4. Victoire
Victoria Olsson
- Tu me prends pour ce que je ne suis pas, répondis-je le regard fixé sur l'immeuble face à moi.
- Jcrois pas, les go comme toi j'les connais.
- Les go comme moi? répétais-je en fronçant les sourcils.
- Ouais les meufs comme toi qui cherche juste un peu d'attention pour se sentir exister.
- Le genre de meuf que tu te tapes? Tu sais quoi, je te trouve bien présomptueux, lâchais-je en me tournant vers lui. T'as un putain d'ego, jprefere m'taper tout Paris qu'être avec un type comme toi.
- C'est ce qu'elles disent toutes, répondit-il en me fixant avec un sourire en coin.
J'eus un rire nerveux. T'énerves pas Vic, ça vaut pas le coup pour un mec pareil.
- Tu sais quoi t'as raison, je devrais rentrer et allé choper le premier de tes gars que je croise, vu qu'apparemment tu m'as déjà mit dans cette catégorie, lâchais-je en me tournant vers la baie vitrée.
- T'en serais pas capable, entendis-je derrière moi.
Je me tourna de nouveau vers lui.
- Là c'est toi qui n'est pas cohérent.
Il se mordit la lèvre, le regard caché par la visière de sa casquette. Puis il releva la tête et plongea son regard dans le mien.
- Je t'ai à l'œil Victoria.
Je tourna les talons avec un petit rire. Avant de refermer la baie vitrée derrière moi je me tourna vers lui.
- J'ai passé l'âge qu'on me surveille, mais si tu kiffes, admires le spectacle, lançais-je avec un clin d'œil.
Ouais c'était clairement de la provoc'. Mais il l'avait largement cherché. Je m'installa entre Ken et Moh et demanda à ce dernier de me tendre un verre. Au diable ces conneries de règles, un verre qu'est ce que ça change.
Le reste de la soirée défila à une vitesse hallucinante, ces mecs étaient des putains d'abrutis mais qu'est ce qu'ils m'avaient fait rire. Je les avais tous un peu plus découvert, sauf monsieur Idriss qui avait apparemment décidé de mettre sa menace à exécution et qui avait passé la soirée à me fixer comme si je venais de lui piquer son goûter.
Quel abruti.
A moitié allongée sur le canapé, la tête vers le sol et les pieds sur le rebord, je regardais Ken et Louna se lécher la mâchoire sans ménagement. Une moue dégoûtée sur le visage je me tourna vers Antoine assis à ma gauche. Lui aussi avait la même mine dégoûtée collé au visage.
- On m'disait que je comprendrai quand je serai grand. J'comprend toujours pas, lâcha t-il.
Je pouffa à l'entente de sa phrase. On semblait avoir plus ou moins la même conception des relations amoureuse.
- Ils font des économies ces cons, avec ça pas besoin d'un détartrage, soufflais-je en relevant ma tête vers lui.
- T'es conne, rigola t-il en me poussant avec son genoux.
Je grogna, à force d'être dans cette position, je commençais à avoir la tête qui tournait.
Un peu plus loin, quelques uns des gars étaient assis autour d'une table, se faisant tourner un joint tout en faisant un concours de punchline. Allez savoir pourquoi.
Ce n'est que vers 4h que certains des gars décidèrent de partir. La tête légèrement tournante, je me leva afin de suivre le mouvement. Pas question de me taper encore une nuit sur un canapé, aussi confortable soit-il. Je m'apprêtais à dire au revoir à tous les garçons quand je me rendis compte que les quelques restants étaient plus ou moins endormie ou entrain de comater sur le canapé ou par terre. Je souffla avec un petit rire en voyant Moh à moitié avachit sur le bar, prêt à s'effondrer par terre. A sa droite Mekra n'en menait pas large non plus.
J'enfila mon téléphone dans ma poche après les avoir pris en photo, et aida le propriétaire de l'appartement à rejoindre son lit. A moitié réveillé, il grogna quand je lui demanda de se lever. Au final il se laissa traîner, à moitié dans le coaltar. J'écarta la couette en attendant que le rappeur s'y faufile, mais il s'avéra que ce fut une épreuve assez compliquée, notamment entravé par un petit orteil contre un angle du lit, une chute après s'être emmêlé les pieds dans un vêtement traînant par terre et trois insultes à propos du sol qui tanguait. Quand il se cala enfin dans les draps, je le recouvris avec la couverture et fis le tour du lit aussi silencieusement que possible.
Je m'apprêtais à sortir de la chambre quand le rappeur murmura quelques mots, la voix endormie.
- Refais des crêpes et t'auras toujours ta place dans la miff Vicky.
Je pouffa et lui répondis que j'en referai avant de doucement fermer la porte. Je regarda une dernière fois le salon où plusieurs gars jonchaient comme des cadavres sur le sol. Je les aimais bien finalement.
