transformée en une sale version de moi, un peu comme si j'avais activé le monde zombie. Et il avait foutrement raison.

Alors j'avais décidé de me reprendre. Après plusieurs semaines à m'apitoyer sur mon sort, j'avais décidé de me bouger. Si il ne voulait pas répondre à mes messages, j'allais le forcer à m'écouter. J'allais tout lui expliquer. J'allais jouer franc jeu et j'allais le récupérer. Quitte à ramer.

- Tu devrais détacher tes cheveux.

Je me retourna vers Thylane qui se tenait dans l'encadrement de la porte. Elle portait une robe noir qui lui allait parfaitement, et une paire de talon superbe. Elle était toujours classe, c'est un truc que j'avais remarqué ces dernières semaines.

- Il aime bien quand t'as les cheveux comme ça, elle continua en détachant l'élastique tenant ma crinière.

Je passa une main dans mes cheveux pour les remettre en ordre avant de me tourner vers elle.

- Je peux te poser une question?

- Bien sur, répondit elle dans un petit sourire.

- Pourquoi tu me détestes pas? demandais-je. Je veux dire, pourquoi toi tu ne m'en veux pas? Hakim me déteste, Théo arrive pas à me regarder sans grimacer et j'vois bien que Ken m'en veux, pourquoi toi non? Tu le connais depuis tellement de temps, tu devrais me détester de l'avoir blessé.

Elle s'installa sur le bord du lit en me fixant. Un regard bienveillant.

- Je pense que si tu lui as caché des choses, c'était pour une raison. Et il le comprendra lui aussi. Tu sais Idriss c'est un sanguin. Mais pas un rancunier. Il a agit comme un con sur le moment parce qu'il a pas su comment réagir. Et les garçons c'est pareil.

Elle se coupa quelques secondes avant de reprendre.

- Ken, c'est par pure solidarité, il a rien contre toi, et Théo c'est un peu la même chose.

- Mais pas Hakim, je répondis. Lui il me déteste vraiment.

- Il te déteste pas Victoria. Il déteste juste l'idée qu'on puisse s'en prendre à son frère. Il a toujours été comme ça avec chacun de nous. C'est un protecteur.

Elle en parlait avec une voix calme et posée, pourtant personne ne pouvait nier le fait qu'entre eux deux c'était compliqué. On assistait aux feux de l'amour depuis son retour. Pourtant j'avais la sensation que dans toutes les situations elle l'aurait défendu corps et âmes.

- Hakim se rendra compte qu'il y a des choses qui sont irrésistibles. Qu'il n'y a pas que du noir et du blanc. Et que t'as jamais voulu blesser son frère.

- Comment tu sais que j'ai jamais voulu le blesser?

- Ma belle si ça avait été intentionnel, jamais tu n'aurai passé ses dernières semaines à te laisser dépérir. J'ai aucun doute sur ta sincérité.

Elle me fit un sourire d'une honnêteté désarmante avant de me tendre un vêtement posé sur le lit.

- Alors fais moi plaisir, enfile cette combinaison, et va récupérer cet idiot d'Idriss avant qu'il dépérisse à son tour.

Elle quitta la chambre, mais je l'arrêta quelques secondes.

- Merci Tyl.

Elle me répondit par un grand sourire avant de définitivement sortir de la pièce.

J'enfila la combinaison avant de discipliner mes cheveux. Après quelques minutes à me maquiller, je rejoignis Thylane, Louna et Ken dans le salon de ce dernier. Ils étaient tous bien habillé.

Après tout, le nouvel an se devait d'être fêté dignement. Enfin je crois.

Les gars avaient réservé un bar de la capitale, et apparemment on devait être un sacré paquet.

Sur le chemin, je ne pus m'empêcher de jouer anxieusement avec la coque de mon téléphone. J'étais nerveuse. Bien plus nerveuse que ce que j'aurai pu penser. J'avais l'impression que toutes les fibres de mon corps n'étaient que des nerfs tendus, prêt à lâcher à tout moment.

Je ne l'avais pas vu depuis plusieurs semaines, j'avais essayé des dizaines de fois de rentrer en contact, mais jamais il n'avait prit la peine de me répondre. N'importe quelle personne saine aurait lâché l'affaire. Et putain moi je restais accroché comme un coquillage à son rocher.

- Arrête, tu me stresse, grimaça Louna en me voyant me ronger les ongles.

- Désolée, je grimaça.

Je fixa mon regard sur l'extérieur. Putain j'avais l'impression que mon cerveau bouillonnait.

- Et si les autres sont en colère contre moi? je demanda en brisant le silence.

- Vic, répondit Louna.

- Quoi? C'est vrai, c'est leur pote bien avant d'être les miens. Et je les ai pas vu depuis mon... Putain je suis sûr que j'aurai pas du venir.

- Arrête ça, râla Ken.

Je croisa son regard dans le rétro.

- Les mecs t'en veulent pas. Ça a chauffé tout le monde sur le moment mais c'était y a des semaines. Y'a juste Hakim. Mais c'est Hakim quoi.

J'hocha la tête en serrant mon téléphone.

Toute cette histoire avait fait bien trop de dégât.

Et j'allais tout réparer. A commencer par Idriss.

Quand on arriva dans le petit bar, la plupart des gars étaient déjà là, souvent accompagné, il y avait également des têtes inconnus, et d'autre tête du rap game que je ne connaissais pas spécialement.

La première chose vers laquelle Louna me tira c'est Deen. Je l'avais un peu mis de côté ces dernières semaines. Enfaite j'avais tout mis de côté.

Je le regarda avec un petit sourire désolée, et ça tête de ronchon laissa rapidement place à un petit sourire et des bras grands ouverts.

- T'es vraiment une insupportable gamine.

- Je sais, je grimaça en m'écartant de lui. J'étais juste un peu perdue.

- T'étais pas là seule, me répondit-il en m'indiquant un endroit derrière nous.

Je me retourna. Idriss était entrain de parler avec Jasmine et Théo.

- Tu vas aller lui parler?

- Oui. J'ai des explications à donner.

À Deen aussi je devrais expliquer les choses. Mais pour le moment ça me paraissait déjà assez compliqué de les expliquer à Idriss pour ne pas me rajouter cette pression supplémentaire.

Il acquiesça d'un mouvement de tête.

Idriss avait mit un jean noir et un polo blanc qui lui allait foutrement bien. Il était beau à en mourir et j'avais l'impression que mon coeur vacillait à chaque fois que je posais les yeux sur lui.

- J'ai besoin d'un verre, je murmura.

Deen me suivit près du bar. On nous servit à chacun un cocktail que je termina rapidement.

Que ces putains de médicaments aillent se faire foutre. J'avais besoin de courage. Et pour le coup, sans un minimum d'alcool dans les veines je ne me sentais pas capable de déballer toute la vérité.

Parce que c'était moche, triste, et à double tranchant.

Ce soir j'allais récupérer l'homme que j'aimais ou le faire fuir à tout jamais.

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