Je ferma la porte doucement et dévala les escaliers. Il était presque 4h45, et les premiers métros ne passeraient pas avant un peu moins d'une heure.
Je souffla en pestant. Horaire de merde.
J'hésita a remonter afin d'attendre un peu à l'intérieur, mais le temps plutôt clément et le ciel parsemé d'étoile me convainquit qu'attendre ici serait plus agréable qu'écouter la basse cour ronfler.
Je fis glisser ma capuche sur ma tête et partis vers la station de métro quand j'aperçus une silhouette plusieurs mètres plus loin, entrain de fumer. Assis contre un banc, une casquette et une capuche vissé sur le sommet du crâne, le kabyle me regardait en silence.
Je fus tentée de faire comme si je ne l'avais pas vu et tracer ma route sans lui adresser un regard, mais à l'évidence, il apparaissait comme la seule distraction qui pouvait m'occuper en attendant de rentrer chez Louna. Alors je m'avança vers lui, les mains dans le sweat et un air mesquin scotché au visage.
- Alors, à ton avis, j'ai choppé combien de tes gars? demandais-je.
Il grogna en me lançant un regard noir.
- Qu'est ce tu fous ici? lâcha t-il après plusieurs secondes
- Je rentre chez Lou.
- T'es chez elle? demanda t-il.
- Ouais, c'est temporaire. Le temps que je me refasse.
Il hocha la tête. Plus froid du meurs.
Je m'installa sur le haut du dossier du banc, à sa hauteur. Il me regarda en fronçant les sourcils.
- Tu fous quoi là?
- Bah je reste avec toi ça se voit pas? répondis-je.
- La vie d'ma mère que t'es une putain de plaie, grogna t-il en fronçant les sourcils.
Un rire m'échappa. J'avais tellement passé la majeure partie de ma vie à essayer de faire chier les gens, de les faire sortir de leurs gonds, que maintenant je le faisais sans même m'en rendre compte.
On resta plusieurs minutes dans le silence, à fixer le ciel.
Et pour une fois, il n'y avait pas vraiment de tension entre nous deux. C'était un simple silence apaisant, reposant.
Ça me rappelait tous les soirs ou Louna et moi montions sur le toit de notre ancien immeuble pour passer nos soirées allongées sur des couvertures à se raconter nos souvenirs. Pendant plus de 3 ans nous avions été en colocation, puis à nos 21 ans, on avait préféré prendre chacune notre indépendance. A ce moment là, j'avais trouvé un studio minuscule, un peu miteux et délabrée. Et Lou elle s'était installée avec son petit copain de l'époque. Ils étaient ensemble depuis plus de 5 ans après tout, ce n'était ni prématurée, ni irréfléchie. Mais ça n'avait pas vraiment bien fini.
Alors le fait de revivre ensemble, même si ce n'était que temporaire, c'était un peu une bouffée d'oxygène, un retour au moment où tout paraissait plus simple.
Je souffla et me frotta le bout du nez, le froid commençait à me picoter les narines.
Idriss avait fini de fumer sa clope et semblait comme moi, perdu dans ses pensées. Je le regarda plus attentivement. Il avait des traits étonnamment délicat, un peu enfantin et à la fois masculin, un curieux mélange qui lui donnait un charme fou.
- J'suis pas ici pour choper qui que ce soit, déclarais-je.
Il tourna la tête vers moi, son regard encré dans le mien.
- J'ai bien trop de respect pour votre bande pour faire quoi que ce soit qui pourrait vous éclater à la gueule, j'ajouta. J'nous vois un peu, moi et Lou, dans votre amitié. C'est le truc le plus authentique du monde, y'a qu'ça de vrai. Alors si tu flippes que je joue avec tes potes, t'as rien à craindre. Ça n'arrivera pas. Je suis là pour Lou, elle vous aime bien et au final je crois qu'elle a pas tord.
Le brun ne me répondit pas pendant plusieurs secondes. Je douta même qu'il ait écouté une seule de mes phrases. Puis un petit sourire éclaira son visage.
- Elles étaient bonnes tes crêpes, murmura t-il en se frottant la barbe.
Un rictus m'échappa.
- Victoire! Il a arrêté de tirer la tronche, m'exaltais-je en me levant.
- Ferme là bouffonne, tu vas réveiller tout le quartier, râla t-il.
Je roula des yeux en regardant l'heure sur mon téléphone. 5h21.
- Bon c'est pas que je m'ennuie, mais mon lit m'appelle, lançais-je en reculant. Fais pas cette tête Fram, même les meufs les plus cool ont besoin de sommeil.
Ce fut à son tour de rouler des yeux en soupirant. Bah quoi j'suis pas une fille cool peut être?
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